Par bonheur je vis à la campagne : j’attends avec impatience que Dominique, l’éleveur proche de chez nous, mette enfin ses vaches dans les champs qui bordent notre jardin : elles en sont le complément vivant. De belles « limousines » rousses dont le calme est tempéré par les œillades du taureau qui les surveille et les protège : je le vois très circonspect quand nous nous approchons trop de la lisière de « son » harem…
Me voici bien éloigné des soucis de Monsieur Hollande, qui sont à vrai dire autant les nôtres que les siens : je dis cela sur l’air de « Moralisera, moralisera pas »… Que de vides et d’absences dans son projet !
Je me souviens de discours rageusement anti-moralisateurs, anti-moralistes : c’était tout au long des années qui suivirent les délires de 1968, auxquels prirent une part essentielles les amis de ceux qui nous gouvernent aujourd’hui… On se souvient d’un franco-germain aux cheveux roux – comme les limousines de mon homonyme par le prénom – qui écrivait alors sur le thème admirable (n‘est-ce pas ?) du droit des enfants, même petits, à « exercer » leur sexualité, bien entendu au profit des adultes… peut-être lui-même (il y a prescription, mais la morale en avait pris un vieux coup sur le crâne, jusqu’à presque la faire mourir !).
La France paye, et peut-être payera-t-elle longtemps, les excès de la fin du siècle dernier et du début de celui-ci : tout cela si lointain déjà quoique encore exhalant des miasmes délétères dans nos esprits. Mais la morale, malgré les discussions qui la jettent brutalement sur le devant de la scène, est-elle vraiment de retour ? Est-il vraiment question d’elle dans les discours précipités de notre Président ?
Ces questions sont d’importance si l’on considère que ceux qui veulent, sur le champ et sans plus y réfléchir, « se et nous » moraliser tiennent des propos qui ressemblent à ceux d’il y a cinquante ans : ce n’est pas pour rien que plus d’un million et demi de Français se sont levés pour s’opposer à leurs dérives : morales justement, mais selon ce que nous nous en pensons, nous d’une certaine façon gardiens désormais de l’essentiel que l’on se propose de jeter aux poubelles !
Donc, « moralisera »-t-on vraiment les hommes de la République robespierrine par l’entremise de leurs chefs1 ? La confusion règne dans les esprits : que signifie ce verbe ambitieux quoique apparu dès les temps les plus anciens, au plus profond des cavernes de Cro-Magnon ? L’opération ne concernera-t-elle « que » les affaires d’argent, les comptes déposés outre-flot ou en Helvétie ? Je me suis réveillé ce matin avec en tête cette question lancinante : quel coup fourré se cache en dessous de ces rodomontades élyséennes et matignonesques ? Verrons-nous ce qu’on nous promet de voir, la merveille apparaître derrière ce rideau de paroles plus légères que la fumée que déverse parfois abondamment la cheminée de notre havre ? J’en doute, mais parce que je ne suis probablement qu’un zététicien de la politique. Qui vivra verra, comme l’on toujours susurré les sceptiques… De fait je crains d’office ce genre de tentative dès que menée par des dirigeants dont on n’a jamais éprouvé la grandeur et la beauté et la vérité de leur vertu2.
Je n’ai naturellement qu’un moyen de me débarrasser de ces questions : écrire au moins le commencement des réponses, car « moraliser » est une affaire d’une ampleur telle que Monsieur Hollande ne me paraît pas capable d’en faire le tour ; moi de même qui m’en avoue incapable quoique je veuille tenter de m’y essayer, avec la détermination de ne pas éliminer d’avance le plus redoutable. Mais dire n’est pas faire…
Donc, pour moraliser convenablement il faudrait avoir une pensée cohérente concernant ce qui n’est pas moral : quand avons-nous entendu nos éminences laïcistes et athées – je fais valoir leur carte de visite – nous entretenir précisément de ce que sont « leurs » vérités morales et en tout premier lieu nous expliquer de quel type fut l’examen de conscience qu’ils ont ou auraient dû faire avant même de se présenter à leur première élection politique ?
Je remets à demain la suite de mes réflexions, ne serait-ce que pour les laisser mûrir encore quelques heures…
Pour aller plus loin :
- On pourrait demander le même traitement de moralisation en faveur des journalistes de France Inter, qui rejouent la même haineuse comédie que celle qui fut entretenue trente ans durant contre Pie XII : lui fut, prétendait-on en un mensonge si gros que l’on continue d’avoir honte à la place de ceux qui l’on monté et qui n’ont jamais reconnu leur forfait, et le Pape François, qui fut silencieux et donc complice des colonels argentins. C’est misérable, ignoble, et démontre à quel point cette noble profession est déshonorée par des cuistres. Réaction à chaud après la diffusion d’une émission sur cette chaîne nationale en cet après-midi du 11 février.
- … et je ne parle pas ici de chasteté antisida – la semaine dernière nous étions en pleine actualité avec le « sidaction » – à quoi ils opposent toujours le seul caoutchouc : mais pas la fidélité, alors que l’on sait pertinemment depuis cinquante ans qu’il suffirait que les ultras du sexe se « contentent » de deux ou trois partenaires par mois – on respecte la fidélité que l’on peut ! Et dire qu’il faut rappeler cette « vérité médicale » énoncée par le Professeur Montagnier, peu suspect de vouloir interdire quoi que ce soit : mais combien je suis demeuré scandalisé que depuis cinquante ans les dames du planningue coïtal, les journalistes de quasi tous les gros médias et bien entendu la classe politique presque unanime n’aient jamais eu la charité de plaider aussi bien pour l’abstinence, la fidélité à un seul « amour » et la limitation des « fréquentations » à risque que pour le préservatif, ultime rempart destiné aux stakhanovistes de la tentation non repoussée. Qui a osé, chez tous ces moralistes d’occasion, dépasser le seul caoutchouc dont on sait parfaitement qu’il a causé tant de douleurs et de souffrances, tant de morts, par le fait qu’on le recommandait comme seul capable d’éviter ce qu’il n’a évidemment pas empêché ? C’est le crime caché, comme l’est le génocide vendéen, et caché seulement parce que des intellectuelles dites féministes, des artistes « branchés », des intellos immoraux, tant de gens prétendus à la mode se sont d’avance dressés contre la morale castratrice, une morale qui aurait pourtant sauvé des milliers et des milliers de pauvres hommes qui croyaient dur comme fer qu’en effet on pouvait faire ce qu’on voulait et n’importe quoi de son sexe sans avoir à rendre des comptes. J’attends que l’on en vienne enfin à faire « ces » comptes !