Sauf celles dont je suis l’auteur, je ne signe pas de pétitions. Je n’aime pas ça.
Ce genre littéraire comportant la légitime proclamation qui précéde invariablement l’espace réservé à toutes les signatures me déplait. Je peux comprendre comment des pétitions, tout comme certains votes, peuvent servir à l’élaboration de grandes décisions, dans la mesure où le résultat en serait amélioré. Mais je n’aime pas ça.
Plus généralement, je n’aime pas le réductionisme. Dans la pratique, en termes humains, un OUI ou un NON sont attendus pour qualifier un champ considérable. Mais ils n’auront pas nécessairement le même sens pour chacun des signataires. Et cependant les OUI et les NON auront en tout cas la même portée dans le domaine considéré.
Le OUI de Notre-Dame a été dit à une question concernant la totalité de l’univers humainement imaginable. C’était le plus grand OUI de tous les temps. C’était l’instant où, au nom de tous les âges, notre humanité répondait à Dieu dans la plus grande liberté d’esprit et disait OUI, OUI à notre salut ! Et le fait que la réponse en notre nom à tous venait d’une femme est chargé d’une profonde signification.
Il ne s’agissait pas d’une pétition sur Internet.
À la décharge des pétitions, rappelons qu’elles sont généralement tournées de sorte que la réponse est réduite simplement à OUI ou NON. Il n’y a pas de case pour un « oui, mais … » ou un « non, mais … »
Je pourrais bien sauter maintenant sur mon habituelle réprobation de la « démocratie ». Je pourrais bien changer le titre en « prière pétitionnaire », où je serais alors plutôt positif. Mais continuons avec les pétitions auxquelles l’ère internet nous a plus qu’habitués.
Une d’elles est arrivée cette semaine avec mon courriel, qui me paraît spécialement absurde. Elle me demandait de dire OUI pour la défense du statut d’observateur du Saint-Siège à l’ONU. [NDLR: pétition lancée par Catholic Family and Human Rights Institute (Institut Famille Catholique et Droits de l’Homme), dirigé par les membres de « The Catholic Thing » Austin Ruse et Robert Royal.]
Ce statut était menacé après la publication d’un rapport mensonger de l’ONU s’en prenant au Saint-Siège. Comme je le résumais sur Twitter, ce rapport contenait des attaques honteuses, mais prévisibles, contre le Vatican, bourré d’inexactitudes et n’apportant rien de nouveau.
Ce rapport rassemblait tout ce qu’on pouvait trouver, déjà publié, de boue remuée à propos de scandales sexuels de prêtres de par le monde. À quoi s’ajoutaient des assauts infondés contre les positions de la doctrine catholique à propos de contraception, avortement, sodomie, et autres sujets. Il ne reconnaissait nullement que les fautes relevées avaient été commises par des prêtres ou des organismes en contradiction avec la même doctrine catholique.
On ne mesurera le degré d’hypocrisie qu’en rêvant à une attaque parallèle contre, par exemple, la doctrine fondamentale de l’Islam Sunnite. Tentons d’imaginer un rapport de l’ONU tenant le Cheik d’Al Azhar au Caire, ses prédécesseurs, tout le personnel de la mosquée, pour responsables de tous les actes de terrorrisme impliquant un imam sunnite, puis lui intimant l’ordre d’expurger le Coran et la tradition islamique de tout ce qui ne serait pas convenable.
En l’occurrence, un tel rapport pourrait apporter son soutien à l’enseignement pro-vie et à la morale sexuelle inclus dans la doctrine de l’Islam sunnite depuis quatorze siècles — tout comme les positions contestées de la Chrétienté catholique qui sont défendues depuis vingt siècles.
Essayons seulement d’expliquer la situation à ces médias qui détestent non seulement notre Église et son enseignement, mais, bien au-delà, toute manifestation sincère de foi religieuse qui tenterait d’adoucir les signes de notre époque.
Dans mon esprit — mon unique outil de pensée — il faut reconnaître franchement la brèche entre notre Église et le monde politique actuel. Il suffit de lire non seulement ce rapport de l’ONU mais presque tous les documents officiels publiés partout sur les relations entre Église et États. Le conflit n’est pas mince.
L’ONU est un agglomérat de nations-états qui en assemblée et par des approches partisanes, prennent des décisions acceptables pour la majorité des membres. En tant que « Parlement d’États », l’Assemblée Générale est à non pas mille mais dix mille lieues des intérêts et des volontés des populations.
Et, pleins d’arrogance, ces semi-législateurs ont pris l’habitude de l’oublier. Leurs proclamations « au nom du monde entier » sont par leurs mots comme par leur nature de purs mensonges.
Plusieurs agences de l’ONU sont encore capables de bien travailler, et le rôle joué de « chambre de compensation diplomatique » a parfois été efficace. En revanche bien des actions ont été néfastes à cause de leur politisation. Même pour l’aide aux réfugiés, ou la distribution de nourriture et de médicaments, les conditions politiques attachées à chaque action sont susceptibles de les rendre contre-productives.
Sur des questions matérielles telles que le contrôle de la natalité on pourrait écrire des livres et des livres sur les dégâts commis sur des êtres humains derrière une façade revêtue d’une autorité morale incontestable.
Le Saint-Siège, on le comprend, s’est investi au sein de l’ONU pour tenter d’influencer au mieux les orientations politiques. Mais agissant ainsi il est obligé (comme dans toute intervention politique) d’accorder une légitimité aux résultats collectifs — à des conclusions incompatibles à l’enseignement de l’Église catholique ; ou, en la matière, à l’enseignement de la plupart des principales religions.
D’où mon refus de signer une pétition absurde. Par son adhésion l’Église a légitimé une condamnation de son propre comportement. Comment est-ce acceptable pour Rome ?
Et si Rome ne se démarque pas de cette ignominie, alors je prierai pour que l’ignominie se détache elle-même de Rome. Souhaitons bon vent à ceux qui veulent chasser le Saint-Siège de l’ONU. Je pense qu’agissant ainsi ils feront œuvre pie.
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Source : UN: Get Out Now
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Illustration : Pétition adressée par des Thraces à l’Empereur romain Gordien III vers l’an 240.
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Une pétition :
http://citizengo.org/fr/3956-agression-lonu-vis-vis-leglise-catholique