Souvent, à écouter le discours ambiant, on aurait le sentiment qu’en dépit de ses divisions indéniables, notre époque communie néanmoins dans une adhésion unanime à la doctrine des droits de l’homme. Il faut faire bien attention : une référence commune ne fait pas nécessairement une vraie pensée commune. Certes, lorsque la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 a été élaborée, un Jacques Maritain a pu collaborer à sa rédaction aux côtés d’un René Cassin. C’est donc que l’on pensait établir une sorte de consensus sur des principes essentiels en rassemblant des personnes très différentes par leurs appartenances et leurs opinions. Mais il ne s’agissait pas d’établir une philosophie commune. Il s’agissait de s’entendre sur des droits identifiés pour tous les membres de la communauté humaine.
De fait, si l’on s’intéresse à la naissance de la pensée moderne, depuis le seizième siècle jusqu’à nous, on constate plus que des contradictions, des oppositions radicales d’un courant de pensée à l’autre. En lisant ces jours-ci le magnifique essai que Pierre Manent vient de consacrer à Montaigne1, je prenais conscience plus encore de la singularité de l’écrivain gascon, qui entendait penser notre humanité commune en se démarquant aussi bien des philosophes que des théologiens. Et bien Montaigne est un des fondateurs de notre modernité. Son anthropologie très particulière ne saurait être à l’origine d’aucun consensus.
Et pourtant, il faut s’entendre sur un minimum de choses si l’on veut vivre ensemble, à l’échelle de la cité ou à l’échelle universelle. Cette entente ne fait pas l’économie d’une lutte souterraine parfois féroce. Il suffit de constater comment les commissions de l’ONU traitent le Vatican et le mettent en procès. Certains « tradis » ont reproché à Jean-Paul II son insistance à défendre les droits de l’homme. Ils n’ont pas vu comment ce pape avait voulu donner à ces droits une assise qui en garantissait la rectitude profonde. Oui, les droits de l’homme, c’est un combat commencé depuis longtemps et qui ne cessera jamais !
Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 6 mai 2014.
Pour aller plus loin :
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