Angela Merkel et les protestants allemands : « Juste le nécessaire » - France Catholique
Edit Template
Funérailles catholiques : un temps de conversion
Edit Template

Angela Merkel et les protestants allemands : « Juste le nécessaire »

Copier le lien

Angela Merkel s’est adressée le 3 mai au « Kirchentag » de Hambourg, le grand rassemblement des protestants, réuni cette année sur le thème : « autant que vous avez besoin » (« soviel du brauchst ») Exode, 16, 18.

La distribution de la manne par Moïse entre les israélites au désert se prête en effet à bien des interprétations. Celui qui a eu l’idée d’en faire le thème de ce rassemblement qui a rassemble plus de cent mille protestants entre le 1er et le 5 mai n’était pas innocent. Cela ne serait sans doute pas venu à l’esprit des organisateurs d’un rassemblement catholique latin, en tout cas pas sous cette forme.

Les débats sur l’argent, la pauvreté, le capitalisme, la charité, ne sont pas abordés de la même façon à Hambourg et à Berlin, ou à Assise et à Lyon.

Sans évoquer ici Max Weber et « l’éthique protestante et l’esprit du capitalisme », on sait que les notions de devoir, de travail, d’égalité, de solidarité, ne sont pas comprises de la même façon selon que l’on ait été élevé dans un milieu protestant ou un milieu catholique. Ceci n’était jamais apparu aussi évident qu’avec la personnalité d’Angela Merkel. Elle fait scandale auprès des Grecs et des Latins alors qu’elle pense n’être que parfaitement « normale » au regard de sa culture.

De quelle culture ? Angela Merkel est née Kasner à Hambourg en 1954 1 ; son père était pasteur ; elle a vécu jusqu’à l’âge de 35 ans en RDA d’abord avec ses parents dans un centre de formation pour pasteurs au nord de Berlin, puis étudiante à Leipzig, enfin, les dix dernières années, physicienne à Berlin-Est. Elle vit d’ailleurs toujours dans le même quartier de Berlin. C’est seulement le mur qui est tombé. Elle est, si l’on peut dire, restée à l’Est. La RDA avait une culture religieuse tout à fait différente de celle de la RFA, non seulement à cause du communisme et de la surveillance constante de la Stasi, formidable école de « maîtrise de soi », mais encore parce que le catholicisme y était quasiment absent. L’équilibre démographique entre catholiques et protestants qui prévalait à l’ouest, et dans les faits une domination politique catholique, a été complètement rompu avec le rattachement de la RDA. Mme Merkel a conquis l’appareil de la Démocratie Chrétienne parce qu’elle était la seule femme jeune et venant de l’Est (« Ossi ») qui avait rejoint ce parti. Mais elle n’a pu le faire que par la faute de son patron, Helmut Kohl, dont le système s’est effondré comme un château de cartes, à cause de sombres affaires de financement du parti et, par voie de conséquence, la marginalisation de tous les politiques de la vallée du Rhin, c’est-à-dire de tous les catholiques. De proche en proche, le gouvernement d’Angela Merkel ne compte plus qu’un seul catholique, Peter Altmaier, ministre de l’Environnement, un Sarrois. Le président fédéral est depuis 2012 un pasteur de l’Est, Joachim Gauck, par suite de la démission successive de plusieurs catholiques compromis dans divers scandales.

On ne dira jamais assez combien les Ossis ont changé l’Allemagne. Rompus à une certaine austérité de vie, qu’illustre parfaitement le thème du Kirchentag, qui pourrait aussi se traduire « à chacun selon ses besoins », ou « juste ce dont vous avez besoin », le rejet du superflu, du bling-bling, de la vanité de paraître, qu’incarne la chancelière, ils apportent également une autre vision de l’Europe : Angela Merkel parle couramment le russe mais n’a jamais appris le français. Elle est l’élue d’une circonscription de la Baltique et ignore la Méditerranée. Pour elle, l’Europe commence à la chute du mur de Berlin et l’adhésion des pays de l’Est. L’Europe de 1950 ou le rapprochement franco-allemand de 1963 ne concernent que la partie occidentale. La RDA a gagné la guerre contre le nazisme. Celle-ci n’est pas un problème pour elle.

Le renflouement de la RDA par les Allemands de l’Ouest n’est pas fini. Il a accaparé pendant vingt ans une partie substantielle de leurs impôts. Il a contraint à des restructurations industrielles majeures qui ont maintenu l’Allemagne derrière la France pendant au moins une décennie mais aujourd’hui portent leurs fruits et la propulsent en avant. C’est fort de cette expérience qu’elle considère aujourd’hui la crise financière des pays du Sud.
Il n’y a pas d’alternative : la présidente des « Verts » était la présidente du synode protestant dont elle s’est mise en congé ; le chef des sociaux-démocrates, qui fut ministre des Finances d’Angela Merkel dans son premier gouvernement de coalition, est également protestant de Hambourg ! Même le chef du nouveau parti anti-euro est un professeur de Hambourg. L’Allemagne catholique a même perdu son pape…

  1. Florence Autret, Angela Merkel, Une allemande (presque) comme les autres, qui vient de sortir aux Editions Tallandier, décrit admirablement « la Fille de l’Est » sous la chancelière, une bonne occasion de « désoccidentaliser » notre regard sur l’Allemagne et l’Europe.