Immigration clandestine et morale sociale - France Catholique
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La justice de Dieu
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Immigration clandestine et morale sociale

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Selon l’Agence de Presse « Catholic News » (CNA), Mgr Eusebio L. Elizondo, évêque auxiliaire de Seattle et président de la Commission Épiscopale U.S. sur l’immigration, a laissé entendre que le désespoir de nombreux immigrés illégaux ne leur laisse « aucun choix » que de violer les lois américaines sur l’immigration.

L’agence CNA cite aussi l’avis de Mgr Eusebio pour qui un large éventail de circonstances met des gens dans des situations où ils sont « forcés » de violer les lois afin d’aider leurs familles.

Il y a bien des choses troublantes là-dedans, si la citation est exacte, et aucune plus gênante que l’idée selon laquelle les gens n’ont d’autre choix que violer la loi lorsqu’ils sont en situation désespérée. Alors que violer une loi sur l’immigration n’est peut-être pas un péché grave, on a peine à croire comment le viol des lois d’un pays qui contrôle l’immigration n’est pas pour le moins un péché véniel.

Qu’une loi sur l’immigration soit considérée comme inéquitable ou imparfaite ne la rend pas objectivement injuste. Chaque pays a le droit de réguler l’immigration, droit issu de la souveraineté nationale. Il devrait l’exercer sagement et généreusement, mais le fait qu’une loi soit inappropriée ou manque de générosité dans son application n’en fait pas une loi injuste.

En premier lieu, nos évêques ne pensent certainement pas que des conditions désespérées justifieraient le viol de nos lois frontalières et d’immigration par les pauvres desespérés du monde entier et leur permettraient de rester ici. Même si ces lois étaient à juste titre considérées comme purement pénales, elles n’en restent pas moins établies en vue du bien commun de nos concitoyens, et agir à l’encontre du bien commun d’une nation relève certainement du domaine de l’éthique et de la justice sociale. Il y a en fait des centaines de millions de pauvres en bien pire condition que les pauvres du Mexique, nos évêques prétendraient-ils que c’est une justification morale pour franchir illégalement nos frontières ?

Deuxième remarque: les notions de « situation désespérée » et de « soutien à la famille » sont hautement subjectives et plutôt floues. Quelqu’un souhaitant améliorer les conditions de vie des siens a-t-il le droit d’entrer illégalement dans le pays? Bien des familles mexicaines sont désespérément pauvres, mais le premier devoir pour y remédier repose sur le gouvernement mexicain.

Autrement, n’importe quel pays serait libre d’ignorer la misère de ses propres pauvres et laisser de côté ses propres obligations de justice sociale, encourageant ainsi ses pauvres à émigrer.

Troisième point, l’idée que les pauvres ne sont pas libres de faire un choix en raison de leur situation désespérée sape leur propre dignité humaine de pauvres. C’est conforme à l’enseignement social de l’Église catholique. Toute autre thèse soutiendrait un principe général fort dangereux applicable à tous selon lequel on n’aurait de choix que de contrevenir aux lois — les évêques ne sauraient, certes, soutenir une telle opinion.

Les évêques de la Commission sur l’immigration peuvent faire la distinction entre une loi à caractère pénal, ce qu’ils semblent penser de nos lois relatives aux frontières, et une loi fondée sur les bases morales de la loi divine. Mais les fidèles peuvent bien ne pas saisir la nuance. Ils pourraient se demander si, dans un état désespéré, on ne pourrait en toute bonne morale participer à du trafic de drogue ou, pourquoi pas, à la traite d’humains ?

Les évêques trouveraient-ils acceptable de violer le septième commandement par mensonge ou fraude afin d’éviter à sa famille une reconduite à la frontière ?

Serait-il illégal ou immoral d’avoir une carte de Sécurité Sociale falsifiée ? Ou de mentir aux inspecteurs enquêtant sur leur nationalité ? L’Église a été accusée de justifier le mensonge pour ses propres besoins. Voulons-nous encourager les autres à mentir et agir frauduleusement s’ils n’ont d’autre possibilité de protéger leur statut d’immigrés ?

On n’entend jamais les évêques qui, soutenant que l’immigration clandestine ne pose pas de question morale, déclareraient que les autres actes des clandestins sont immoraux : que mentir n’est jamais acceptable, que la fraude n’est jamais tolérable, même avec de bonnes intentions, et qu’on devrait l’admettre au moins lorsque les gouvernements légitimes mettent une loi juste en application.

De même, encaisser des allocations légalement destinées aux citoyens, telles des allocations familiales, n’est jamais dénoncé par les évêques comme fraude ou vol. Si c’est un péché pour un citoyen de commettre une fraude aux allocations — ce qui porte préjudice au bien commun — comment se ferait-il qu’une fraude commise par un clandestin envers le gouvernement ne soit pas un péché ?

Malheureusement, de telles questions ne sont jamais traitées, ni même posées par ces évêques qui semblent seulement soucieux d’accorder la nationalité à ceux qui non seulement violent les lois du pays mais portent préjudice à la communauté en sapant le processus légal d’immigration. (Les étrangers respectueux des lois font la queue, souvent pendant des années, dans l’attente d’une immigration légale aux États-Unis.)

Justifier l’immigration illégale porte atteinte à la loi proprement dite et encourage certainement les étrangers à choisir la formule illégale plutôt qu’attendre en respectant les lois du pays où ils souhaitent émigrer.

Personnellement je suis très favorable à un accroissement des quotas d’immigration en provenance de nos voisins du Sud. Mais saper les lois de notre pays — même si on les trouve mal fondées — et les dire injustes semble grotesque, et absolument sans rapport avec les principes de la loi naturelle.
C’est la pire façon de prétendre résoudre une question très complexe et socialement importante.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/illegal-immigration-and-social-morality.html