Mysterium fidei et Jardin de Gethsémani - France Catholique
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La justice de Dieu
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Mysterium fidei et Jardin de Gethsémani

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Les événements ne nous marquent pas tous de la même manière. Certains actes, comme effectuer un achat, ne font que nous effleurer; d’autres réveillent le souvenir d’expériences passées, ou mettent un terme à une longue succession de faits, ou soulagent un souci ancien, ou dissipent un malentendu. Ainsi les incidences d’un évènement particulier peuvent nous atteindre en profondeur, nous faire réfléchir sur le passé ou l’avenir. L’évènement survenu le Jeudi Saint jaillit, lui, de profondeurs insondables.
Pour la dernière fois Jésus est avec Ses disciples . . . . pour célébrer ensemble la Pâque, commémoration solennelle de la sortie d’Égypte du peuple élu, quand la dernière et plus terrifiante plaie infligée par Dieu frappe les premiers-nés, contraignant Pharaon à laisser partir les captifs. Le repas de la Pâque fut institué pour commémorer ce « haut fait » de Dieu. Lors du repas pris en mémoire de l’ancienne alliance le Christ établit les fondements mystérieux de la nouvelle: « mysterium fidei ». Et d’autre part l’instant rejoint le futur lointain, ce « . . . jour où je le boirai avec vous, nouveau, dans le royaume de mon Père.» (Mt, 26:29).

Le Livre de l’Exode nous rapporte: « Yahvé dit à Moïse et à Aaron au pays d’Égypte: . . . Parlez à toute la communauté d’Israël et dites-lui : le dix de ce mois, que chacun prenne une tête de petit bétail par maison . . . . La tête de petit bétail sera un mâle sans tare, âgé d’un an. Vous la choisirez parmi les moutons ou les chèvres. . . . .et toute l’assemblée de la communauté d’Israël l’égorgera au crépuscule . . .» (Ex, 12:1-6)

Pour cette dernière fois, il ne suivit pas rigoureusement le rite. Le jour choisi fut Jeudi au lieu de Vendredi ; n’était-il pas celui qui se désignait comme Seigneur du Sabbat ou Seigneur de la Pâque? Au cours du repas, il y eut d’autres innovations incomparablement plus marquantes: « puis, ayant reçu une coupe, il rendit grâces et dit: « prenez ceci et partagez entre vous: car, je vous le dis, je ne boirai plus désormais du produit de la vigne jusqu’à ce que le Royaume de Dieu soit venu ». Puis, prenant du pain il rendit grâces, le rompit et le leur donna, en disant « Ceci est mon corps, donné pour vous; faites celà en mémoire de moi ».» (Lc, 22:17-19).

Voici près de deux mille ans que les hommes prient, cherchent et se battent sur la signification de ces paroles. Elles sont la marque d’une communauté plus sainte et plus profonde que toute autre, mais ouvrent aussi la voie aux schismes les plus graves . . . Il n’y a cependant qu’une réponse: ces paroles signifient ce qu’elles sont. Toute tentative d’interprétation « spirituelle » n’est que désobéissance et amène le doute. Ce n’est pas à nous de décider de ce qu’elles devraient signifier pour exprimer un « pur Crjistianisme », mais à les recevoir respectueusement telles quelles et en apprendre ce qu’est un pur esprit chrétien. Parlant et agissant ainsi, Jésus en savait la divine importance. Il espérait être compris, et s’exprimait en conséquence. Les disciples n’étaient certes pas des symbolistes, ni des conceptualistes des dix-neuvième ou vingtième siècles, mais de simples pêcheurs plus portés à prendre les paroles de Jésus au pied de la lettre que dans une sorte de spiritualité.

Alors, qu’est-ce que l’Eucharistie ? Le Christ qui s’offre, l’éternelle réalité de la souffrance et de la mort du Seigneur perpétuée sous une forme d’où nous pouvons tirer la substance de notre vie spirituelle tout comme nous tirons de la nourriture et de la boisson la force pour l’organisme. . . Toute tentative de « spiritualisation » ou de « purification » serait destructrice. C’est être bien présomptueux et incrédule que tenter de tracer des limites. Dieu exprime Sa volonté, c’est Sa volonté. Lui seul établit la forme et l’immensité de Son amour.

Alors ils remontèrent le vallon jusqu’à Gethsémani. Jésus y était venu souvent avec ses disciples, s’asseyant pour enseigner. . . . Ils n’étaient que trois à l’accompagner, ceux qui récemment avaient été avec Lui sur la montagne de la Transfiguration, Pierre, Jacques et Jean. Une immense tristesse envahit le Seigneur — une tristesse à mourir, nous dit l’Écriture Sainte. . .

Seul, il s’éloigne, tombe face contre terre et prie. Il n’est pas question de psychologie. Guidée par le respect et réchauffée par la générosité, la psychologie est excellente pour aider les humains à se comprendre mutuellement . . .

La psychologie pourrait tenter d’expliquer ce qui se passe à Gethsémani: le rejet par les dirigeants comme par le peuple, le pèlerinage à Jérusalem avec ses fortes émotions, l’entrée dans la cité, la terrible attente des jours précédents, la trahison, la dernière Cène — et résultant de cette longue tension, l’effondrement. . . . Mais à propos de Jésus une telle explication ne tient pas debout. Si on insiste, le Jeudi Saint est dépouillé de son importance et de son pouvoir salvateur qu’on ne peut découvrir que par la contrition et l’adoration. On ne peut avancer en ce sens qu’avec la foi guidée par la révélation . . .

Que nous dit la foi? Avant tout, qui est cet homme agenouillé — le Fils de Dieu, dans la plus simple acception du mot. C’est bien pour cette raison qu’il voit l’existence dans sa plus intense réalité . . .

Nul comme Jésus n’a jamais bien vu ce qu’est l’existence . . . À ce moment, son cœur humain dégageant le monde de ses brumes trompeuses, il le voyait comme seul Dieu peut le voir — dans sa hideuse nudité. La vérité apparaissait alors dans l’amour. Et nous pouvons distinguer et rejeter les tromperies. Car c’est ce que signifie le salut: voir le monde comme le Christ l’a vu et, comme Lui, éprouver le rejet du péché.

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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/the-mysterium-fidei-and-gethsemane.html

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TABLEAU :

L’agonie au Jardin des Oliviers – El Greco, vers 1610.