À une période plutôt sombre pour la liberté religieuse dans ce pays [Les États-Unis], j’ai été invité à faire une conférence en octobre sur ce sujet singulier de « La Liberté religieuse et le Premier Amendement ». Pour amener l’auditoire à des nouvelles peu réjouissantes il n’y a probablement pas de meilleure introduction que de rappeler l’histoire du père Bernard Permoli à la Nouvelle Orléans en 1842.
Sur instruction de son évêque, le père Permoli célébra une messe de funérailles avec un cercueil ouvert dans l’église de St-Augustin du quartier français. Ce faisant il contrevenait à un arrêté de la ville qui interdisait de telles funérailles avec cercueil ouvert dans toutes les églises catholiques de la ville, sauf une désignée comme chapelle mortuaire. Cette loi fut censément décrétée comme une mesure de santé publique.
La Nouvelle-Orléans avait été touchée par des épidémies récurrentes de fièvre jaune, et on pensa à cette époque qu’elle pouvait se propager par les effets nocifs de décomposition de plantes et d’animaux. La Nouvelle-Orléans était un des rares endroits à cette époque où vivait une forte densité de catholiques. Et le conseil de la ville qui édicta l’arrêté était composé en majorité de catholiques.
Voici l’histoire plus en détail, à méditer plus tard.
Le père Permoli fut poursuivi et condamné à une contravention de 50 $ pour infraction à la loi. Ses défenseurs l’aidèrent à conduire un appel jusqu’à la Cour suprême des États-Unis, car le Père Permoli invoqua ses droits au nom du Premier Amendement fixant «le libre exercice» de la religion. Mais l’appel fut rejeté par la Cour suprême dans un arrêt succinct : elle expliqua simplement que la procédure n’était pas opportune car, comme tout le monde le savait, les huit premiers amendements de la Constitution — qui reçurent le nom de Déclaration des Droits — étaient réservés aux contentieux fédéraux uniquement. Ils ne furent pas établis pour être appliqués au niveau des États. Pour les opposants à la centralisation fédérale qui résistaient à un gouvernement national fort, le principal danger visant la liberté viendrait de ce gouvernement central éloigné.
Justement celui qu’ils cherchaient à contenir avec la Déclaration des Droits. Il semble que même les juristes et les juges furent surpris d’apprendre qu’une discussion animée se développa dès l’installation de la Déclaration des Droits, et les réserves les plus graves ne venant pas de ceux qui auraient critiqué la nature même de ces droits. Mais l’inquiétude était plutôt que la Déclaration des Droits risquait de tromper le peuple américain sur le fondement réel de ses droits.
Et c’est ainsi que l’on entend les gens parler de leur droit donné par le Premier Amendement, comme si, en l’absence de cet amendement, ils n’auraient pas eu le droit de parler et de réunion. Comme le souligne Alexander Hamilton « Les droits sacrés de l’humanité ne sont pas à exhumer de vieux parchemins ou d’archives moisies. Ils sont inscrits comme un rayon de soleil dans la totalité du livre de la nature humaine ». Ils sont constituants des « droits naturels », et non des droits conférés par les gens au pouvoir.
C’est un point de discussion venant d’un autre temps, que la Déclaration des Droits aurait en fait participé à obscurcir ou à dénigrer certains droits ainsi que les personnes en bénéficiant (par exemple le droit d’un enfant à naître à bénéficier des protections de la loi). Comme le juge Scalia l’a souligné, les Pères fondateurs ne cherchèrent pas à protéger les droits en les couchant sur le papier et à vrai dire aucune constitution n’a plus regorgé de « droits » que la vieille constitution des Soviétiques.
Les Pères fondateurs créèrent un corpus qui protègerait les droits — principalement par le biais du vote du peuple. Un peuple inquiet de ses droits aurait le levier de faire obstacle ou d’écarter les politiciens qui menaceraient ces droits.
Il apparut que ce n’est qu’en 1925 que les dispositions sur la liberté de discours du Premier Amendement seront mises en œuvre dans les États par la Cour suprême. Avec cette mise en place on pensa à intégrer certaines parties de la Déclaration des Droits via la Clause de Respect de la Loi, telle que prévue dans le quatorzième amendement.
Ce n’est qu’en 1940 que la Cour appliqua aux États la disposition du « libre exercice » de la religion. Jusqu’à cette date qu’est ce qui protégeait la liberté religieuse dans ce pays sinon le peuple lui-même qui signifia de différentes manières qu’il considérait cette liberté avec sérieux ?
Et cependant ce n’est que sept ans plus tard, dans le dossier Everson, que le juge Hugo Black utilisa le Premier Amendement comme un levier pour inverser la Clause d’Établissement. Au lieu que la clause interdise au gouvernement fédéral d’interférer avec la religion dans les États, elle fut transformée par Black et ses collègues en une clause qui poussera les religions — et les aspects religieux de la vie — en dehors de la sphère publique.
Tout cela alla de pair avec le mouvement visant à réduire la religion à un corps de croyances sans revendication de vérité, sans être considérée par quiconque ne partageant pas ces croyances. Il n’est par conséquent pas surprenant qu’aujourd’hui le Premier Amendement ne soit plus un refuge pour défendre la liberté religieuse.
Une approche plus sobre nous dicterait qu’il est en fait temps de commencer à discuter à nouveau de la liberté religieuse afin de défaire le travail des juges et la manière dont ils ont déformé, ce faisant, la compréhension du public.
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/fr-permoli-and-the-first-amendment.html
Photo : John Catron
Hadley Arkes is the Ney Professor of Jurisprudence at Amherst College. His most recent book is Constitutional Illusions & Anchoring Truths: The Touchstone of the Natural Law. Volume II of his audio lectures from The Modern Scholar, First Principles and Natural Law is now available for download.
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