Quand notre Sauveur a ressuscité des morts, on pouvait s’attendre à ce qu’Il se montre à un très grand nombre de gens, spécialement à ceux qui l’avaient crucifié; alors que l’histoire nous apprend que, loin d’être le cas, Il ne s’est montré qu’à des témoins choisis, principalement à ses disciples proches; et Saint Pierre l’avoue dans le texte.
Cela paraît étrange à première vue. Nous avons tendance à imaginer la résurrection du Christ comme une manifestation visible et frappante de Sa Gloire, comme celles que Dieu accordait de temps en temps aux Israélites du temps de Moïse; et l’envisageant à la lumière d’un triomphe public, nous sommes amenés à imaginer la confusion et la terreur qui auraient accablé ses meurtriers, s’il s’était présenté Lui-même vivant devant eux.
Maintenant, raisonner ainsi, c’est concevoir le royaume du Christ comme s’il était de ce monde, ce qu’il n’est pas… Voici la question: «Pourquoi notre Sauveur ne s’est-Il pas montré à tous après Sa résurrection ? Pourquoi seulement aux témoins choisis par Dieu?» et voici ma réponse: «Parce que c’était la manière la plus efficace de répandre Sa religion de par le monde.»
…Maintenant, réfléchissez à ce qu’aurait été l’effet probable d’une exhibition publique de Sa résurrection. Supposons que notre Sauveur se soit montré aussi ouvertement qu’avant ses souffrances; prêchant dans le Temple et dans les rues de la ville; traversant le pays avec ses Apôtres, et avec une multitude qui le suivait pour voir les miracles qu’Il accomplissait. Quel aurait été l’effet de cette conduite ?
Qu’auraient-ils pu dire ou sentir de plus que ceci, quand «on ressuscite d’entre les morts»? En vérité, c’est ainsi que se comporte la masse des hommes de tous les âges, ils sont influencés par des peurs soudaines, une contrition soudaine, une ferveur soudaine, des résolutions soudaines qui disparaissent aussi soudainement. Rien n’est accompli efficacement quand la nature humaine n’est pas formée; et c’est toujours la condition de la multitude. Instable comme l’eau, elle ne peut exceller. Un jour elle crie Hosanna; le suivant, Crucifiez-le… Si notre Seigneur était apparu en public, peu de gens auraient pu Le toucher, et se rendre compte par eux-mêmes que c’était bien Lui, Lui-même… Il aurait été possible au plus grand nombre d’entre eux de nier encore qu’Il avait ressuscité…
Il semble donc que notre Seigneur a donné son attention à un petit nombre parce que, si le petit nombre était gagné à sa cause, beaucoup suivraient. A ce petit nombre Il s’est montré encore et encore. Il les a rétablis, réconfortés, avertis, inspirés. Il les a formés pour Lui-même, pour qu’ils puissent proclamer Sa louange…
Sans doute beaucoup de gens sont capables de détruire, mais rien n’est construit sinon par ceux qui sont formés spécialement pour l’action… Si les témoins devaient réellement aimer la Vérité et lui obéir, on ne pourrait en choisir un grand nombre. La cause du Christ était la cause de la lumière et de la religion, ses avocats et ses ministres devaient donc être peu nombreux…
Maintenant, observons combien de substance on obtient par cette vue pour avertir aussi bien que pour réconforter. Nous voyons dans l’image des débuts de l’Eglise ce que cette Eglise a été depuis, c’est-à-dire autant que l’homme puisse le comprendre. Beaucoup sont appelés, peu sont choisis…
Mais, à part ceci, nous sommes aussi réconfortés; nous sommes réconfortés comme le sont beaucoup d’entre nous qui vivent humblement dans la crainte de Dieu. Qui sont ces personnes secrètes, qui dans le sein de l’Eglise visible vivent comme des saints accomplissant leur vocation, Dieu seul le sait.
Que tous ceux «qui aiment le Seigneur Jésus Christ sincèrement» soient tout à fait sûrs que bien qu’ils semblent faibles, et solitaires, pourtant la « folie de Dieu est plus sage que les hommes, et la faiblesse de Dieu est plus forte que les hommes.» Beaucoup sont «trompeurs», et les sages du monde sont «vains», mais celui «qui craint le Seigneur, celui-là sera loué.» Les dons les plus extraordinaires de l’intellect ne durent qu’une saison. L’éloquence et l’esprit, la ruse et la dextérité, plaident bien une cause et la propagent rapidement, mais elle meurt avec eux. Elle n’a pas de racine dans les cœurs des hommes et ne survit pas à une génération. C’est la consolation de la Vérité méprisée que ses oeuvres durent.
Le sang des martyrs est la semence de l’Eglise. Alors «ne t’inquiète pas à cause des gens malfaisants, ne sois pas non plus envieux des fauteurs d’iniquité. Car ils seront bientôt tondus comme l’herbe, et se faneront comme l’herbe verte. Aie confiance dans le Seigneur et fais le bien…réjouis-toi aussi en Lui, et Il te donnera ce que tu désires dans ton cœur; suis le chemin du Seigneur, aie aussi confiance en Lui, et Il t’exaucera…»
Le monde païen a fait beaucoup de bruit quand les Apôtres ont prêché la Résurrection. Eux et leurs associés ont été envoyés dans le monde comme des agneaux au milieu des loups, mais ils ont triomphé
Nous aussi, bien que nous ne soyons pas les témoins de la vraie résurrection du Christ, nous le sommes spirituellement. Le cœur réveillé d’entre les morts et notre affection tournée vers le ciel, nous pouvons aussi véritablement et sans figure témoigner que le Christ est vivant, comme ils l’ont fait… celui qui obéit à Dieu consciencieusement, et vit saintement, oblige tous ceux qui l’entourent à croire et à trembler devant le pouvoir caché du Christ.
Vraiment, Il ne se montre pas au monde entier; car peu de gens peuvent Le voir d’assez près pour être émus par son mode de vie. Mais à ses voisins’ Il manifeste la Vérité en proportion de leur connaissance de Lui-même et quelques-uns, par la grâce de Dieu, saisissent la sainte flamme, la chérissent, et, à leur tour, la transmettent. Et ainsi dans un monde de ténèbres la Vérité avance en dépit de l’obscurité, passant de main en main.
John Henry Newman (1801-1890) a été nommé cardinal par Léon XIII en 1879 et béatifié par Benoît XVI en 2010. Il figure parmi les écrivains catholiques les plus importants de ces derniers siècles.
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/the-few-witnesses-to-the-resurrection.html
Tableau : Le matin de la Résurrection par Edward Burne-Jones, c. 1882