« Tu ne jugeras pas » et question sur le « péché d’origine » - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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« Tu ne jugeras pas » et question sur le « péché d’origine »

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Je rumine ici, comme un vieux bœuf, une recommandation de Dieu vieille comme le monde : un incident mineur m’y incite plus une information grave, sans doute hérétique – mais peut-être incertaine – et m’oblige à revenir sur ce qui ‘’gêne’’ aux entournures les païens, ce qui est normal, mais aussi des chrétiens, ceux du moins qui pensent ‘’utile’’ ou ‘’nécessaire‘’ que notre Église catholique s’engage sur le chemin d’une adaptation au monde en lequel nous sommes mais duquel nous ne sommes pas.

Sur quoi vais-je revenir qui gêne ainsi le monde ? Sur le péché originel, mais en passant d’abord par le « tu ne jugeras pas » ! Il me paraîtrait lâche de ne rien dire de « l’incident mineur », ne serait-ce que parce qu’il s’est déroulé dans le diocèse où j’ai élu domicile.

Mais j’ouvre grands d’abord et précautionneusement les guillemets, ne connaissant pas les auteurs de la petite manif qui vint conclure la conférence de Tugdual Derville ni la théologienne dont on m’assura qu’elle enseignait la mort du concept de péché originel.

Mes ‘’opinions’’ comptent-elles ? Si peu, je crois. Mais en réalité il ne s’agit pas d’ ‘’opinions’’, il s’agit de ce en quoi je crois. J’essaierais de faire abstraction aussi bien des manifestants que de la théologienne.

Je commence donc par le « tu ne jugeras pas », à partir de cet exemple fort banal, car seule m’intéresse ici l’application, quelle que soit l’occasion, de cet important ‘’conseil’’ de Dieu. Donc, des étudiants de l’Université catholique d’Angers s’en sont pris, il y a quelques jours déjà, à Tugdual Derville qu’ils ont ‘’jugés’’, en leur fort intérieur, indigne de s’exprimer en ce lieu, le Grand Amphi … Ce jugement, je le sépare de ces jeunes-gens, même si mes questions semblent leur être adressées : en fait elles le sont à tous ceux, dont moi-même, qui recourent souvent, trop souvent, à cette habitude de ‘’juger’’ leur prochain. Peut-être même suis-je le principal accusé à ce ‘’tribunal’’ virtuel.

Tugdual Derville donc – il est le porte parole d’Alliance Vita, association qui lutte depuis des années contre l’avortement, l’eugénisme et l’euthanasie –, a été invité à donner à Angers une conférence sur l’un ou l’autre de ces sujets, sans cesse approfondis par les équipes qu’il anime : la vie et la mort, la dignité des êtres … Je regrette d’avoir manqué cette réunion, étant ce jour-là à Paris : Derville est un homme que j’admire et j’aurais vivement apprécié de pouvoir aussi bien l’écouter que le rencontrer.

Mais certains étudiants visiblement le détestent au point de le huer et de l’insulter, si j’en crois certains comptes-rendus et témoignages : il est vrai que, partout dans ce monde qui nous sert de bergerie, la bonne éducation semble avoir disparu au point qu’une certaine jeunesse s’estime, et sans scrupule, avoir le droit de juger sans retenue ceux qui ne sont pas de son bord, lui servant avec violence ce qu’ils pensent utile à l’affirmation de leur point de vue : ainsi en fut-il à la Catho d’Angers mardi dernier, où cette maigre troupe de récalcitrants se crurent peut-être chargés, sinon par Dieu du moins par leurs idoles temporaires, de remettre à sa place le conférencier, celui dont ils dénonçaient probablement l’appartenance philosophique et/ou politique. Du moins est-ce ce que j’ai cru comprendre ces derniers jours.

Des étudiants de la Catho donc – une douzaine ? – s’étaient donné le mot pour s’installer aux premiers rangs afin, le moment venu, de manifester visiblement leur indignation de voir Tugdual Derville, pas de leur paroisse, autorisé à s’exprimer dans cet amphi sur des sujets à lui comme à nous et non des leurs !

Un groupe d’autres étudiants – et même d’auditeurs de l’extérieur – avaient été chargé du « service d’ordre » : une rumeur avait alerté les organisateurs qui ont préféré prendre les devants et donc cherché à se prémunir d’une possible turbulence …

Elle survint ! Vers la fin de la conférence, ces jeunes-gens se levèrent et protestèrent bruyamment et avec force gesticulations contre cette présence, contre ces propos : ils arguèrent que la Catho n’avait pas à accepter d’héberger un tel ‘’olibrius’’. Le mot sort de ma cassette à vocabulaire, non de la leur ; au vrai, ce mot n’a évidemment rien à voir avec l’homme qui parlait ce soir-là, mais je soupçonne ces quelques jeunes gens de ne rien savoir de vrai sur Tugdual Derville. On sait à quel point aujourd’hui l’information officielle peut être cloisonnée et pervertie. Vraiment triste et dommage pour eux !

