L’école s’invite avec insistance ces jours-ci, ne serait-ce qu’à cause des épreuves du bac. Hier, les sujets de philo faisaient l’objet d’échanges intéressants, avec même des corrigés fournis par plusieurs rédactions. On peut au moins noter que la philosophie demeure une passion bien française, avec cette classe de terminale qui lui est spécialement consacrée, même lorsqu’elle ne concerne pas les seuls littéraires. À l’heure où notre système scolaire est secoué par une contestation sévère pour cause de moindre performance, j’aurais envie de plaider pour cette spécificité française. On m’expliquera sur tous les tons qu’il s’agit de s’adapter aux débouchés de l’économie et de satisfaire à toutes les exigences de la compétitivité, je n’en démordrai pas. Si l’école rompait définitivement avec sa tradition humaniste, au sens du XVIe siècle, c’est à dire la transmission de la culture profonde, elle dérogerait à sa vocation que je ne puis réduire à l’utilitarisme.
On m’opposera les capacités des enfants et des élèves, qui ne seraient plus du tout en mesure d’avaler les programmes de leurs grands-parents et arrière-grands-parents. Cela ne me convainc guère, parce que j’ai l’exemple, sans doute singulier, d’enseignants dans le 9-3 qui ont réussi à ouvrir des classes dites multiculturelles à des sommets de la littérature, avec des résultats étonnants. N’est-ce pas souvent l’enthousiasme qui manque, celui qui est capable de retourner des situations ? Mais il est vrai aussi que l’Éducation nationale est une énorme machine, à laquelle certains prêtent une lourdeur soviétique. Claude Allègre s’est fait une réputation en lui collant le sobriquet de « mammouth ». Mais il n’est pas le seul ministre à s’être dressé contre le dispositif de la rue de Grenelle. « Quand j’étais ministre de l’Éducation nationale, j’ai tout de suite vu que parmi les hauts fonctionnaires et les inspecteurs généraux, la moitié était à fusiller et l’autre à pendre. » L’auteur de cette amabilité ? Jean-Pierre Chevènement !
Voilà qui pourrait décourager tous les régiments du monde. Mais tout de même, dès lors que l’objectif est si évident, le but aussi essentiel, n’y aurait-il pas lieu de pousser un sursum corda (un « haut les cœurs ! ») ? Il n’est aucune tâche impossible dès lors que c’est notre avenir, tout notre avenir, qui est en cause.