Les clés de papier – 4 – Pas de miracle ici - France Catholique
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La justice de Dieu
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Les clés de papier – 4 – Pas de miracle ici

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Voici Anne Roche Muggeridge, brandissant son sabre d’ironie digne de son beau-père Malcolm :

Dans quel but, en pratique, le chrétien moderniste, critique, mûr, rassemble-t-il par exemple ses enfants autour de lui pour célébrer Noël… ? Devrait-il rassembler ses petits autour de la crèche, allumer les bougies et lire Raymond Brown [bibliste historique / critique] au lieu de St Luc à propos de la conception virginale de Jésus : « En conclusion, mon avis est que la totalité des évidences scientifiques contrôlables laisse un problème non résolu. ». Comme leurs yeux vont briller, comme leurs petits cœurs vont brûler en entendant ces saintes paroles ! Comme ils vont être tous touchés lorsque le plus petit enfant posera respectueusement un point d’interrogation luisant dans la mangeoire vide.

Devant un miracle, ce qui est « scientifiquement contrôlable » n’entre pas, par définition, dans le cadre. Raymond Brown est assez intelligent pour le savoir, mais il joue sur les deux tableaux, mise en scène pour Noël et clin d’œil adressé aux illuminés. Faudrait-il croire que Dieu, qui a créé l’univers à partir de rien, ne serait pas capable de féconder un ovule dans le sein d’une femme ?

Ceci constitue un autre exemple de la mythification des soi-disant démystificateurs, de l’art du montage des déboulonneurs. Il est cohérent de croire également à la création divine du monde et à la naissance virginale de Jésus. Il est cohérent de ne croire ni à l’une ni à l’autre. Mais il est incohérent de croire en la première et de considérer la seconde comme impossible.

Ce serait transformer Dieu en un produit de l’imagination : un Dieu assez puissant pour créer un univers mais pas pour réaliser des merveilles au sein de cet univers. Un tel dieu serait une fantaisie déiste habillée d’un costume chrétien, lié par une création déjà accomplie ; un Monsieur Apollo, pas vraiment au-dessus du monde, pas complètement présent dans chaque parcelle du monde, un dieu que n’attestent ni l’Ecriture, ni les enseignements de l’Eglise, ni les conclusions du raisonnement métaphysique. C’est une rêverie académique.

Quand j’étais jeune, j’ai passé un été dans un foyer catholique d’ouvriers, où j’ai rencontré un jésuite novice envoyé travailler là au titre de sa formation pastorale. C’est de lui que j’ai pour la première fois entendu le « mythe de la gamelle cachée ». (J’ai depuis appris que ce mythe était connu des auteurs de la série télévisée « L’incroyable Hulk », où il est le plus approprié).

Le « mythe de la gamelle cachée » est un bon exemple de mythification moderniste. La plupart de mes lecteurs en ont entendu parler. Quand Jésus et ses apôtres étaient avec la foule dans le désert, que le soir tomba et que les gens n’avaient rien à manger, Il ordonna à ses disciples de distribuer quelques pains et poissons, et whaoum ! D’un seul coup, ces personnes, abasourdies, sortent leurs « gamelles cachées » et mangent dehors, et même partagent leur nourriture avec leurs voisins, les restes emplissent douze paniers d’osier et tout le monde a passé un bon moment.

« A présent, dit le moderniste, son bras sur votre épaule, la voix feutrée par la sincérité, tel un sergent Bilko enjôleur exposant son idée comme si c’était la vôtre au départ, le véritable miracle de cet épisode n’est-il pas que les gens ouvrent leurs cœurs ? Qu’en pensez-vous ? Vous êtes intelligent, vous êtes fin, vous n’achetez pas la même chose que les ploucs, vous savez où trouver les bonnes choses ! »

Très bien, examinons ce que le « mythe des gamelles cachées » nous demande de croire :

Nous devons croire qu’il ne serait jamais arrivé aux disciples de Jésus, qui ont passé de nombreux mois à voyager avec Lui sur des routes difficiles au milieu d’une nature hostile, que les gens auraient pu emporter de la nourriture avec eux s’ils prévoyaient d’être hors de chez eux pour une journée ou plus.

Nous devons croire que des gens qui doivent penser tous les jours à ce qu’ils vont manger n’y auraient pas pensé ce jour-là, alors que le témoignage est que les apôtres y ont pensé, parce que les foules avaient suivi Jésus portées par l’enthousiasme, telles qu’elles étaient, et que les disciples savaient qu’il n’y avait pas rien à manger pour elles.

Nous sommes sensés croire que les disciples n’auraient pas fait ce qui était évident, et mené l’enquête parmi la foule.

Nous sommes supposés croire que des gens affamés n’auraient pas, d’eux-mêmes, pris la nourriture qu’ils avaient, s’ils en avaient eu.

Nous sommes sensés croire que, dans une société dont la première vertu était l’hospitalité, ils auraient tous serré sous leurs manteaux du pain et du poisson, tel Scrooge [le célèbre avare du conte de Noël par Charles Dickens] agrippant ses pièces, quelque chose que même nous ne ferions pas, malgré notre égoïsme.
Nous sommes supposés croire que les apôtres, apparemment assez subtils pour dresser avec un art consommé un portrait du personnage unique qu’est le Christ, étaient complètement idiots pour les sujets où, comme tout homme qui gagne son pain à la sueur de son front, ils étaient le plus au courant des habitudes et des besoins quotidiens de leurs concitoyens.

Nous sommes sensés croire qu’ils auraient été stupéfaits lorsque « les gamelles cachées » seraient sorties.

Nous sommes supposés croire que le miracle, attesté par les quatre évangélistes, est donc accidentel.

Puisque cela ne s’est pas produit par la volonté du Seigneur mais par celle des gens, cela ne peut avoir aucun rapport avec la merveille qu’est l’Eucharistie, ni avec la manne qui a nourri les Israélites, ni avec le festin des noces de l’Agneau. Cela n’est pas apparenté au Verbe incarné à Nazareth et qui est présent dans tous les tabernacles du monde. C’est un mythe de l’auto-célébration. « Voyez comme nous sommes des gens bien ! Nous partageons nos sandwiches à la saucisse et nos biscuits ! »

J’ai demandé au jésuite novice si Dieu aurait pu effectuer le miracle tel qu’il est décrit dans les évangiles. « Il faut que j’y réfléchisse, avait-il répondu ».

Quelques jours plus tard, il m’avait dit que Dieu aurait pu le faire.

J’espère que le Seigneur lui en a été reconnaissant.


Anthony Esolen est conférencier, interprète et écrivain. Ses derniers ouvrages sont « Réflexions sur la vie chrétienne : comment notre histoire est l’histoire de Dieu » et « Dix manières de détruire l’imagination de votre enfant ». Il enseigne à l’université Providence.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/paper-keys-iv-no-miracles-here.html


Photo : Le sergent Bilko : un théologien des « gamelles cachées » s’il en fut jamais.

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http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/paper-keys-iii-the-keystone-crucifiers.html


Source : Paper Keys II : http://www.thecatholicthing.org/col…

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