La présence, d’évidence massive, de catholiques et de jeunes catholiques dans les Manif pour tous commence à interroger pas mal de monde. J’en veux pour exemple Jacques Julliard dans son dernier éditorial de l’hebdomadaire Marianne. À lui seul, il exigerait une longue discussion. Julliard a très bien discerné où se trouvait la nouvelle donne : l’avènement d’une autre génération chrétienne qui, tout en étant minoritaire, ne s’impose pas moins désormais sur le terrain civique. Il est vrai que toutes les données historiques de la France des XIXe et XXe siècles se trouvent bousculées. En ce sens, Julliard s’affirme infiniment meilleur observateur que tous ces sociologues qui ne comprennent rien au film, ne serait-ce que parce que leurs marqueurs concernent une réalité qui a disparu au moins depuis trente ans.
En second lieu, il souligne la rupture grave qui s’opère entre le christianisme et une civilisation scientiste, qui considère l’homme comme « un Golem auto-suffisant ». Il a saisi l’importance de la déclaration du cardinal Vingt-Trois lors de la dernière assemblée des évêques à Paris : « La sagesse grecque, la révélation judéo-chrétienne et la philosophie des Lumières ne sont plus reconnues chez nous comme un bien culturel et comme une référence éthique. (…) Nous ne devons plus attendre des lois civiles qu’elles défendent notre vision de l’homme. »
Oui, cher Jacques Julliard, cette déclaration est un tournant. Mais je me trouve en désaccord avec la crainte que vous exprimez par la suite. Il ne s’agit pas pour l’Église de France de s’ériger en force conservatrice contre la gauche. Il s’agit pour elle d’affirmer un désaccord gravissime d’ordre anthropologique. La même Église est souverainement indépendante lorsque, sur d’autres terrains, notamment sociaux, elle s’inscrit à l’encontre de l’ultra-libéralisme ou prend la défense des plus fragiles comme les Roms. Mais il est vrai que vous avertissez aussi le pouvoir socialiste du risque qu’il prend à mépriser les catholiques. J’ai d’ailleurs comme le sentiment qu’au sommet de l’État, on a pris conscience de l’enjeu d’une opposition aussi massive et déterminée aux orientations sociétales choisies. Il serait peut-être grand temps de faire une pause et de s’interroger, à gauche, sur l’emprise démesurée de certains lobbies, qui est cause d’une grave rupture morale.
Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 30 avril 2013.
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