Une chambre d’hôtel à Chicago ne semble pas l’endroit propice à une révélation. Une route désertique, un terrier de renard, une salle des urgences semblent tout indiqués, pas une chambre d’hôtel à Chicago. Mais c’est bien dans la Cité du Vent que l’esprit a soufflé il y a trois ans, sous la forme d’un appel téléphonique d’un collaborateur important de la maison d’édition Random House. J’étais en pleine campagne de promotion de mon livre Why Catholics Are Right [Pourquoi les catholiques ont raison]. « J’ai des nouvelles pour vous », m’a expliqué cet éditeur un non-catholique véhément, « nous avons immédiatement dû rééditer votre livre, il est sur la liste des best-sellers, pourriez-vous écrire un autre ouvrage sur le même sujet ? »
J’ai accepté, bien évidemment, mais la révélation dont je parle, c’est la soudaine prise de conscience que, si un livre sur l’Eglise est abordable et pas trop pompeux, des masses de gens s’empresseront de le lire. J’ai eu 50 000 lecteurs jusqu’à présent, et j’espère et je prie (j’ai quatre enfants à nourrir !) que le suivant fera aussi bien.
The Future of Catholicism m’avait été commandé pour répondre à l’hystérie qu’avait déclenché l’élection du pape François. Dès la fin du conclave, de nombreux journalistes ont voulu m’interviewer – avec une espèce d’acharnement car il y a très peu de catholiques dans les média au Canada. Les questions posées étaient toujours les mêmes clichés comme on aurait pu le prévoir : est-ce que le nouveau pape va modifier l’enseignement de l’Eglise sur le mariage entre personnes du même sexe ; va-t-il ordonner des femmes ; va-t-il autoriser l’avortement et la contraception ? Après la quatrième ou cinquième interview de ce genre, j’ai répondu : « Oui, et il va devenir musulman aussi ! »
Un bon conseil : évitez la dérision et le sarcasme avec un journaliste.
Le sujet de mon nouveau livre est simple : il s’agit d’expliquer tant aux catholiques qu’aux non-catholiques dans quels domaines l’Eglise peut et devrait peut-être changer, et dans quels autres c’est hors de question. Après une introduction récapitulant les vérités absolues, les éléments permanents, la sauvegarde de la foi, et les préceptes fondamentaux, je consacre tout le premier chapitre au mariage homosexuel. A l’évidence, parce que c’est si fréquemment le sujet utilisé pour attaquer l’Eglise.
Franchement, nous avons bien mal expliqué pourquoi nous tenons tellement au mariage traditionnel, mais nous avons rarement l’occasion de dépasser la réaction outragée à chaud. Le mariage est une institution centrée sur l’enfant, la procréation est au cœur du mariage, la loi naturelle imprègne toute la moralité catholique, et pour être sanctifiée, la sexualité doit être liée à la création.
A de nombreux égards, le problème ne concerne pas du tout l’homosexualité, mais la protection du mariage. La majorité de la population a commencé à déprécier le mariage en facilitant le divorce et en banalisant les rapports sexuels. Et il n’est guère surprenant que les militants gays aient profité de la situation. L’Eglise peut changer son attitude vis-à-vis de la communauté gay, peut moderniser la communication de la vérité, mais la vérité elle-même est infrangible.
Les chapitres suivants traitent de l’avortement, de la contraception, de l’ordination des femmes, de l’autorité papale et d’autres aspects cruciaux de la foi dans lesquels la tradition, de l’Ancien Testament jusqu’à nos jours, suit une ligne continue et ne saurait en dévier.
Ce qui nous amène aux aspects de l’avenir du catholicisme qui pourraient évoluer. Nous devons mettre au point une nouvelle forme d’évangélisation. Cette expression elle-même est un peu malencontreuse. L’évangélisation peut être bonne ou mauvaise, mais ne saurait être nouvelle. Rien ne le démontre mieux que l’organisation par Rome d’une conférence de presse à l’intention d’un ensemble de blogueurs catholiques bon teint n’ayant que peu de contacts sur le net, qui excluait délibérément les blogueurs conservateurs plus énergiques – et donc éventuellement plus contestataires – ayant une audience massive.
L’avenir sera peut-être plus œcuménique, mais cela ne va pas sans quelques réserves. Il est facile d’être en bons termes avec des rabbins juifs, des patriarches orthodoxes et même certains protestants larges d’esprit dont les églises sont moribondes. Mais il est beaucoup plus difficile de tendre la main aux musulmans, en sachant qu’ils risquent de vous la couper plutôt que de la serrer amicalement. L’Islam devient de moins en moins tolérant et pluraliste. Et il est indispensable que nous exigions l’arrêt de la persécution et du massacre des chrétiens avant de penser à nouer de véritables relations.
Il y a aussi un chapitre sur le pape François lui-même. Un chapitre délicat à écrire parce que le Saint Père fait une déclaration passionnante toutes les deux semaines. Ce qui me chiffonne, c’est qu’il parle trop, permettant ainsi aux manipulateurs d’exploiter ses déclarations. C’est particulièrement malencontreux dans la mesure où cela a abouti à profondément affliger de courageux catholiques (surtout les partisans du droit à la vie) qui ont été sacrifiés et voués aux gémonies – souvent par des coreligionnaires plus laxistes.
Certes, le pape François a davantage parlé du mal, de Satan et du péché que n’importe quel dirigeant catholique dont je me souvienne ; il a farouchement critiqué des hommes politiques soi-disant catholiques qui soutiennent l’avortement ; et il s’est élevé fermement et courageusement contre le mariage homosexuel et l’avortement en Argentine. Mais il a aussi fait des déclarations qui semblent manquer de subtilité et de tact et qui, loin d’inciter à agir, ont semé la confusion.
Le pape est un lion quand il défend les pauvres, les opprimés, les marginaux, et l’Eglise. Ces termes ne s’opposent pas, mais si les vrais fidèles se sentent ostracisés (ce qui est le cas de certains d’entre eux), leur angoisse doit être prise en compte. Soit dit en passant, je prédis aussi que sa lune de miel avec les média ne durera pas.
Si nous sommes catholiques, ce n’est pas pour recevoir de l’amour, mais pour en donner. Cet amour n’est pas toujours du genre que le monde comprend, et n’est certainement pas une approbation automatique de tout et n’importe quoi, au gré de la société. Comme n’importe quel parent vous le dira, aimer c’est parfois savoir dire non. The Future of Catholicism dit oui, mais sait aussi dire non. C’est pourquoi je ne crois pas être jamais invité à une émission du Stephen Colbert Show [Emission très satirique].
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/the-future-of-catholicism.html
Michael Coren est un journaliste de télévision et de radio de Toronto (Canada). Sa chronique (diffusée par l’intermédiaire d’un syndicat de distribution) paraît chaque semaine dans de nombreux journaux. Il est l’auteur de treize ouvrages, dont Heresy et Why Catholics Are Right.
Pour aller plus loin :
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- Un regard américain
- LA « MODERNITÉ » : UN CENTENAIRE OUBLIÉ
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies