Quoi ? Y-a-t-il une erreur dans le titre de cet éditorial ? Comment la raison pourrait-elle être reliée au fait de payer son denier du culte ou faire baptiser ses gosses ? La réponse, c’est que l’utilisation à bon escient de la raison nous aide à saisir la réalité. La réalité, c’est la clé d’une vie authentiquement humaine. Pourtant, le paradoxe, c’est que notre époque est probablement celle qui s’intéresse le moins à la réalité.
Je disais récemment à quelqu’un combien je trouvais formidable le Pape François, ce que reconnaissait mon interlocuteur, tout en regrettant que François n’ait toujours pas ordonné de femmes, alors qu’elles étaient les premiers témoins de la Résurrection. Je répliquai qu’être témoin de la Résurrection n’était pas le fondement de la prêtrise dans l’Église Catholique. Sa réponse : « [censuré] »
En dehors de cette subtile réaction, cette rencontre met en évidence un problème moderne auquel l’Église devrait répondre comme elle le doit pour toutes les autres lacunes dans les cultures depuis des siècles. En Amérique, cela nécessiterait presque un miracle, parce que de nombreuses autres « lacunes » n’ont pas été prises en compte non plus. Alors pourquoi commencer maintenant ?
Cette lacune concerne la façon dont on use couramment de la raison. Des questions comme l’ordination des hommes sont toujours liées à un certain nombre de facteurs. En déterminer le nombre exact nécessite une réelle éducation. Dans un livre intitulé The Closing of the American Mind (la Fermeture de la mentalité Américaine), livre qui aurait dû entraîner immédiatement une réorganisation totale de l’Église en Amérique, Allan Bloom expliquait qu’autrefois « Aux États-Unis, pratiquement, la Bible était la seule culture commune, qui unissait les simples et les savants, véritable modèle d’une vision du tout. »
Saisir le tout dans une situation est le signe d’un esprit humain développé. Mais Bloom parlait au passé. Il savait que sa remarque n’était plus d’actualité.
Allons plus loin : le tout comporte des éléments qui s’emboîtent pour former le tout et alors seulement représente la vérité. C’est de là que provient le terme « catholique »; Et pourtant nous sommes immergés dans une pensée partielle, qui laisse de côté des informations cruciales et les éléments cruciaux qui les relient.
Prenez certaines questions religieuses : la contraception se justifie si l’on exclut la signification de l’acte sexuel humain ; l’avortement se justifie si l’on exclut la mort d’un être humain ; le divorce se justifie si l’on exclut la signification de l’union spirituelle entre un homme et une femme.
Et l’ordination des femmes se justifie si l’on exclut l’histoire réelle. L’Écriture (histoire) et la tradition (histoire) de l’Église laissent à penser que le Christ a choisi douze hommes à qui il a conféré son pouvoir, question secondaire pour l’instant.
Cette vision tronquée du tout que l’on présente alors comme complète et, de ce fait, vraie, fait que la raison n’est jamais à même de saisir le véritable tout. C’est le même problème dans d’autres domaines. Les ampoules longue durée sont formidables, si l’on oublie qu’elles contiennent de la vapeur de mercure ; les gouvernements socialistes offrent de formidables avantages au plan social (les gouvernements socialistes classiques de Russie Soviétique et de l’Allemagne Nazie devraient nous alerter), si l’on fait fi de la « pensée de groupe » obligatoire et de l’autoritarisme dur.
Avec nostalgie, Bloom écrit : « La religion était vivante au sein du foyer, et dans les lieux de culte auquel il était rattaché. » C’est ici qu’intervient la vision globale, si l’on croit que les écritures sont la Parole de Dieu. Par conséquent : « Les jours fériés, le langage commun et l’ensemble des points de repère qui imprégnaient la plupart des foyers constituaient une partie importante du lien familial et lui donnaient une consistance. Fréquenter l’Église ou la synagogue, prier à table, étaient un mode de vie, inséparable de l’éducation morale considérée comme responsabilité particulière de la famille dans cette démocratie. »
Voyez comme il souligne le lien entre la famille et le centre religieux, deux réalités maintenant de plus en plus séparées et incapables de se soutenir mutuellement en Amérique, ni non plus dans l’Église Catholique.
En théorie, pour les Catholiques, le tout inclut l’Église et la famille ou l »Église est l’Épouse du Christ et le mari et la femme apprennent à vivre pleinement cette relation d’époux en participant à la vie de la paroisse. Sinon, comme nous le voyons aujourd’hui habituellement : « la tristesse du paysage spirituel de la famille surpasse l’entendement. » (Bloom)
Il poursuit : la famille moderne « n’a rien à proposer à ses enfants comme vision du monde, grands modèles d’action ou sens profond de relation avec les autres… Elle est basée essentiellement sur la reproduction mais son objectif, c’est la formation d’être humains civilisés. » Nous avons ici le tout avec une présentation différente, qui d’une certaine manière inclus clairement l’objectif.
Cette vision du tout, on ne la trouve nulle part ailleurs que dans une paroisse Catholique, à condition évidemment que la paroisse soit restructurée en vue d’être un lieu où l’on partage la vision Catholique de la vie et sa composante majeure, la famille Catholique. C’est dans la paroisse que les gens verront un bon raisonnement (quand l’Église enseigne superbement, elle illustre l’utilisation de la raison) et découvriront le tout spirituel et le sens de la vie.
C’est là que les gens pourraient apprendre comment la raison nous aide dans cette entreprise salvifique et en particulier comment elle s’ouvre à Dieu Lui-même, pour faire sienne sa Parole Divine.
Voilà à quoi servent les paroisses, et pas seulement à payer sa cotisation et à faire baptiser ses gosses.
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Le père Bevil Bramwell est en retraite, prêtre Oblat de Marie Immaculée et ancien doyen du premier cycle à la Catholic Distance University. Il est l’auteur de Laity: Beautiful, Good and True (Les Laïcs : Beaux, Bons, Vrais) et de The World of the Sacraments (Le Monde des Sacrements).
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/the-parish-as-the-center-of-reason.html
Photo le professeur Allan Bloom.