Des groupes armés prorusses ont envahi les centres névralgiques de plusieurs villes de l’Est de l’Ukraine ces trois derniers jours, malgré une tentative de réaction du gouvernement ukrainien de Kiev. Ces opérations paramilitaires coordonnées leur ont permis de s’emparer d’une dizaine de sites stratégiques, commissariats de police, locaux des services secrets, ou bien mairies des zones industrielles de Donetsk et de Lougansk, à la pointe Est du pays. Parmi les assaillants hostiles à Kiev, on remarquait comme naguère en Crimée des hommes en uniforme sans insigne distinctif mais avec des armes modernes. De l’autre côté de la frontière, Vladimir Poutine a massé environ 40.000 soldats avec des chars, des hélicoptères et des avions.
Partout où ils ont pris d’assaut des bâtiments officiels, les groupes armés ont remplacé le drapeau ukrainien par le drapeau russe. A Kharkov, des bagarres sanglantes ont opposé Pro-Russes et Pro-Ukrainiens. Dans l’ensemble de la partie Est du pays, on signale des morts et des blessés. Cà et là, des groupes d’insurgés se sont auto-proclamés territoires indépendants, rejetant complètement l’autorité du gouvernement de Kiev.
Dans la nuit de dimanche à lundi, une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU organisée devant la gravité de la situation a débouché sur un dialogue de sourds. « Il y a de nombreux signes que dans l’Est de l’Ukraine des groupes armés actifs reçoivent le soutien de la Russie », a déclaré un des porte-parole du gouvernement allemand, en évoquant les uniformes et les armes portés par plusieurs de ces groupes. Le ministre russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov a répondu en accusant les Occidentaux d’« hypocrisie », et en leur imputant froidement la responsabilité des dizaines de morts de « Maïdan » fin février à Kiev…
Dans la ville industrielle de Slaviansk, entre Kharkov et Donetsk, les insurgés prorusses ont refusé d’obéir à un ultimatum du régime ukrainien de Kiev qui leur demandait de déposer les armes ce lundi matin en échange d’une amnistie. Actuellement ils restent maîtres du terrain.
Cette vague de violences fait craindre que Moscou ne s’en serve comme prétexte pour une intervention militaire, sachant que Vladimir Poutine a promis de « défendre à tout prix » les ressortissants russes de l’ex-URSS. C’est cette perspective qui fait hésiter le gouvernement ukrainien de Kiev sur la conduite à tenir face à cette offensive concertée dans les villes de l’Est…
Face à cette périlleuse tourmente, le président ukrainien par interim Oleksandr Tourtchinov a évoqué la possibilité d’organiser un referendum sur le statut du pays en même temps que l’élection présidentielle prévue le 25 mai. Il se déclare certain que « la majorité des Ukrainiens se prononcerait pour une Ukraine indivisible, indépendante, démocratique et unie ». Mais il évoque un referendum national, alors que les insurgés prorusses de l’Est de l’Ukraine réclament des scrutins locaux…
Jeudi prochain, une réunion de concertation devrait rassembler à Genève représentants de l’Ukraine, de la Russie, de l’Union européenne et des Etats-Unis. Après le dialogue de sourds de cette fin de week-end et la savante installation du chaos dans la partie orientale du pays, le travail des diplomates risque d’être difficile. Celui des fauteurs de troubles sanglants a déjà bien commencé. Désormais, guerre civile et guerre étrangère semblent déjà se tendre la main, comme pour mieux régler le compte d’un pays qui souhaitait seulement consolider son indépendance en choisissant ses partenaires. Sans exclusive, mais librement…
Denis LENSEL