Ils avaient naturellement le droit de faire savoir leur mécontentement, mais pas celui d’user de la violence, fut-elle seulement celle des cris – étaient-il des chiens de chasse pour hurler ainsi ? – et des menaces gestuelles.

Demande instante : si mon propre compte-rendu n’est pas exact, ou trop interprété, je serais très reconnaissant à des témoins directs de m’en donner correction. Par nécessité, il me fallait résumer ce que j’avais entendu, mais ceux qui m’ont fourni les éléments de ce récit était peut-être trop emportés, trop concernés … Mais je les remercie parce qu’il y a déjà longtemps que cette phrase de Jésus « ne jugez pas » est de celle que je cherche à mieux comprendre afin de mieux lui obéir.

Je n’ai pas réussi à en savoir beaucoup plus… 1 mais l’incident m’a donné matière à développement, notamment à partir d’une première question, peut-être saugrenue, qu’importe, et qui serait jugée naïve s’il s’agissait d’une manif de syndicalistes : dans l’esprit de ces perturbateurs la notion de liberté de l’autre existe-t-elle — pensant ici à l’invité et aux auditeurs venus nombreux ? Une deuxième la suit : ont-ils déjà réfléchi sur ce qu’implique cette liberté ? J’aurais pu citer le mot ‘’respect’’, mais s’ils ne savent pas ce que signifie ce mot de ‘’liberté’’ et les limites qui la bordent, ils ne pourraient que hausser les épaules avec ce dernier vocable !

Est-ce qu’ils ont conscience que tout débat sérieux peut et doit trouver place, après accord avec les responsables, dans un amphi dont ils ne sont pas les propriétaires ? Mais, plus important et en lien avec le titre de cette réflexion, est-ce qu’ils ont réfléchi au fait qu’ils ont porté un jugement perturbant sur Tugdual Derville, dont nous sommes nombreux à apprécier l’immense travail et le courage dont il a fait preuve tout au long de ces dernières années ? Ce travail de défense des plus petits comme des plus faibles d’entre nous n’est en rien contraire à la morale, à la dignité de l’être : il est l’expression d’un amour sans frontière, l’engagement d’un homme debout qui sait dire non à l’insupportable, à l’intolérable, à tout ce que la nature ‘’pécheresse’’ de l’être humain lui fait faire, aujourd’hui comme hier, de monstrueux et de mortel. On sort ici du contexte politique qui semble avoir été le mobile de cette manif infantile. Tugdual Derville aurait plutôt dû leur servir d’exemple que de repoussoir !

Puis : se sont-ils interrogés sur les informations reçues concernant l’homme qu’ils visaient ? Cherché à savoir de qui elles provenaient, de quelle confiance elles pouvaient bénéficier ? Aussi sur l’état de leurs connaissances ou de leurs ignorances à propos des sujets abordés : de leur fiabilité ? Enfin avaient-ils réellement l’autorité pour disqualifier le conférencier et ainsi le condamner ? Car cette condamnation résulte d’une façon de penser à caractère totalitaire …

« Tu ne jugeras pas », dit Dieu, cela, Il se le réserve … Et ce n’est pas parce que l’on est étudiant que l’on doit se dispenser de respecter même ceux que l’on n’aime pas : l’évangile de ce jour portait sur ce thème.

J’ai conversé quelques instants avec les deux informatrices qui m’ont renseigné sur cet incident local : elles ont été d’accord sur mes questions et mes réflexions, mais l’une d’elle a soudain, en confidence, ajouté un renseignement qui m’a surpris : une théologienne donnerait un cours régulier à la Catho. Pour elle, cette enseignante abusait de son pouvoir en niant le « péché originel », lequel n’existerait pas … ou plus !

Aussitôt je passais des ‘’juges’’ improvisés à la ‘’négation’’ d’un concept très précieux : je liais les deux infos et trouvais qu’elle s’accordaient entre elles. Il me fallait y réfléchir plus sérieusement. Un prochain jour, je tenterai de faire le coup de poing sur cette prétention, qui se faufile dans l’esprit de trop de chrétiens, à vouloir supprimer ce point de doctrine, lequel hante tant de nos contemporains qu’il insupporte …

Dominique Daguet

  1. Ndlr. : L’édition locale de Ouest-France a fait un compte-rendu très partial de la réunion, en ne donnant la parole qu’à deux des perturbateurs (en laissant ignorer qu’ils étaient plus nombreux et menaçants) qui se présentent comme de simples étudiants de la Catho victimes… de la violence du service d’ordre. Il y avait ce soir-là 5 à 600 assistants et on n’a pas trouvé le moyen d’en faire témoigner un sur ce qu’il s’était réellement passé. Bien sûr Le Monde — qui avait totalement ignoré les 80 précédentes réunions animées par Tugdual Derville, toutes dans un esprit rare de paix et de tolérance — s’est emparé également de « l’affaire », soudain opportunément prévenu. Un seul conseil à ceux de nos amis qui assisteraient à ce genre de provocations s’ils sont assez près : il faut sortir son téléphone portable et filmer, filmer… C’est à la fois une bonne dissuasion et un élément de preuve qui peut démontrer notamment l’évidente préparation du coup monté de toutes pièces.