Mort cérébrale : définitions, distinctions. - France Catholique
Edit Template
La justice de Dieu
Edit Template

Mort cérébrale : définitions, distinctions.

Copier le lien

Des centaines de milliers de citoyens défilent dans le pays ce 22 janvier, manifestant contre le génocide pratiqué in utero [NDT: quarante et unième anniversaire de l’arrêt de la Cour Suprême déclarant conforme à la Constitution le droit l’avortement]. Les catholiques et bien d’autres poursuivent le combat, actifs depuis des décennies. Mais comme la foi va de pair avec la raison, le catholicisme se penche également avec attention sur d’autres questions relatives à la vie.

Par exemple, les gens ne sont, pour la plupart, guère familiers avec la question spécifique de la mort cérébrale. Ce n’est certes pas un sujet attrayant à aborder. Et, Dieu merci, peu d’entre nous y sont confrontés. Mais le cas tragique de cette fillette de 13 ans à Oakland, Jahi McMath, a été porté à l’attention du grand public — ce qui amène à en parler avec autant de clarté que possible.
Voici un bref rappel du cas de Jahi : elle a subi l’opération des amygdales afin de soulager son apnée du sommeil. Peu après, elle eut une forte hemorragie suivie d’un arrêt cardiaque et de lésions cérébrales. Ce genre d’évènement catastrophique est particulièrement rare dans un tel cas. Deux jours plus tard, les médecins diagnostiquèrent la mort cérébrale.

De même, il y a deux ans, une fillette a subi des dégats neurologiques gravissimes suite à une opération analogue dans le même hopital, mais elle n’est pas morte ; la famille a perçu une indemnisation de 4,4 millions de dollars.
Nul ne sait exactement ce qui s’est passé dans le cas de Jahi McMath. Selon les informations diffusées par les médias, il semble y avoir eu des frictions entre l’hopital et la famille — et donc entre avocats et porte-parole. L’insistance de la famille pour qu’on maintienne l’enfant sous respiration assistée a soulevé une immense vague de discussions.

Mais s’agit-il — comme certains rappellent l’affaire Terri Schiavo — d’une pierre de touche dans le conflit entre culture de vie et culture de mort, deuxième épisode? [NDT: Terri Schiavo, victime dun accident cardiaque ayant entrainé des lésions cérébrales gravissimes, fut maintenue en vie de 1990 à 2005, débranchée après une longue lutte judiciaire.] Dans une démarche susceptible d’ajouter encore plus de confusion, la Fondation Terri Schiavo exprima récemment son soutien à Jahi McMath. Non seulement soutien moral à la famille, mais aussi une forte insistance, conforme au vœu de la famille, pour qu’on la maintienne en vie.

Rappelons, pour établir une distinction fort importante, que Schiavo n’a jamais été diagnostiquée en état de mort cérébrale. Schiavo était en ce qu’on a longtemps appelé un état végétatif persistant. La destruction de son cerveau n’était pas totale. Elle pouvait respirer naturellement, signe évident d’un bon état du tronc cérébral. On ne parla jamais de sa mort, on ne la considéra jamais ainsi.

On commence à parler de cas tel celui de Schiavo par l’expression « Unresponsive Wakefulness Syndrome » (Syndrome d’éveil dépourvu de réactions). Cette nouveauté en terminologie n’est nullement un clin d’œil au « politiquement correct »; il s’agit d’exprimer cet état avec une plus grande précision et en respectant la dignité du patient.

En fait, une des plus fascinantes découvertes récentes en neurologie chez certains patients comme Schiavo est une plus grande conscience de leur environnement qu’on n’avait jusqu’à présent supposée.

Une étude de 2013 publiée par « JAMA Neurology », par exemple, a montré l’efficacité d’une technique d’exploration du cerveau (RMI fonctionnel) pour détecter la perception consciente et même la faculté de communiquer chez certains patients ne réagissant aucunement par ailleurs.

Ce genre de découverte conforte ce qu’on a déjà largement admis comme évident : de tels patients, malgré les déclarations de certains érudits prêts à les déclarer morts, sont bien vivants.

Par contre, ceux qui correspondent aux critères neurologiques de la mort ont perdu de manière irréversible les fonctions critiques du cerveau. Ils ont perdu ce qu’on nomme les « fonctions majeures » et sont incapables d’entretenir leurs propres fonctions végétatives autonomes. La perte irréversible de ces facultés est le signe que la mort — et non une grave lésion incapacitante — est survenue.
La controverse dans le cas de Schiavo consistait à décider si on débrancherait l’alimentation et l’hydratation artificielles, et qui serait habilité à prendre la décision. Jahi McMath, à l’inverse, avait été soumise à six examens neurologiques séparés, chacun ayant confirmé le diagnostic de mort cérébrale.

On comprend aisément que la mère de Jahi disait pouvoir accepter sa mort si son cœur cessait de battre — sentiment compréhensible. Il est plus difficile de saisir intellectuellement les progrès et les limites de la technique moderne. Au moment où le cas de Jahi était présenté au tribunal, un homme en France recevait le premier cœur totalement artificiel — (nouvelle) preuve irréfutable qu’on n’a pas besoin de son propre cœur pour rester en vie. On ne dira pas de même à propos du cerveau.

Aux dernières nouvelles Jahi est dans un établissement gardé secret à New York. Selon une source journalistique, Jahi « a été accueillie à bras ouverts par un organisme catholique croyant au droit à la vie ». (sic)
Une certaine confusion peut naître de cette information en ce sens qu’elle laisse entendre que la mentalité pro-vie des catholiques l’emporte sur la légitimité des médecins déclarant que la mort était survenue. Pie XII en 1950 avait bien précisé que ce sont les médecins qui ont la compétence requise pour de telles déclarations.

On n’a pas grande connaissance sur la réflexion de l’Église au sujet de la mort cérébrale au cours des dernières décennies. Chaque fois qu’elle s’est interrogée sur le sujet, c’était pour soutenir la légitimité des moyens mis en œuvre pour diagnostiquer un décès.

Un regret généralement exprimé à propos de Schiavo concernait une lacune dans les leçons à tirer. Ceci pourrait expliquer — en partie — pourquoi on omet souvent de distinguer les divers paramètres, ou bien, qu’on préfère simplement les négliger.

Un participant à une émission de CNN confondait les cas de McMath et de Schiavo, impliquant que toutes deux étaient mortes — analyse confuse, soyons indulgents. Pour lui il s’agissait d’évacuer tout activisme en faveur de la vie — en faveur de Schiavo, McMath ou n’importe qui autre — comme assimilé à une politique anti-avortement, qu’il semblait considérer comme aberrante.
La nécessaire opposition aux abus actuels de la culture de mort — et la vigilance contre d’autres abus — ne peut être sous-estimée. Mais le moyen pour s’y opposer réside dans la lumière de la vérité à apporter par la charité. Cette lumière de vérité est tout autant nécessaire pour distinguer et accepter la mort quand survient la tragédie.

— –

Photo : Jahi McMath

— –

Source : Brain Death: Making the Distinctions