Regard sur le cas de Kérizinen - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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Regard sur le cas de Kérizinen

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Le pontificat de Jean-Paul II a été marqué notamment par l’influence de deux révélations privées : Fatima et le message de sœur Faustine. Citons aussi Medjugorge (depuis 1981) qui a donné lieu à la constitution d’une commission romaine en 2010 présidée par le cardinal Camillo Ruini et qui vient de clore son enquête (17 janvier 2014) dont on attend les conclusions. Évoquons également le cas des cinquante-six messages adressés par la Dame de tous les peuples à Amsterdam (1945-1959) qui a d’abord fait l’objet d’une décision négative jusqu’en 1995, puis, d’une approbation pour une dévotion publique en 1996 et enfin une reconnaissance de son caractère surnaturel le 31 mai 2002. Ces messages de la Vierge portent notamment sur une demande, bien extraordinaire et même prodigieuse pour une révélation privée, puisqu’il s’agit de proclamer le dogme de Marie corédemptrice, médiatrice et avocate 1.

De 1900 à 1954, on comptait 362 cas de révélations privées avec quatre approbations formelles et dix autorisations de culte. En 2014 il faut ajouter trois approbations : Akita (1974 au Japon) et Amsterdam (2002), Le Laus, trois reconnaissances de culte : l’Escorial (2010), Île Bouchard (1947), Kibého (1982). Il reste cinq cas controversés : Tilly, Kerizinen, Garabandal, Medjugorge, San-Damiano ) 2.

Le Ciel s’adresse donc à la terre pour une conversion obtenue par la prière et la pénitence. Dans l’Ancien Testament les prophètes étaient plus spécialement chargés de proclamer la volonté de Dieu, aujourd’hui c’est par des révélations privées à des gens simples, parfois des convertis, que Dieu fait connaître sa volonté. Lorsque l’apostasie s’étend et rend les fidèles infidèles, il faut d’autres voix plus émotionnelles pour faire entendre les sourds. C’est alors que les experts rationalistes, clercs ou laïcs, s’attachent à ruiner les appels du Ciel comme hier les faux prophètes contredisaient les vrais. On remarque que les enfants, les pauvres, les pécheurs convertis, sont plus spécialement choisis, comme à Lourdes et Fatima, pour transmettre la volonté de Dieu « sans glose ». Rome confie la tâche de discernement aux évêques qui examinent puis décident. C’est une lourde responsabilité. Le peuple de Dieu doit obéir mais il arrive comme dans le cas de missions confiées à des amis de Dieu et persécutés par leurs supérieurs qu’il faut à la fois obéir et croire ce que Dieu fait comprendre dans l’intimité des cœurs. Il suffit de citer ici le cas de Sœur Faustine qui devait en même temps obéir aux supérieures et réaliser ce que le Christ demandait par ailleurs : fête de la Miséricorde, icône du Christ, fondation d’une nouvelle communauté, dévotions diverses (chapelet, lecture du Petit Journal) que son entourage immédiat prenait pour d’absurdes rêveries. La sainteté de l’humble sœur polonaise rendit possible une situation qui humainement était impossible.
Les révélations privées ne peuvent être comprises que dans la prière et il faut retenir plusieurs possibilités : révélations authentiques / révélations fausses ; révélations d’abord authentiques / devenues fausses et révélations en parties justes et /partiellement erronées . C’est l’obéissance qui permettra de séparer la paille du bon grain, mais cette obéissance peut, du fait même de l’autorité, ne pas pouvoir donner des fruits 3
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Il arrive que la Grâce exige la réalisation de telle ou telle condition sans aucune proportion avec le message principal. Historiquement on peut citer la demande faite à Louis XIV de mettre l’image du Cœur du Christ sur les drapeaux pour triompher de ses ennemis, ou bien que le pape consacre, en union avec les évêques, la Russie au Cœur de Marie afin de triompher du communisme. Ici on se trouve devant un geste de foi et d’humilité pour obtenir un résultat complètement démesuré avec la nature du geste. Dans la Bible la guérison d’une lèpre est obtenue par un simple bain dans le Jourdain, figure du baptême 4.

Cette disproportion est l’image de la puissance des sacrements qui pour être reçus de manière féconde doivent être accueillis de manière active. On peut recevoir quotidiennement l’Eucharistie sans aucun profit par l’indifférence. Dieu peut tout mais Il a voulu dépendre de notre liberté créée à son image et ressemblance.

La tonalité eschatologique est dans les révélations contemporaines de plus en plus sensible. Le Seigneur avait déclaré à Sœur Faustine (1905-1938) qu’Il l’envoyait pour préparer l’humanité à son retour. Notre-Dame de l’Escorial (1981-2013) dont les messages (1981-2002) sont si impressionnants a fait l’objet d’une reconnaissance de culte (6 février 2010) par le cardinal don Antonio Rocco Valera, archevêque de Madrid (chapelle sur les lieux de l’apparition). La voyante, Luz Amparo est décédée en août 2013, j’ai concélébré la messe de sépulture au milieu des communautés très vivantes qui s’inspirent des messages. Jésus déclara à Luz Amparo dans les révélations à l’Escorial (1981) 5: « Le dernier jour est proche, Ma fille, et en ce dernier jour, Je viendrai comme Juge. » Luz Amparo voit l’enfer où l’on ne meurt plus, où la souffrance est éternelle. Cette vision affreuse est suivie d’une brève vision du Ciel. Le Ciel est là où Je suis dit Jésus et pour y être il faut l’humilité c’est-à-dire la vérité. « Ma Miséricorde est très grande, mais Ma Justice est immense. » La Vierge ajoute : « Et lorsque vous vous présenterez devant la divine majesté de Dieu, ce sera terrible parce que vous n’avez pas voulu mettre ses Lois en pratique. Il ne vous connaîtra pas, comme vous, vous n’avez pas voulu le connaître. Quand vous arriverez en présence de Dieu, que vous répondra-t-Il ? »

