On raconte cette histoire à propops de l’exceptionnel Cardinal Francis George à son retour dans ses terres à Chicago. Un journaliste tenta de l’asticoter en lui demandant s’il serait un cardinal du style de feu S.E. Bernardin (plutôt à gauche). La légende rapporte que le nouvel archevêque éluda astucieusement la question en rappelant au journaliste que l’Église éprouve une certaine « aversion au clonage ».
Comme quiconque, les médias ont leur propre façon d’aimer entendre les histoires — ou les commentaires qu’ils aimeraient encourager. Il faudrait une immense naïveté pour supposer que cette tendance n’animait pas le magazine TIME, dans une démarche d’autant plus remarquable que surprenante, lorsqu’il désigna le Pape François « personnalité de l’année ».
Il fallait prendre l’éloge de ce merveilleux prêtre comme sincèrement porté, tout comme il était grandement mérité. Mais il était aussi évident que pour une grande partie des médias américains c’était une nouvelle qu’avoir un nouveau pape agissant selon eux d’une nouvelle façon. Il semble prendre un chemin que les gens, même hors de l’Église, veulent approuver et, par leurs louanges, semblent souhaiter l’entrainer plus loin.
Sur quel chemin? Le TIME est assez clair là-dessus: La Rédaction a éprouvé une certaine fascination en constatant que le Pape François « ennuyait » ou « perturbait » ceux que les journalistes appelaient « conservateurs » — c.à d. les Catholiques inquiets parce que SS François parlait moins souvent, avec moins d’insistance, moins de netteté, de l’avortement et de la suppression de vies innocentes. Ou, comme le note la Rédaction, « S.S. François affirme à la fois l’enseignement traditionnel sur la sexualité et explique que l’Église s’est laissée distraire par le sujet.» Le Rédacteur en Chef adjoint Rhadika Jones explique ensuite que les rédacteurs ont été attirés vers le pape par l’accent mis sur la pauvreté et les inégalités.
Nos lecteurs n’ignorent pas que certains d’entre nous ont écrit ici leur inquiétude en notant la crainte que l’enseignement de l’Église au sujet de la personne humaine était tout doucement en train de dériver. Douce ou pas, cette dérive a bien été perçue par le grand public.
Réponse récente à des lecteurs, avons-nous jamais entendu des législateurs catholiques voter pour le mariage « gay » en se référant aux déclarations de Jean-Paul II ou Benoît XVI « ne jugez pas … » ? Mais c’est exactement ce qu’on a entendu dans l’Illinois [l’État de Chicago] et en d’autres lieux au sujet de revendications « pro-vie » — et on entendra encore souvent les mêmes arguments.
Et pourtant, il faut bien dire que S.S. François a ouvert une nouvelle voie, ou de nouvelles possibilités, à l’enseignement. À toute occasion on entend parler des foules venues sur la Place Saint Pierre, et de catholiques fugitifs revenant à la messe. Mais la question se pose: reviennent-ils parce qu’ils voient l’Église reculer en son enseignement qu’ils jugeaient inconfortable, ou bien parce qu’ils mesurent l’immense pouvoir de pardon d’une Église souhaitant les accueillir, les entourer à nouveau, avec tous leurs péchés, comme nous tous sommes accueillis. Et de retour à la Messe, puissent-ils rouvrir leurs cœurs à un enseignement qu’ils avaient reçu — et rejeté.
J’ai soulevé la question avec un prêtre de ma connaissance, enseignant de fort calibre, qui n’a pas hésité dans ses homélies à traiter de ces questions gênantes mettant mal à l’aise certains auditeurs. Je me demandais s’il existe une stratégie particulière pour l’enseignement destiné aux gens de retour vers l’Église. Il remarqua qu’il y a tant à loger dans une homélie de dix minutes. Et, naturellement, nous savons que les prêtres ont souvent été réticents à parler d’avortement ou de sexualité, précisément parce que de telles homélies pourraient être ressenties par certains paroissiens comme portant une sorte de reproche.
Verrons-nous revenir l’enseignement [de l’Église], un retour mieux adapté, quand l’assemblée comporte désormais plus de gens qui reviennent précisément parce que cet enseignement, comme ils le comprenaient, a été transformé ?
Allons-nous retomber dans une sorte de notion Aristotélicienne selon laquelle les façons de faire des gens peuvent à force devenir acceptables pour tous? Se pourrait-il — comme on l’espère généralement — qu’assistant régulièrement à la Messe les gens s’imprègnent davantage de l’éthique qui marque le rite ; que, merveille ! leurs vies s’accordent mieux à la communion qui les enveloppe ?
J’ai posé la question par un petit mot à un cher ami, prêtre de bon conseil, le Père James Schall. Il répondit que les gens peuvent bien être attirés par un nouvel enthousiasme, avec une musique qu’ils aiment entendre, mais « l’enthousiasme et le jazz ont leurs limites, avec des normes qui, si l’on n’y prend pas garde, remplaceront la doctrine.»
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/does-francis-have-a-teaching-strategy.html