La guerre du foot - France Catholique
Edit Template
La justice de Dieu
Edit Template

La guerre du foot

On prédisait le pire ; la coupe du monde de football au Brésil aura été la plus pacifique. Paix entre les nations, paix intérieure aux nations, est-ce une figure du monde ?
Copier le lien

Les enjeux étaient énormes. La « guerre du foot » dans les années 70 entre Hon­duras et Salvador évoquée par l’écrivain polonais Ryszard Kapuscinski, les pogroms contre les Ghanéens à Abidjan au retour d’un match malheureux en 1993, les scènes de hooliganisme en Angleterre et ailleurs, ne se sont pas renouvelés. La réélection de la présidente brésilienne Dilma Roussef en octobre pouvait dépendre, pensait-on, de la qualité de l’organisation de la Coupe puis des résultats de l’équipe nationale. Tout semble apaisé. Car le spectacle est d’excellente facture, l’un des meil­leurs jeux depuis longtemps. Le sport a triomphé.

On ne compte plus les effets bénéfiques de ce Mon­dial sur l’Amérique latine en général, internationalement reconnue, et sur certains pays en particulier qui ont créé la surprise :

– Colombie, qui a gagné en confiance en soi ce qui ne peut que favoriser la sortie du conflit avec sa guérilla ;

– Belgique, où Flamands, Wallons et fils de l’immigration (Congo, Maroc, Kosovo) se sont retrouvés autour du même drapeau ;

– Algérie qui avait bien besoin de recouvrer un peu de fierté ;

– enfin sur la France.

On aurait tort cependant de mesurer le nationalisme à l’aune du sport, contrairement à la révélation qu’en avait eu Charles Maurras aux Jeux olympiques de 1896 à Athènes. Car le sport est aujourd’hui la figure la plus expressive d’une mondialisation souvent considérée comme lointaine et élitiste, en tout cas négative. Les compétitions se sont multipliées et les concurrents courent d’un point du monde à l’autre. Mais il y a plus : le nombre de joueurs nés à l’étranger augmente d’année en année, et dans les deux sens : des Français vont jouer dans des clubs étrangers ; des étrangers viennent jouer dans les clubs nationaux. Lors de la coupe de 2010, on comptait 75 athlètes étrangers sur 352 (32 sélections de onze joueurs). Bon nombre d’entre eux sont naturalisés. Ils sont adoptés par les villes pour lesquelles ils jouent (Maradona à Naples). Aussi, dans les pays de forte immigration, est-il naturel que le cœur batte pour la patrie d’origine sans qu’il y ait pour autant désamour pour la patrie d’adoption (sauf lorsque les deux équipes sont opposées). Il est plus que jamais loisible de chanter « j’ai deux amours » !

Tout va bien tant que les identités sont fortes et que chaque pays a la capacité de rester indépendant. Le risque est grand que les inégalités économiques et sociales dictent leur loi. Les contre-performances des Africains, des pays arabes (pensons à la guerre du foot à Port-Saïd en 2012 comme l’un des déclencheurs de la révolution égyptienne) dont les peuples, et spécialement les jeunes sont pourtant parmi les plus fanatiques du ballon rond, doivent nous interpeller. Il revient à la Fédération internationale, la FIFA, de rétablir un équilibre entre parcours individuels des joueurs et sélections nationales.

Autant dire l’importance de la « diplomatie sportive ». M. Fabius a désigné un ambassadeur spécial et inscrira ce thème au programme de la prochaine conférence des ambassadeurs fin août 2014. L’économie du sport est estimée à 2% du PIB mondial. Ce n’est pas rien. Mais activité culturelle s’il en est, le sport est aussi un puissant vecteur d’influence (« smart power ») à l’extérieur. La prise de conscience au niveau du Quai d’Orsay (qui a repris des compétences en matière de commerce extérieur, de tourisme et maintenant de sport) montre que ce qui semblait aller de soi hier ne va plus si bien aujourd’hui.