La conversation commença par ma remarque concernant un autocollant de la gay pride montrant deux androïdes se tenant la main, l’un d’eux brandissant le drapeau arc-en-ciel de la gay pride. « Oui, dis-je, je suppose que dès que nous commencerons à construire des androïdes, nous serons forcés de faire autant de robots homos que de robots normaux, sinon nous serons accusés de discrimination. »
Mon interlocuteur répliqua que je confondais « sexe » et « genre ».
« Non, ai-je répondu, je ne parle pas de leur sexe ou de leur genre. Vous pouvez concevoir les robots de la façon qui vous plaît. Ils peuvent avoir des parties mâles, des parties femelles, à la fois des parties mâles et femelles, des parties qui s’emboîtent entre elles sur un même robot, ils peuvent même se brancher sur une prise murale si c’est ce que vous voulez, comme R2D2 dans l’étoile de la mort. En résumé, vous pouvez avoir du sexe dans toutes les configurations possibles. Mais voici ma question : – Pourquoi dirait-on que les robots ont une sexualité puisqu’il n’y a aucune chance qu’ils se reproduisent ainsi ? Pourquoi qui que ce soit gaspillerait-il du temps de l’argent, des ressources pour concevoir cette sorte de « fonction » (si on peut la nommer ainsi) dans un androïde ? Quel serait l’intérêt ?
La seule raison plausible de le faire, me semble-t-il, serait pour donner du plaisir sexuel aux humains par procuration. Mais déclarer que ces robots ont une relation sexuelle serait une exagération. Au mieux, ce serait métaphorique, comme notre appellation de prise mâle et de prise femelle sur les cordons électriques. Entre deux robots, ce ne pourrait être qu’un simulacre d’acte sexuel, finalement pas plus sexuel que le sexe entre deux personnages réalisés par dessin assisté par ordinateur — rien qu’une juxtaposition de pixels et d’électrons, pas une union organique visant à la procréation d’une nouvelle vie.
Dans le cas des deux robots, leur « relation sexuelle » serait ce que beaucoup de gens considèrent comme une relation sexuelle : rien de plus que deux corps imbriqués d’une certaine manière. Évidemment, si nous considérons le sexe de cette manière, la question pertinente est : – Pourquoi cette imbrication particulière de deux corps pourrait-elle être moralement inadmissible ?
Et effectivement, comme la conversation se poursuivait, j’ai été confronté à ce genre de questions. « Prenons deux femmes qui s’aiment et qui se comportent l’une avec l’autre comme vous vous comportez avec votre épouse. Si leur biologie était différente, elles pourraient procréer, mais dans le cas présent, non. Pourquoi l’absence de cette seule dimension — la possibilité d’avoir un enfant — rend-elle la chose moralement inacceptable ? »
Vous voyez le topo. Un acte identique à tous les égards sauf un, à savoir la capacité d’engendrer. En quoi cette situation serait-elle différente, demandait mon jeune ami, du même acte sexuel effectué au sein d’un couple hétérosexuel marié pendant les périodes d’infertilité de l’épouse, lorsque la dimension procréative est similairement absente ?
N’étant pas catholique, mon jeune ami ne pouvait savoir combien souvent cet argument est utilisé par des catholiques à propos de la contraception.
Prenez un couple, disent-ils, pratiquant une activité sexuelle identique à tous autres égards à celle des couples essayant d’avoir un enfant, excepté l’absence d’une dimension, la dimension procréative. Pourquoi, veulent-ils savoir, l’absence de cette dimension — la possibilité d’enfanter — la rendrait-elle moralement inacceptable aux yeux de l’Eglise ?
J’aurais beaucoup à dire ultérieurement sur cette question, mais le premier point que nous devons remarquer, c’est que l’importance de cette question découle de la culture de la contraception. Il est souhaitable de se rappeler que au long de l’histoire humaine, personne n’avait envisagé la sexualité sous cet angle. Ce n’est pas que, par le passé, les gens n’étaient pas intéressés par la possibilité d’avoir une activité sexuelle sans avoir de bébé — les gens ont toujours été intéressés par le plaisir sans conséquences.
Non, c’est juste que, qu’ils cherchassent désespérément ou non à éviter un bébé, les couples ayant une activité sexuelle ne pouvaient éviter de penser à la procréation. Chacun était conscient que ce qu’il faisait était assez similaire à planter des semences dans un sol fertile.
La contraception a changé cette mentalité : la sexualité devient de plus en plus déconnectée de la procréation, pas seulement dans la pratique (ce qui était toujours possible) mais dans la façon dont les gens la considèrent.
Avant l’arrivée d’une contraception efficace, personne n’aurait dit que la procréation était seulement une des dimensions de la sexualité. Même encore maintenant, les gens utilisent l’euphémisme « faire un bébé » pour évoquer l’acte sexuel — parfois même quand le couple en question ne désire pas enfanter.
C’est seulement dans cet âge moderne plutôt confus que nous sommes dans la situation bizarre d’avoir des gens « faisant un bébé » qui affirment que procréer est seulement une des dimensions de cet acte, et non essentielle qui plus est. De même, c’est seulement pour la génération actuelle que la masturbation est considérée comme une forme de sexualité. Par le passé, c’était considéré comme une chose que les gens faisaient faute de sexe.
Pour cette génération, toute stimulation sexuelle a droit au vocable « sexualité ».
La première chose à noter dans une conversation moderne traitant de la sexualité, c’est que les deux protagonistes peuvent parler de deux choses tout à fait différentes. Dans une perspective catholique, parler de sexualité comme si c’était seulement l’imbrication de deux corps revient à assimiler la sexualité au jeu Twister. Dans cette époque désorientée, la première chose à éclaircir est celle-ci : qu’est-ce que la sexualité ? la conjonction de deux corps ? un sentiment ?
J’y reviendrai prochainement.
illustration : les androïdes verts et gays de Google.
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/robot-sex.html