Le spectre de la guerre s’invite en Ukraine - France Catholique
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Le spectre de la guerre s’invite en Ukraine

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« Moscou ne croit pas aux larmes » : tel était le titre d’un film fameux des années Brejnev sur les relations sentimentales parfois cyniques de la Russie soviétique d’hier, un titre qui aurait pu il est vrai convenir également à l’Occident matérialiste…

En revanche, aujourd’hui, il semble hélas que Moscou croit davantage aux armes, et à leur force de persuasion, en matière de relations politiques, face à l’Ukraine qui cherche à se ménager ne serait-ce qu’une part d’autonomie, et la liberté de nouer des relations spécifiques avec l’Union européenne. A peine un pouvoir ukrainien indépendant installé à Kiev, et voici que le Parlement moscovite à la dévotion de Poutine vote le « recours à l’armée russe »… où ? en Ukraine ! Le motif ? Comme en 2008 en Géorgie, après des incidents très énigmatiques, la Russie parle de « protéger la vie de citoyens russes, ses compatriotes » : cette fois, il s’agit d’abord de la Crimée, région autonome d’Ukraine à la population de souche majoritairement russe, mais léguée à la République ukrainienne en 1954 par Khrouchtchev, maître du Kremlin à l’époque…

Dans cette presqu’île ultra-sensible de Crimée, des soldats russes ont pris le contrôle du Parlement local et désormais de trois aéroports, et où des colonnes de blindés russes sillonnent les routes. On annonce l’arrivée de milliers de soldats dépêchés en renfort par Moscou… Pour répondre à quelle menace ukrainienne ? Poutine reste silencieux et personne ne le dit… Mais voici que deux frégates russes venues… de la Baltique apparaissent au large de Sébastopol, où stationne depuis longtemps la flotte russe de la Mer Noire. « Gesticulation » d’intimidation militaire ou début d’invasion du territoire ukrainien ?

L’ennui est que la Crimée n’est pas le seul terrain d’action du « camp russe » : des manifestations géantes anti-ukrainiennes ont été organisées ce 1er mars dans les villes de l’Est de l’Ukraine, zone russifiée de force depuis les années 30 du stalinisme triomphant, notamment à Donetsk, le fief originaire de l’ex-président Ianoukovitch, l’oligarque néosoviétique prorusse qui vient d’être chassé du pouvoir à Kiev, mais aussi à Kharkov, qui fut longtemps la capitale soviétique de l’Ukraine de Staline… Bâtiments officiels envahis et civils ukrainiens molestés, voire sérieusement blessés… Une ambiance de début de guerre civile. L’armée ukrainienne est mise en état d’alerte, et le nouveau gouvernement de Kiev prévient qu’une invasion russe entraînerait de sa part une guerre défensive…

L’Occident s’émeut à nouveau, mais il n’est pas le seul : le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon appelle avec une solennité inhabituelle à un retour « au calme immédiat ». Les grands observateurs internationaux savent trop comment une guerre peut s’inviter dans un pays fragile, mais aussi combien il devient alors difficile d’enrayer son engrenage fatal. Et l’Histoire enseigne combien la volonté de puissance peut mépriser la valeur des vies humaines, en faisant couler le sang des innocents, comme on verserait de l’huile dans les rouages d’une machine infernale.
Denis LENSEL