Le 25 février 2013
Monsieur Jean-Paul Delevoye
Président du CESE
Conseil économique social et environnement
9, place d’Iéna
75016 Paris
Monsieur,
J’ai suivi ce que l’on commence à nommer « l’affaire du CESE », notamment à la télévision, lorsque vous avez énoncé que la pétition était irrégulière puisque demandant que l’institution que vous présidez désavoue le gouvernement : si cela était vrai, c’est alors que les représentants des manifestants du 13 janvier sont ignorants, ou stupides. Ils ne sont évidemment ni l’un ni l’autre.
Mais il ne s’agit pas de cela. Comment est-il possible d’affirmer que les pétitionnaires demandaient « … que le Cese se prononce pour ou contre la loi » alors que ce n’est absolument pas exact : je le sais, puisque j’ai signé cette pétition. Vous dîtes que « c’est donc irrecevable sur le fond » alors que ce fond n’est pas celui de la pétition.
Je suis écrivain et journaliste, évidemment pas de la mouvance de l’actuel gouvernement : mais il me paraît invraisemblable que le CESE puisse fonder son éventuel refus sur cet argument que vous avez énoncé puisqu’il est faux : il permettrait, sans nul doute, à l’exécutif de la Manif pour tous de porter légitimement plainte contre le CESE pour abus de pouvoir, pour mensonge et tromperie, ce que vous ne pouvez absolument pas accepter. Le scandale finirait par éclater et par éclabousser gravement les membres du CESE et donc vous-même. D’ailleurs je crois que la machine est en route…
Ce qui est demandé par ce nombre immense de pétitionnaires ce n’est rien d’autre que l’avis du CESE, que ce que « pense » le CESE sur le sujet de la loi et non de censurer le Pouvoir ! Non un avis fondé sur un faux semblant ! Sur une méconnaissance de ce qui a été très légitimement désiré.
La déclaration d’irrecevabilité, si elle était réellement prononcée, déshonorerait votre institution et la rendrait ridicule. Je ne puis penser un seul instant que vous puissiez vouloir la « réaction » qui s’ensuivrait obligatoirement et nécessairement : le déferlement de protestations indignées émanant de cette foule de citoyens abusés qui n’ont pourtant pas hésité un seul instant à signer un texte court, précis et qui n’a rien à voir avec ce que vous avez dit.
Connaissant votre carrière, je suis obligé de réfléchir encore quelques instants : que c’est-il passé entre les heures où furent « livrés » les cartons emplis de « nos »papiers signés et le moment où vous avez pris la parole sur un plateau d’une chaîne nationale ? Peut-on soupçonner, venu de « haut », comme un « conseil » sous forme d’un « ordre » pressant, une injonction de faire taire ces citoyens sans vergogne, qui osent demander à votre institution, voulue par l’État, de discuter sur les qualités ou les défauts ou les faiblesses d’une loi qu’il veut avec force, avec une détermination absolue, imposer aux Français ? Ordre qu’il ne serait possible de considérer que comme irrégulier, pour le moins. Et pour le plus, scandaleux. Le mot est juste et à méditer.
Que cette opposition des manifestants du 13 janvier et bientôt du 24 mars dérange le Pouvoir, rien de plus évident : mais rien n’était, pour ces manifestants, plus nécessaire que ce « dérangement ». Ils désiraient votre avis, rien de plus, non leur mise à l’écart au moyen d’une improvisation à caractère de boomerang.
J’en ai fini. Veuillez donc et s’il vous plaît excuser la longueur de ma lettre, d’abord mise sur votre messagerie virtuelle, seul moyen d’être assuré qu’elle vous parviendra. Le reste est dû à ceux qui furent comme moi des marcheurs orientés vers le Champ de Mars.
En vous présentant mes respects, Monsieur le Président, et en vous exprimant mon espoir de voir votre présidence non entachée de cette faute que serait la présentation d’un « argument irrecevable » parce que faux pour empêcher une juste pétition d’être rejetée pour « irrecevabilité »,
Dominique Daguet
Bien entendu, ma prose n’aura aucun effet, sauf si des centaines de milliers de personnes se mettaient à rédiger elles-aussi leur lettre d’indignation ou de questionnement : pas trop longue bien sûr !