Le régime néo-soviétique d’Ukraine a été brusquement renversé ce week-end, après le bain de sang de la Place Maïdan : le président Viktor Ianoukovitch a été destitué et contraint à la fuite après la défection de plusieurs de ses lieutenants et sa soudaine mise en minorité au Parlement de Kiev, une cinquantaine de députés de son « Parti des Régions » s’étant désolidarisés de sa politique de répression. Figure symbolique de l’opposition bien que contestée, pasionaria de la « Révolution orange » de 2004 et dirigeante du pays jusqu’en 2010, Ioulia Timochenko a été libérée de sa prison de l’Est du pays et ramenée à Kiev. Ianoukovitch est désormais recherché comme criminel pour avoir fait tirer sur la foule des manifestants de la capitale, provoquant une spirale de violence meurtrière.
Pour l’instant, à Moscou, Vladimir Poutine, qui depuis les prestigieux Jeux olympiques de Sotchi a coupé son aide financière à l’Ukraine économiquement exsangue, observe un prudent silence. La Russie semble avoir été prise de court par l’accélération de l’histoire à Kiev. Mais de son côté, l’Ukraine doit se ménager un avenir de paix et de survie matérielle : saura-t-elle éviter l’éclatement entre sa partie majoritairement pro-européenne, c’est-à-dire l’Ouest et le Centre du pays, et sa partie majoritairement russophone, c’est-à-dire l’Est et le Sud, notamment la Crimée ? Saura-t-elle trouver au sein de ses classes moyennes une élite politique émergente qui soit à la hauteur de son élite économique et intellectuelle bien réelle ? Saura-t-elle juguler les démons de la corruption post-soviétique ?
La Russie admettra-t-elle un jour la souveraineté nationale de la population ukrainienne, et donc le droit que Kiev a, comme Moscou le fait elle-même…, de nouer librement des contacts à l’Ouest avec l’Europe ? Et l’Union européenne, malgré ses difficultés actuelles, saura-t-elle bien comprendre, et… aider l’Ukraine, ce pays-carrefour régulièrement frappé par une histoire tragique, depuis de longs siècles d’invasions, de vassalisation, de pressions, de massacres à répétition et d’une oppression devenue quasi constante ? On le voit, les défis ne manquent pas sur le chemin de l’avenir, pour ce peuple qui aura dû lutter jusqu’au bout pour que lui soit reconnu le droit à l’existence. Oui, simplement cela, le droit d’exister.