Un bon millier de personnes ont assisté, le 29 avril, aux funérailles de Mgr Aloysius Jin Luxian, évêque officiel de Shanghai décédé deux jours plus tôt à l’âge de 97 ans. Aucun évêque n’était présent à la messe concélébrée par 80 prêtres diocésains : il avait été indiqué que seul le clergé du diocèse pourrait y assister, ce qui permettait d’éviter la présence d’évêques illégitimes, non reconnus par le Vatican, que Pékin aurait pu envoyer face à une communauté qui, à l’image du défunt, n’a pas manqué une occasion de manifester son union avec Rome. Du coup, les autorités civiles n’ont eu d’autre ressource que d’organiser une autre cérémonie, destinée aux représentants du pouvoir, suivie de la crémation du corps de l’évêque — pratique imposée par le gouvernement. Prévisible, l’absence de Mgr Thaddeus Ma Daqin, évêque auxiliaire depuis le 7 juillet 2012, rappelait qu’il ne peut exercer son ministère car il s’était fortement démarqué de l’Association patriotique des catholiques chinois, courroie de transmission de l’administration communiste ; le précédent auxiliaire, Mgr Joseph Xing Wenzhi, avait dû, lui, démissionner en décembre 2011.
Les tensions demeurent donc vives entre la communauté catholique, où demeurent d’ailleurs quelques « clandestins » n’acceptant aucun rapport avec un clergé toléré par l’État, et le pouvoir communiste face auquel Mgr Jin avait su s’imposer grâce à quelques concessions : après avoir été emprisonné dix-huit ans et placé neuf ans en résidence surveillée, ce jésuite francophone et francophile avait accepté, en 1985, de devenir évêque sans l’accord de Rome avant d’obtenir plus tard la reconnaissance du Vatican. Depuis, il incarnait une politique avant tout marquée par le souci d’exprimer la visibilité de l’Église malgré les limitations imposées. Lui-même disait se montrer, à l’image de l’Évangile de Matthieu, « prudent comme le serpent et candide comme la colombe ».
Deux événements montrent en tout cas que les dirigeants installés par le XVIIIe congrès du Parti en novembre dernier n’ont pas encore défini leurs relations avec l’Église catholique. Le 3 février, un haut responsable, Yu Zhengsheng, a affirmé que le pouvoir s’en tenait à sa politique fondamentale de respect de la liberté religieuse, ce qui ne signifie pas grand chose puisque les croyants sont toujours obligés de soutenir le régime et, surtout, de ne pas dépendre de l’étranger. On a ensuite noté la réaction modérée de Pékin à l’annonce du voyage à Rome du président taïwanais pour la messe d’installation du pape François, mais cela s’inscrit plutôt dans la perspective de ne pas entraver les échanges économiques, culturels et humains entre la Chine et Taiwan, le chef de ce dernier État se sentant par ailleurs assez fort pour se rendre en personne au Vatican.
À propos du pape François, comment ne pas relever que son nom se réfère certes à François d’Assise, mais aussi à François Xavier, le co-fondateur de la compagnie de Jésus à laquelle il appartient ? Grand évangélisateur de l’Asie, ce dernier est mort le 3 décembre 1552 sur l’île de Shangchuan alors qu’il demandait la permission d’entrer en Chine. Cela signifie que, si les Chinois ont la réputation de savoir attendre, l’Église catholique pratique tout autant la patience.