Une nouvelle ère de liberté religieuse. - France Catholique
Edit Template
Pâques. La foi des convertis
Edit Template

Une nouvelle ère de liberté religieuse.

Copier le lien

Pour les érudits du droit il est une banalité à propos de la jurisprudence sur la liberté de religion : c’est une jungle désespérante. Voici près de soixante-dix ans, la Cour Suprême a introduit dans la Constitution l’expression « mur de séparation entre l’Église et l’État », ce qui a créé une confusion sans fin — un tel « mur » n’était certes pas présent à l’esprit des Pères fondateurs, sauf peut-être Jefferson qui, de toutes façons, se trouvait en France lors de la rédaction du Premier amendement.1 Pour répondre à la nécessité de préciser l’application de ce « mur », la Cour suprême et diverses autres cours fédérales ont établi diverses références et normes, et divers seuils d’interprétation de la protection constitutionnelle de liberté de religion.

À cette situation confuse s’ajoutent les protections mises par la Cour [suprême] contre les interventions des États, malgré la phrase initiale « Le Congrès n’édictera aucune loi ….» Ainsi donc, en matière de religion comme sur bien d’autres sujets, les cours fédérales se sont arrogé le droit de traiter les affaires que les citoyens étaient libres de régler démocratiquement au sein de chaque État. Et, par-dessus cette lourde main-mise s’ajoute la mentalité laïque de l’élite judiciaire et législatrice, qui a changé la religion, première liberté fondamentale, en une faveur de plus en plus menacée.

Il n’y a pas si longtemps, pourtant, malgré ce bouleversement, les tenants de la liberté de religion avaient encore confiance. La Cour, dans des affaires comme Rosenberg v. University of Virginia ou récemment Witters v. Washington Department of Services for the Blind [Witters contre le Service gouvernemental d’aide aux aveugles] a confirmé le droit pour des institutions ou groupes religieux de recevoir les mêmes subsides que des organismes non religieux.

Le comportement des tribunaux des différents États est plus flou, mais ils ne sont pas restés inertes, statuant selon leurs propres règles statutaires et constitutionnelles, pouvant différer nettement du Premier amendement.

Beaucoup d’États s’appuient sur ce qu’on appelle les « amendements Blaine » destinés à limiter le soutien financier à des écoles dites inféodées à des sectes (historiquement : catholiques). Cependant, même là, les Cours d’États (cas le plus récent : Colorado) constatent que des fidèles peuvent soutenir financièrement des institutions religieuses s’ils le désirent sans pour autant poser des problèmes d’inconstitutionnalité.

Et pourtant rien n’est bien net — au détriment de la religion. Des tribunaux dans tout le pays ont émis des jugements défavorables aux institutions religieuses. Et les verdicts concernant l’assurance-maladie pour couvrir la contraception et autres points analogues montrent que les tribunaux sont hostiles aux revendications selon lesquelles les institutions religieuses doivent conserver leur autonomie au moins quand leur cause s’oppose à une « valeur » soutenue par le gouvernement, telle que le prétendu « droit à la santé ».

Comment expliquer ces variantes ? À regarder de près, on voit que les deux types de conflits relèvent de la même idée: c’est le choix qui commande tout. Dans de nombreuses affaires de financement scolaire ou autres financements publics, le facteur déterminant a été le passage par un tiers, souvent les parents, qui peuvent choisir d’affecter l’allocation à une école ou un programme religieux sans y être obligés. Ce qui met le-dit programme à l’abri des problèmes constitutionnels.

Le même principe semble poser problème lorsque l’État devient juge et partie, comme c’est le cas à propos de la contraception. (L’analyse complète des fondements intellectuels de cette dérive se trouve dans l’ouvrage de Robert Vischer Conscience and the Common Good [La conscience devant le bien collectif].) Le droit pour une personne de choisir une assurance-santé couvrant la contraception, par exemple, a souvent induit des textes impliquant une telle couverture en conflit avec la constitution.

Des procès en Californie comme dans l’État de New York contre des mini-contraintes ont échoué car les tribunaux ont éprouvé de la difficulté à évacuer le principe que l’intervention de l’État sur un choix ultérieur pose un problème constitutionnel. Dans cet esprit, il faut retenir qu’un avantage égal soit proposé à tous, chacun étant libre de l’accepter.

Cette solution peut sembler attrayante, elle est en définitive dangereuse. L’effet « neutre » ne l’est pas toujours. Dans les affaires relatives à la contraception, l’État met un coup de pouce sur le plateau de la balance en promouvant une valeur qui s’impose « également » à tous, que les croyances religieuses des personnes ou des institutions contraintes à y adhérer soient ou non compatibles avec cette « valeur » [le « droit de choisir »]. Le cas est différent dans les affaires relatives aux allocations scolaires, les bénéficiaires sont libres de les affecter selon leurs choix.

Certains tribunaux n’ont pas encore tiré toutes les conséquences de ce raisonnement, d’autres l’ont fait. Le grand penseur catholique Orestes Brownson a exposé le problème à ses compatriotes en 1845 :

« L’État a-t-il le droit de légiférer sur la conscience, de soumettre la conscience à ses lois ? Certes non. Le principe de gouvernement en Amérique, en la matière, repose sur la liberté de conscience, là où la conscience se manifeste s’arrête l’autorité de l’État. Et il doit en être ainsi si nous bénéficions de la liberté de religion, à l’opposé de la tolérance vis-à-vis de la religion. La tolérance présuppose un droit pour le gouvernement de forcer les consciences, droit que la prudence retient d’exercer ; alors que la liberté de religion affirme l’absolue liberté de conscience face à l’État, ou à tout pouvoir humain, nul ne peut se mêler de la conscience ou la contraindre. Dans ce pays et selon ses règles notre gouvernement n’a pas à tolérer, il affirme la liberté religieuse. Il reconnaît donc que son pouvoir s’arrête là où commence la conscience. Je ne suis donc pas soumis à l’État en matière de conscience, il n’a donc aucun droit à me forcer à agir contre ma conscience; et j’ai le droit, dans tous les cas où il me le commanderait, de refuser d’obéir. Si vous contestez cela, vous contestez la liberté de religion, et accordez au pouvoir temporel le droit de forcer les consciences.»

La nouvelle ère de liberté religieuse — imposant un choix aux consciences — sera peut-être moins compliquée, mais sera une pire menace envers les croyants.

Portrait : Orestes Brownson – par George P.A. Healy, 1863

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/the-new-era-of-religious-liberty.html

  1. NDT: le Premier Amendement à la Constitution des États-Unis assure la protection du droit à la liberté de religion et à la liberté d’expression.