Les Etats-Unis sont toujours malades du 11 septembre 2001. Le débat syrien peut-il être une voie de guérison ? Le président Obama a pris un risque calculé en faisant débattre le Congrès d’éventuelles représailles militaires contre Damas en plein anniversaire des attentats contre les tours jumelles de New York et le Pentagone.
Jusqu’à présent, cette fatale matinée hante les esprits des Américains. Obama, élu en 2008 sur un programme de libération de l’obsession terroriste et sécuritaire, n’a pas pu remplir sa promesse la plus spectaculaire : fermer la prison de Guantanamo. Il a en revanche réussi à éliminer Osama Ben Laden, ce qui fut un facteur décisif dans sa réélection en 2012. Il couvre les activités d’espionnage international de l’Agence Nationale de Sécurité (NSA) révélés par Edward Snowden jusqu’à y subordonner ses relations avec la Russie. Il maintient pourtant que la politique américaine ne doit pas se résumer à la « guerre contre le terrorisme ». Démocrate, il doit se défendre d’être « mou » ou complaisant. Il a toujours recherché un consensus bipartisan sur le sujet, en choisissant des secrétaires à la Défense républicains. Et voici que sur l’affaire des attaques chimiques en Syrie, il doit faire face à un front renversé.
On aurait pu penser que les spectres du 11 septembre conduiraient chacun à partager la réaction morale du président. Le fait qu’il en aille tout autrement ne tient pas à ce que les souvenirs du 9/11 s’estompent mais au contraire qu’ils sont plus que jamais vivaces quoique leur portée ait changée. En effet, pour beaucoup, ce serait à cause du 11 septembre qu’il faudrait s’abstenir d’agir militairement en Syrie, parce que les partisans d’Al Qaeda sont dans l’autre camp, argument ressassé au Congrès, spécialement par les sénateurs ou représentants qui sont en charge de la sécurité du territoire américain après le 11 septembre : « Ne nous trompons pas d’ennemi ».
Obama, une fois encore, il l’a reconnu, a été élu pour mettre un terme aux guerres extérieures liées au 11 septembre : l’Afghanistan et l’Irak. Pourquoi courrait-il le risque de jeter le pays dans une nouvelle guerre, en Syrie, dont nul ne sait a priori où elle s’arrêterait ? Au-delà du sursaut moral, tout indique au contraire qu’il cherche les moyens de l’éviter : en retardant la décision, en allant au Congrès, pour donner le temps à une solution diplomatique. Car Obama sait bien que le refus de « la guerre à la terreur » vient de que l’on viserait uniquement des moyens, comme une sorte de police de la route, et non les auteurs, ce qui est l’office proprement dit du politique. Dire : « Vous sortez des clous » est une chose ; reconnaître que « l’ennemi de mon ennemi est mon ami », autre chose.
Contrairement à ce qu’affirme le secrétaire d’Etat Kerry, ce n’est pas Munich mais le 11 septembre qui est dans toutes les têtes. Munich a hanté le XXe siècle ; le 11 septembre 2001 a inauguré le XXI e siècle. Ne nous trompons pas de siècle ni de guerre.
Pour aller plus loin :
- La guerre mondiale, il y a cent ans déjà…
- Souvenons-nous du cardinal Egan.
- La paternité-maternité spirituelle en vie monastique est-elle menacée en Occident ?
- Cher Claude-Henri Rocquet, très cher ami, ce 4 avril 2016, douze jours après ton départ pour la Maison du Père,
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