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La liberté religieuse à la recherche de son argumentation

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Dans mon dernier article, j’ai traité du lien moral qui handicape nos amis qui essaient de défendre la liberté religieuse dans les tribunaux. D’un côté, demander aux juges de respecter des « croyances » qui sont « sincères » est devenu conventionnel. Mais nous sommes ensuite invités à revenir à la diffamation de la religion – la notion selon laquelle les enseignements religieux se réduisent finalement à de simples « croyances » -, qui ne peut pas prétendre représenter la vérité.

Jean-Paul II et Benoît XVI ont lancé des avertissements à propos de ce genre de mensonge qui considère que tout est « subjectif », y compris les allégations de « conscience ». Le bon sens nous fait savoir que nous ne respectons pas n’importe quoi que quelqu’un affirme croire sincèrement et que nous n’adhérons pas à son assertion au seul motif qu’il y croit.
D’un autre côté, nos amis peuvent avancer l’argument selon lequel leurs clients ont des « objections morales » à opposer à la contraception et au fait de fournir des produits abortifs à leurs employés. Mais dans ce cas, ils se mettent dans la position délicate qui consiste à nier l’acception classique selon laquelle il y a une morale dans la loi. Un jugement « moral » va au-delà des déclarations des goûts ou des croyances personnels. Il traite des choses qui sont vraies ou fausses, justes ou injustes, de manière plus générale voire universelle – aussi bien pour les autres que pour nous-mêmes.

De manière analogue, la loi l’emporte sur les choix privés, la liberté personnelle, la croyance subjective. Elle impose une règle de justice qui s’applique à toute personne qui a affaire à la loi. Les lois qui interdisent l’assassinat de l’innocent vont au-delà des convenances personnelles et des intérêts privés, et même des « croyances sincères » que la victime n’est pas vraiment humaine.

Dans l’acception classique, nous faisons quelque chose de mauvais lorsque nous imposons des lois à d’autres peuples, et cette imposition nécessitera toujours une justification. On comprend que les créatures que nous appelons « agents moraux » ont la capacité de raisonner sur leur bien-être et sur les limites légitimes de leur propre liberté. Ils ont le droit présomptif à toutes les dimensions de leur liberté, et il incombe à la loi de fournir une justification morale au fait d’ignorer cette liberté.

Nos amis se mettent donc eux-mêmes dans une position délicate, lorsqu’ils cherchent à argumenter que des gens devraient être exemptés des contraintes que la loi fait peser sur tous les autres, parce qu’ils ont une objection morale contre cette loi. Suggèrent-ils ainsi que les lois se fondent sur quelque chose d’autre que des fondements moraux – peut-être simplement sur le pouvoir à l’état brut – et restent cependant valides en tant que lois ? Que pourraient être ces fondements a-moraux ?

A l’évidence, notre problème vient précisément de ce que la loi se fonde à présent sur l’idée initiale qu’il n’y a pas de mal à prendre une vie innocente dans l’utérus. Une fois ce postulat posé, il devient alors légitimement possible d’obliger les employeurs à fournir à leurs employés un « service médical » que la loi a désormais étiqueté comme juste. Demander aux tribunaux d’accepter une « objection morale » à ces lois revient à demander aux juges de considérer que ces lois ne sont pas justifiables en tant que lois et qu’elles ne devraient pas être imposées à quiconque.

Bien sûr, les juges, et la classe politique, ne le feront pas. D’où le problème. Il a fallu des années pour nous placer dans cette position, et ça pourrait prendre également des années pour faire de nouveau valoir les arguments qui nous délivreront de ces entraves.

Cette refondation commencerait en insistant de nouveau sur la nécessité du fondement moral de la loi. Avant que la loi n’impose de nouvelles obligations aux propriétaires des magasins Hobby Lobby, la loi devrait assumer la tâche de montrer qu’il y a quelque chose de profondément déraisonnable dans leur compréhension de ce que des vies humaines sont détruites lors d’avortements. Ou bien qu’il y a quelque chose de déraisonnable dans leur préoccupation que la « culture contraceptive » implique une éthique entièrement différente dans sa compréhension de la sexualité et des relations maritales.

La vérité profonde sur le sujet est que la tradition religieuse ne représente pas quelques « croyances » périphériques de la vie de la loi, qui mendient de l’indulgence et des exceptions. Mais au contraire, la tradition religieuse a empli le profond réservoir de justification où les lois continuent de puiser, même lorsqu’elles oublient quelle est la source.

C’est pourquoi l’homicide est une chose si grave – pourquoi le fait de prendre une vie humaine est-il un sujet grave ? Un jour, le cardinal Lustiger a posé une question sur ce slogan du libéralisme : notre liberté s’achève là où nous causons du préjudice aux autres. Le cardinal a demandé : « Cela signifie-t-il « tous les autres » ? » De nos jours, le libéralisme dédaigne les vérités de la morale, mais le cardinal a insisté sur le fait que les libéraux 1 dépendent en fait de la vérité morale selon laquelle « tous les hommes sont créés égaux ». La tradition judéo-chrétienne affirme avec force ce postulat-clé de la loi, que le libéralisme 2 répugne à admettre ouvertement.

Chesterton remarquait que l’Eglise n’a jamais dit au nom de la démocratie ce qu’a dit M. Jefferson, mais « que toute paix religieuse aura disparu… ou même que la fin du monde ou de la civilisation sera survenue, avant que l’Eglise catholique admette que le moindre crétin, ou le moindre des hommes, « ne vaut pas la peine d’être sauvé ». »

Il y a beaucoup à faire auprès des juristes et des juges avant que cette refondation de la loi puisse voir le jour. Il y aura aussi de sérieuses argumentations sur la question de savoir si les juges ont un rôle à tenir dans ce schéma. Il faudra revenir plus tard sur cette question.


Hardley Arkes est professeur de jurisprudence au Collège Amherst. Son ouvrage le plus récent est « Contitutionnal Illusions & Anchoring Truths. The Touchstone is natural Law. » (qui pourrait se traduire en « Illusions constitutionnelles et vérités de fond. La pierre d’angle est la loi naturelle.”)

Le volume II de ses conférences audio sur « Le chercheur moderne, premiers principes et loi naturelle » est disponible au téléchargement.


Tableau : Le tribunal céleste: une question de vie ou de mort (1946) par “The Archers”

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/religious-freedom-in-search-of-its-argument.html


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http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/religious-freedom-in-search-of-its-arg… 06/08/2013

  1. (NDT au sens américain = gens de gauche)
  2. idem