Mon intention n’est pas ici de m’en prendre aux évêques, ni de faire la cour à des politiciens et je n’ai aucune réticence à soutenir une mesure d’immigration qui respecte la loi et remplit la mission proposée par la “Bande des Huit” du Sénat américain dans le document pour la Sécurité des Frontières, l’Opportunité économique et l’acte de Modernisation d’Immigration de 2013 (Border Security, Economic Opportunity and Immigration Modernization Act of 2013) : c’est un progrès vers la citoyenneté et la sécurité des frontières.
Cependant, je parie que cette loi – dont on ne peut même pas tirer un acronyme convenable ! – sera presque aussi efficace que ce monument à la futilité que fut l’acte de Contrôle et de Réforme de l’Immigration de 1986.
La carrière de Marco Rubio – l’un des Huit – peut être propulsée par… BSEOIMA, mais aussi longtemps que la frontière restera une passoire et que des gouvernements latino-américains seront socialistes ou ploutocratiques, rien ne changera en matière d’immigration illégale, si ce n’est du fait d’une récession économique dans l’el Norte.
De toute façon je suspecte le sénateur Rubio, qui est américain d’origine cubaine et parle espagnol, de croire qu’il est la solution aux malheurs électoraux récents du Parti républicain, et le parti républicain est juste assez désespéré pour le croire.
Nous verrons ce qu’il en résultera en 2016.
Et je soupçonne la compassion chrétienne de jouer un rôle en poussant tant les politiciens que les des évêques catholiques à s’inquiéter de la situation difficile d’immigrants centraméricains.
Cela dit, la réforme de l’immigration telle qu’elle se présente maintenant est manifestement une affaire politique et c’est aussi vrai pour les évêques que pour les politiciens : électeurs pour ceux-ci ; fidèles pour ceux-là.
J’ai relu un livre du cardinal Francis George 1 où il se montre favorable à une immigration encadrée à notre frontière sud. (Ni lui ni aucun autre membre de la hiérarchie ne semblent trop inquiets à propos de notre frontière canadienne ou de l’Europe, de l’Afrique ou des immigrants asiatiques qui arrivent aux Etats-Unis en passant par les bureaux de l’Immigration et les services de Douanes des terminaux aériens ou des services maritimes. ) J’ai écrit que presque personne ne s’oppose à l’immigration légale et j’ai posé une question ouverte au cardinal George, qu’on pourrait aussi poser au cardinal Dolan et à l’archevêque Gomez (dont les archidiocèses ont la faveur des immigrants) :
“Y a-t-il des visas non chrétiens ?”
Si c’est le cas, pourquoi ? Si un Suédois Luthérien a besoin d’un visa et d’une carte verte pour accéder à la citoyenneté, pourquoi ne fait-il pas l’objet de cette sorte d’hyper-discours moral que nous entendons à propos du Mexicain catholique ?
Je crois qu’une partie de l’argumentaire des évêques repose sur leur désir d’avoir des immigrants du sud, qui sont principalement catholiques, pour venir soutenir leurs diocèses affaiblis.
Ainsi la hiérarchie catholique ne semble pas dérangée non plus par le refus manifeste de l’administration actuelle d’appliquer des textes de lois d’immigration qui existent déjà, et se montre satisfaite avec… BSEOIMA, qui très certainement ne protégera pas la frontière ou établira une ligne rouge chronologique après laquelle les lois restrictives telles que celles qui gouvernent nos frontières du Nord, de l’est et de l’Ouest seront appliquées sur le Rio Grande, à la frontière de Baja, ou le long de la côte du Golfe du Mexique.
Le mieux que nous serons capables de dire, une fois que le nouveau régime d’ouverture des frontières sera appliqué, c’est qu’au moins les évêques auront cessé de tourner la loi, ce qu’ils font actuellement.
On avait l’habitude de plaisanter en disant que l’Église épiscopalienne était “le Parti républicain qui prie. ” Ce n’est assurément plus vrai. Et, à cause de l’antagonisme entre l’Église catholique et l’administration Obama à propos de la liberté religieuse, on pourrait être tenté de dire que l’USCCB (Conférence des évêques catholiques des États-Unis ) est maintenant le parti républicain de la génuflexion, mais c’est faux aussi. (Bien que les républicains soient certainement sur les genoux. ) A dire vrai, les évêques sont à gauche de certains démocrates au sujet de l’immigration.
Ils sont apolitiques quand cela leur convient, évidemment.
M. Obama veut que l’immigration ne soit pas limitée et, fondamentalement, qu’il n’y ait aucune vérification de l’enregistrement des électeurs (et pas de vérification des revenus pour l’Obamacare [assurance maladie]) évidemment parce que les ouvriers « sans papiers » et les électeurs « sans papiers » votent pour les démocrates et c’est pourquoi Bennet, Durbin, Melendez et Schumer – les démocrates de la Bande des Huit – n’en peuvent pas croire leur chance. Leurs collègues républicains (avec Rubio : Flak, Graham et McCain) croient que… BSEOIMA amorcera une inversion du résultat des urnes.
Je ne suis pas même sûr que les évêques devraient avoir une position à propos de l’immigration ou d’autres questions politiques. Puisque George Neumayr a écrit :
Imaginez : qu’arriverait-il si l’USCCB faisait appeler une page Web taxjusticeforamericans.org et offrait un “kit de paroisse” qui expliquerait la position “de l’Église catholique sur la réforme fiscale” ? et si elle proposait une “prière d’intercession” (comme elle l’a fait pour la “réforme d’immigration”) pour la Flat Tax ? Les cris de « cléricalisme » seraient retentissants.
Loin de moi le refus de la suprématie de la souveraineté de Dieu dans les affaires de justice. Mais la souveraineté nationale est-elle non chrétienne ? Un premier principe de gouvernement civil est le respect de la loi, mais est-il chrétien de soutenir une loi dont seuls quelques cyniques ricaneurs croient qu’elle fera ce qu’elle promet ?
Et le point le plus amer est celui-ci : pour les immigrants qui seront repérés comme entrés illégalement aux Etats-Unis, les évêques recevront la même sorte de remerciement que l’Eglise a reçu des catholiques d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud qui fournissent le flot migratoire : Au revoir et merci!.
Le recensement de catholiques en Amérique est déjà une farce. Car pour mille et une raisons la plupart ont quitté l’Eglise, spirituellement si ce n’est physiquement, mais en Amérique latine il y a eu un véritable exode vers les obédiences évangélistes et pentecôtistes du protestantisme.
En 1980, 90% de Latino-Américains aux États-Unis étaient catholiques, mais selon le Pew Forum on Religion and Public Life, aujourd’hui il n’en reste que deux tiers et dans moins de deux décennies cela pourrait être plus proche de la moitié.
Qu’est-ce qui va inverser cette tendance ? Le Pape François ? Marco Rubio ? Le catholicisme charismatique ? Les évêques parlant espagnol ?
L’ironie de la position des évêques est que l’immigration qu’ils soutiennent peut accélérer en fait le déclin démographique de l’Eglise.
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/why-the-bishops-are-wrong-on-immigration.html