Cette rencontre sur l’île de Lampedusa, le pape l’avait voulue presque familiale, non-officielle. Le ministre italien de l’Intérieur n’était pas présent pas plus qu’aucune personnalité politique notable. Seule Giuseppina Nicolini, maire de la commune, revêtue de son écharpe officielle siégeait au premier rang de la population. Visiblement, cette dernière était dans la joie d’accueillir son visiteur, auquel elle a réservé des ovations d’une rare intensité. Les mots de reconnaissance du pape pour l’extraordinaire solidarité dont a fait preuve, depuis des années, Lampedusa à l’égard des pauvres gens venus échouer sur ses côtes, ont été salués par des applaudissements qui montraient la profondeur d’un cœur à cœur.
L’homélie du pape, qui suivait la lecture de textes bibliques d’une sombre tonalité, a résonné comme un appel à la conscience internationale. Le Dieu qui presse Caïn de lui répondre, après le meurtre d’Abel – « Qu’as-tu fait de ton frère ? » – interpelle les hommes d’aujourd’hui. Que font-ils pour leurs frères qui sont dans la pire détresse et risquent de sombrer dans leurs frêles esquifs surchargés ? L’impératif évangélique est dans la ligne des premières pages de le Genèse, il est inflexible dans ses exigences morales et plus encore dans la solidarité avec autrui.
Sollicité par le site Atlantico, je me suis efforcé d’expliquer le sens de cette visite et la cohérence évangélique d’un geste qui va au-delà de tout effet rhétorique. Les réactions ont été extrêmement vives, ce qui n’est pas étonnant, eu égard aux aspects très conflictuels de la question de l’immigration. Les débats qui agitent l’espace politique se retrouvent souvent dans l’espace religieux. Qui, pourtant, pourrait reprocher au pape d’être l’interprète des paroles mêmes du Christ ? Le service du frère, le plus fragile, le plus démuni, est lié au jugement que Dieu porte sur la responsabilité ultime de chacun. Si conflictuelles soient les discussions sur le traitement des flux migratoires, il y a une obligation du service direct, supérieure à toute controverse. Ce qui n’empêche pas les politiques d’envisager à l’échelle internationale une action à long terme, car l’immigration sauvage n’est pas en soi la solution aux problèmes du développement de l’Afrique.
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- Jean-Paul Hyvernat
- SYRIE : ENTRE CONFLITS ARMES ET DIALOGUE INTERNE
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010