A propos des travailleurs et du droit de propriété. - France Catholique
Edit Template
La justice de Dieu
Edit Template

A propos des travailleurs et du droit de propriété.

Copier le lien

Il y a un consensus sur la nécessité de trouver rapidement un remède à la misère et à la détresse écrasant injustement la majorité de la classe laborieuse… par degrés, les travailleurs ont été abandonnés, isolés et sans défense, à la dureté de coeur d’employeurs et à l’avidité d’une compétition incontrôlée. Le tort causé a été accru par l’usure, qui, bien que condamnée à plusieurs reprises par l’Eglise, est néanmoins, sous une apparence différente mais avec la même injustice, toujours pratiquée par des hommes d’une avidité sans borne. A cela s’ajoute que l’embauche et la conduite des affaires sont concentrées dans les mains d’un petit nombre ; ainsi un petit groupe d’hommes très riches a la capacité d’imposer aux masses de travailleurs pauvres un joug à peine plus léger que l’esclavage.

Pour remédier à ces maux, les socialistes, s’appuyant sur l’envie des pauvres envers les riches, s’efforcent d’éliminer la propriété privée et prétendent que les possessions individuelles devraient devenir la propriété de tous et être administrées par l’Etat ou des organismes municipaux. Ils professent que par ce transfert de la propriété individuelle vers la propriété collective, l’actuel état des choses sera corrigé, dans la mesure où chaque citoyen recevra sa juste part des bien de consommation. Mais leurs arguments sont si clairement impuissants à finir la controverse que là où ils sont mis en pratique, le travailleur est le premier à souffrir. En outre, ils sont profondément injustes, car ils dépouilleraient le possesseur légitime, fausseraient les fonctions de l’Etat et créeraient une confusion totale au sein de la communauté.

Il est incontestable que lorsqu’un homme exerce un travail rémunéré, sa motivation est d’obtenir des biens, qu’il tiendra pour siens par la suite… il a donc la ferme intention d’acquérir un droit plein et entier, non seulement sur sa rémunération mais aussi sur la façon d’en disposer, selon son gré. Alors, il vit frugalement et épargne, et pour plus de sécurité investit ses économies dans la terre. La terre, dans ce cas, est son salaire sous une autre forme ; par conséquent, la petite propriété ainsi acheté par le travailleur devrait être entièrement à sa disposition comme l’est le salaire qu’i reçoit pour son travail… Par suite, les socialistes, en tentant de transférer les biens des individus à la communauté lèsent les intérêts de chaque salarié, puisqu’ils veulent le priver de la liberté de disposer de son salaire et par là de tout espoir et possibilité d’augmenter ses ressources et d’améliorer ses conditions de vie.

Quoi qu’il en soit, ce qui est de la plus extrême importance est le fait que le remède qu’ils proposent est manifestement contraire à la justice. Car chaque homme a par nature le droit de posséder. C’est un des principaux points de distinction entre l’homme et l’animal :l’animal n’a pas le pouvoir de se diriger, il est gouverné par deux instincts principaux… L’un est l’auto-conservation, l’autre la propagation de l’espèce. Les deux peuvent atteindre leur but au moyens de choses se trouvant à leur portée ; les animaux ne peuvent aller au-delà… Mais l’homme est entièrement différent. D’un côté, il possède l’entière perfection de l’animal et par là il jouit des choses matérielles au moins autant que le reste du règne animal… C’est l’esprit ou raison qui est l’élément prédominant de la nature humaine, ce qui rend humain chaque être humain… En considération de quoi – l’homme seul parmi la création étant doté de raison – il doit être de son droit de posséder les choses, non pas seulement pour un usage temporaire et momentané, comme le font les autres êtres vivants, mais pour une possession durable…

Le fait que Dieu ait donné la terre à toute la race humaine pour en user et en jouir ne peut en aucun cas exclure le droit à la propriété privée. Car Dieu a accordé la terre à l’humanité en général, non dans le sens que tous sans distinction peuvent agir sur elle selon leur gré, mais plutôt qu’aucune partie n’est assigné à quelqu’un en particulier et que les limites de la propriété privée sont à déterminer par l’industrie même de l’homme et par les lois. En outre, la terre bien que répartie entre des possesseurs particuliers, ne cesse pas pour autant de fournir aux besoins de tous, dans la mesure où personne ne vit que de ce que la terre produit. Ceux qui ne possèdent pas la terre contribuent par leur labeur. On peut donc vraiment dire que toute la subsistance humaine dérive du travil de la terre ou d’un autre labeur…

Nous avons de nouveau d’autres preuves que la propriété privée est en accord avec les lois de nature. Ce qui est nécessaire à la préservation de la vie et au bien-être est produit en grande abondance par le sol, mais non sans que l’homme ne l’ait cultivé et n’y ait dépensé sa sollicitude et sa compétence. Dès lors que l’homme oriente l’activité de son esprit et la force de son corps à l’obtention des fruits de la nature, il fait sienne la portion de nature qu’il cultive – cette portion sur laquelle il dépose, en quelque sorte, l’empreinte de sa personnalité. Et il ne peut être que juste qu’il possède cette portion comme son bien propre et que nul ne soit justifié à violer ce droit.

(extrait de l’encyclique Rerum Novarum)

http://www.vatican.va/holy_father/leo_xiii/encyclicals/documents/hf_l-xiii_enc_15051891_rerum-novarum_fr.html

http://www.vatican.va/holy_father/leo_xiii/encyclicals/documents/hf_l-xiii_enc_15051891_rerum-novarum_en.html

Le pape Léon XII (2 mars 1810 – 20 juillet 1903), né Vincenzo Gioacchino Raffaele Luigi Pecci, est le 4e pape ayant eu le plus long règne, après Saint Pierre, Pie IX et Saint Jean-Paul II.