Les coups de Trafalgar sont des coups tordus : je m’attendais à ce qu’il y en ait au moins un venant de notre gouvernement, c’est fait. L’interdiction par la Préfecture de Paris à la « Manif pour tous » d’emprunter les Champs Élysées le 24 mars prochain est une claire indication de l’affolement régnant à Matignon à la seule pensée que puisse avoir lieu un tel mouvement de désapprobation sur l’avenue la plus célèbre au monde : le préfet de police est naturellement aux ordres de l’État et c’est donc tout aussi naturellement qu’il convient de désigner le donneur d’ordre, qui vient une dizaine de jours seulement avant que la manifestation ait lieu. Quel aplomb ! Quelle honte ! Quel mépris !
Denis Lensel a écrit un de ses beaux « Billet pour un avenir incertain » à ce sujet : « Au moment même où les organisateurs de la « Manif pour tous » – mouvement populaire de protestation contre le projet de loi de destruction du mariage par dénaturation – s’apprêtaient à diffuser leur annonce du rassemblement national du dimanche 24 mars, soudain, dix jours avant…, la Préfecture de Police déclare interdire l’endroit prévu, l’avenue des Champs-Elysées à Paris. »
L’intention est évidente : contrarier le mouvement, démobiliser les manifestants potentiels, rendre confus l’ensemble des dispositions logistiques, donner du grain à moudre aux médias hostiles… Quand sera connu le nouvel itinéraire ? Le lieu de rassemblement final ? Le Préfet donne un coup de chapeau à la liberté d’expression, en vérité bafouée cyniquement étant donné les énormes difficultés que va provoquer cette décision. Il invoque « des raisons impérieuses d’ordre public », rideau de fumée tant on se souvient que le million de marcheurs rassemblés le 13 janvier dernier n’a causé aucun souci au service d’ordre déployé par la police ; toute cette immense manifestation s’est déroulée dans le calme et la sérénité, la bonne humeur et le respect de l’ordre.
La question se pose : ce sera en quel lieu capable de recevoir bien plus qu’un petit million de marcheurs ? L’interdiction aurait au moins dû être accompagnée d’une proposition honnête : comme rien n’est venu, je suggère les quais de la Seine, avec peut-être un cordon de gendarmes tout du long pour empêcher les baignades inopportunes ; ou le périphérique intérieur… ce qui faciliterait le comptage et permettrait de recevoir quatre ou même cinq millions de manifestants…
Comment ne pas être stupéfait par l’attitude des pouvoirs publics ? Après leur déni de comptage en janvier, ce fut le déni du droit de questionnement auprès du CÉSE, dont le président se servit du mensonge préparé par Matignon pour déclarer non-recevables les 700.000 pétitions préparées pourtant dans le plus grand respect des dispositions légales : aujourd’hui nous est donnée la troisième preuve du mépris que nous réservent nos gouvernants ! « Et maintenant, comme [s’ils avaient] peur de la foule, [ils veulent] interdire un lieu idéal de ralliement. À trop s’acharner à entraver le sursaut national de défense du vrai mariage, ce régime risque… un divorce avec le peuple ! »
Mais qu’ils ne comptent pas sur notre détermination à nous faire entendre comme à faire comprendre à quel point leur entreprise de démolition est indiciblement une course à l’abîme : l’aveu suprême d’un désarroi ontologique sans remède autre que le renoncement ; une vision suicidaire de la société qu’ils entendent « réformer » alors qu’ils la torpillent, ne cessant pas de détruire les repères permanents, définis et justes sans lesquels les citoyens ne peuvent qu’errer dans un brouillard de fausses valeurs, toutes contradictoires par rapport à celles soutenues depuis des siècles et qui faisaient la force de notre peuple.
Nous garderons en notre mémoire ce mépris et cette folie afin de nous en souvenir aux moments opportuns. Il n’en reste pas moins que cela sent le grenouillage, l’amateurisme, le dévergondage conceptuel, la prétention aveugle… Je ne saurais m’en réjouir.
Pour aller plus loin :
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