Imaginez que les pays, ça n’existe pas.
Facile !
Aucun motif pour tuer ou se faire tuer
Pas de religion non plus
Imaginez que tout le monde vive en paix
John Lennon, « Imagine » (1971)
Le regretté John Lennon sous-entendait dans cette célèbre chanson qu’en utopie il ne faut chez les hommes ni différences ni fortes convictions, comme si les communautés, les croyances, les groupements qui se forment parmi les gens libres étaient ennemis plutôt que fruit de paix. Lennon imaginait un monde où rien ne méritait qu’on se sacrifie (ni donc qu’on vive pour lui), que l’au-delà n’offrait aucune espérance (« au-dessus de nous, rien que le ciel »), et que la vie n’a aucune signification transcendante (« pas non plus de religion »).
Ne nous étonnons pas que les héritiers culturels de Lennon, qui tiennent maintenant les rênes dans la plupart de nos institutions, considèrent qu’une opposition à leur idéalisme « petite fleur » est par nature incompatible avec la vie en société, même si une telle opposition émane de gens libres exerçant leurs droits de citoyens. Ils ne considèrent donc pas leur hostilité viscérale à la contradiction comme un prélude à la tyrannie, mais plutôt comme une réaction légitime contre la propagation d’une « injustice ». Il en résulte, selon la nature des hommes et la diversité des cheminements sociaux, intellectuels, religieux, chez les gens épris de liberté, que le monde rêvé par « Imagine » ne peut s’épanouir qu’en supprimant l’opposition.
Nous l’avons su ce mois, le Service fédéral des impôts [IRS, Internal Revenue Service] a reconnu avoir ces dernières années visé « spécialement » le « Tea Party et les organismes conservateurs sollicitant des exemptions fiscales légales. Par exemple, l’IRS a demandé en 2009 à une association « pro-vie » de l’Iowa d’expliquer comment ses activités incluant des groupes de prières devant le Planning Familial pouvaient relever de l’article 501 (c) 3 du code des impôts; d’indiquer la part du temps passé en prières par apport à l’activité totale, et de fournir des explications détaillées sur les pancartes brandies devant le Planning Familial et en quoi elles peuvent avoir un caractère pédagogique.
Commentant ces révélations embarrassantes le Président Barack Obama a prononcé une condamnation en ces termes: « Si du personnel de l’IRS s’est livré vraiment à ce genre de pratiques telles qu’elles ont été révélées, visant spécifiquement des groupes conservateurs, c’est indigne. On ne peut l’accepter.» Tous les gens de bonne volonté devraient applaudir le président pour avoir adopté une telle attitude.
Et pourtant, au cours de ces dernières années, le président, son administration et ses partisans, tant au Congrès qu’ailleurs, se sont comportés de telle sorte que l’IRS avait la permission tacite d’agir de façon à mériter maintenant une juste réprobation. Ils sont bien au fond les héritiers culturels de Lennon. Car les libertés civiques ont pour conséquence — par la naissance et la croissance d’institutions et d’associations — d’ouvrir un monde « parfait » qu’ils « imaginent » inconcevable.
Tout a commencé en avril 2009 quand le Ministère de l’Intérieur a publié un document selon lequel « des actes violents pourraient être commis par des extrêmistes anonymes de droite à cause de l’immigration illégale, des avortments, de l’emprise croissante du pouvoir fédéral, et des restrictions sur les armes à feu.» En 2012 pendant la campagne pour la réélection du président cette mise en garde a fait pousser ses griffes et a été coordonnée.
En mars 2012 plusieurs sénateurs Démocrates ont publié dans la presse des documents dont une lettre adressée par eux au commissaire IRS Don Schulman, demandant un changement immédiat dans l’application du code des impôts en ce qui concerne les groupes intitulés « organismes de bienfaisance ». Et si ces mesures n’étaient pas prises par l’IRS, les sénateurs promettaient « d’introduire de nouvelles règles législatives pour obtenir ces changements importants.»
Le communiqué à la presse faisait suite au tweet de février 2012 par lequel le Président Obama citait le nom de deux citoyens — Charles G. Koch et Bill Koch — demandant à ses partisans de s’inscrire sur une pétition pour que les frères Koch publient la liste de leurs donateurs, exemple de ce qui désormais est une « demande indigne » émise par l’IRS auprès des groupes conservateurs que ce Service reconnaît avoir visés.
Vers la même époque les déclarations fiscales de l’Organisation Nationale pour le Mariage [NOM: National Organisation for Marriage] ont été « fuitées » par un membre de l’IRS au profit d’opposants à la « NOM », Human Rights Campaign [HRC, Campagne pour les Droits de l’homme]. HRC s’est empressée de communiquer ces documents au journal en ligne « Huffington Post » [NDT: publication internet « progressiste », de gauche] qui les mit aussitôt en ligne. Révélations: noms de donateurs pour la campagne présidentielle du parti Républicain et, parmi eux, Mitt Romney, candidat à la présidence.
Alors que HRC obtenait ces documents et les faisait publier sur la toile, son président, collaborateur au « Huffington Post », Joe Solmonese avait déjà été nommé co-président de l’équipe de campagne pour la réélection du Président Obama. Pour autant qu’on sache, le président n’a nullement demandé une enquête à l’IRS ni déclaré que HRC avait agi de manière indigne et inacceptable.
Comment aurait-il pu? Quand vous donnez à vos partisans la permission tacite de harceler des citoyens pour qu’ils publient ce que la loi les autorise à garder sucret, et quand des sénateurs de votre propre parti en appellent à l’IRS pour mater des organismes exemptés de taxes alors qu’ils ont des opinions politiques opposées aux vôtres, vous n’êtes guère fondé à déclarer que les agissements de HRC sont inacceptables. Ce serait comme si Hugh Hefner [NDT: fondateur, propriétaire de Playboy] fustigeait pour proxénétisme un propriétaire de maison close.
Je pourrais citer encore bien des exemples, mais, pour conclure, disons : le président et ses alliés savaient pertinemment que si leur tactique réussissait on aboutirait à la suppression des groupes politiques qui, pouvant s’épanouir, ne favoriseraient pas les succès électoraux du président.
Imaginez qu’il n’existe pas d’opposition; facile, essayez.
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Illustration : Encore un scandale. Quand il pleut, il tombe de l’eau!
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