Le jeune soldat français frappé par derrière samedi dernier d’un coup de couteau proche de la carotide, a échappé de peu à la mort. Aux yeux de son agresseur toujours recherché, il avait apparemment le tort de faire partie d’une de ces patrouilles de trois militaires qui sillonnent les lieux publics en France dans le cadre du plan antiterroriste « Vigipirate ». C’est ce qui a permis à notre presque omniscient ministre de l’Intérieur Manuel Valls d’en conclure qu’il y a peut-être un lien à établir entre cette agression et le récent assassinat d’un soldat anglais à Londres par deux militants terroristes islamistes. Mais faute de preuves suffisantes, le représentant de l’Etat reste prudent et ici, il n’en dit pas plus. Voilà un homme raisonnable.
On comprend d’autant mieux la circonspection de M. Valls dans ses pronostics, qu’après avoir laissé saccager le quartier du Trocadéro et les Champs-Elysées et laissé dévaliser un car de touristes japonais place de la Concorde les 12 et 13 mai derniers par d’authentiques émeutiers, il a été très occupé tout ce week-end : cette fois-ci, il s’agissait d’une grosse affaire, la grande manifestation familiale pacifique d’hier 26 mai qui a rassemblé près d’un million de personnes à Paris avec des landaus, des enfants, leurs mamans et des grands-parents.
Cette fois, le ministre a fait procéder à 350 interpellations : les unes préventives, d’« individus considérés comme dangereux » un ou deux jours avant l’événement qu’il a dénoncé d’avance comme extrêmement périlleux pour les familles (dont il serait devenu un protecteur chevaleresque), et les autres le soir même, devant des « débordements » organisés, dit-on, par des groupuscules dénoncés comme d’extrême-droite, qu’apparemment les 4500 policiers déployés dans Paris n’auraient pas repérés à temps…
Et puis, il a fallu encore trafiquer les chiffres sur le nombre de manifestants : très vite, l’équipe des as en calcul de probabilités de M. Valls avait décidé : 150.000, ni plus ni moins. Le mouvement populaire continue, le mépris de l’oligarchie étatique aussi. Est-ce si raisonnable que ça ?
Mais M. Valls a raison (comme toujours) : on n’est jamais trop prudent. C’est aussi pour ce motif qu’il annonce son intention de dissoudre ces mouvements extrémistes ou factieux que, curieusement, il ne paraît pas être parvenu à contrôler…, ainsi que la mouvance intellectuelle d’opposition du « Printemps français », dont, de toute évidence, les idées ne lui plaisent pas. Mais de façon radicale, pour faire régner l’ordre total, faire taire — peu à peu — l’opposition, après avoir intimidé les uns et provoqué les autres, ne serait-ce pas ici la prudence la plus totale ? Une « République » socialiste sans opposition, ne serait-ce pas le mieux pour la sécurité publique ?