On voit qu’il s’agit de vérités qui engagent le salut ! à l’Escorial les prêtres font l’objet d’une leçon énergique de la part de la Mère de Dieu : « Soyez clairs et dites la Vérité. La Vérité est crue, et les pasteurs ont peur de dire la Vérité. Ils ne parlent que de la Miséricorde de Dieu. C’est pourquoi chaque individu veut se gouverner par lui-même et veut la liberté car comme Dieu est miséricordieux, quoi qu’ils fassent, Dieu appliquera sa Miséricorde, selon ce que disent beaucoup de prêtres… Vous prenez le péché pour la vertu et la vertu pour le péché… Et comment un grand nombre de pasteurs de mon Église ne croient-ils pas que la mère de Dieu peut se manifester aux hommes ! » On pense ici à Kerizinen !

Les apparitions de Kerizinen à Jeanne-Louise Ramonet (1910-1995) sont contemporaines de celles d’Amsterdam demandant la proclamation du dogme de Marie Co-rédemptrice. Rappelons qu’entre le 15 septembre 1938 et le 1er octobre 1965, il y eut soixante-et-onze apparitions, quinze de Jésus et Marie ensemble, onze du Christ seul, une de la Sainte Famille et quarante-trois de la Vierge Marie. Au total soixante-cinq messages de deux pages en moyenne. La consécration du Monde aux Cœurs unis, du Christ et de Marie, dans le Saint-Esprit est explicitement demandée. La prière du rosaire est privilégiée.

C’est l’évêque qui doit juger des révélations. Quatre interdits ont frappé les apparitions de Kerizinen, obligeant les fidèles à obéir malgré la conviction de plusieurs qui croient à son authenticité. Il faut replacer ce fait dans un ensemble de révélations privées qui ont fait l’objet au XXe siècle notamment de décisions du Magistère et qui sont parfois réexaminées dans un sens positif. Il est impossible de définir exactement les règles de reconnaissance puisque chaque apparition a des caractéristiques propres et l’évêque tient une place essentielle sans qu’on puisse prévoir son comportement.

Quatre interdits ont été signifiés par des évêques successifs de Kerizinen. Le dernier, Mgr Jean-Marie Le Vert, nommé en 2007, a été suspendu en mai 2014 pour raison de santé. Quelle perspective désormais ?

Une épreuve aussi sensible, frappant un diocèse qui se montre très hostile à une reconnaissance de l’apparition, appelle la charité et la prière des intéressés eux-mêmes. Peut-on cependant établir un lien spirituel entre le refus de reconnaître l’apparition et la nature de l’épreuve bien qu’elle soit apparemment sans aucun lien avec les apparitions de Kerizinen ? C’est en tout cas une interprétation humaine possible.

Dans ce cas peut-on attendre, comme à Amsterdam, que la nomination d’un nouvel évêque puisse donner lieu à une reconnaissance ou du moins à une autorisation de culte ? On peut l’espérer dans la prière.

  1. Le 10 mai 1963 c’est un message particulier adressé au pape Pie XII pour lui demander d’évoquer son titre de « Corédemptrice, Médiatrice et Avocate ». Le recueil des messages a été publié en français en 2006 (Téqui, 219 pages).
    Lire aussi l’article du P. Bertrand de Margerie, dans la revue Képhas d’octobre-décembre 2002, disponible sur Internet : « Récapitulation sur l’évolution historique de la doctrine de la corédemption ».
  2. Yves Chiron, Enquête sur les apparitions de la Vierge, Librairie académique Perrin, coll. de poche Tempus, 427 pages, 10 e.

    P. René Laurentin et Patrick Sbalchiero, Dictionnaire des apparitions de la Vierge, Fayard, 1432 pages, 79 e.

  3. Signalons la déclaration de la Congrégation pour la doctrine de la foi condamnant le 12 septembre 2007 « l’Armée de Marie » fondée par une femme, Marie-Paule Gigère en 1971, et intitulée « Communauté de N.-D. de tous les peuples » située au Canada et déclarée schismatique, non catholique et fausse. Le P. Jean Pierre Mastropietro, qui en fait partie est excommunié ainsi que les diacres et prêtres qui ont prétendu se faire ordonner par lui. On a là un exemple d’une dérive, ou plutôt d’une parodie d’Amsterdam, hérétique, absurde et clairement condamnée.
  4. à Kérizinen c’est la récitation du rosaire qui est tout spécialement recommandée.
  5. Messages des 13 novembre 1981, 6 avril et 4 mai 1996. Voir le numéro spécial de Chrétiens Magazine du 1er novembre 2010.