Parfois l’on est stupéfait des articles que peuvent écrire des personnalités renommées, assises sur des sièges de pouvoir opulent tels que le sont les « chaînes » de télévision et de radio d’État, les quotidiens et les hebdomadaires de grande diffusion… La dernière qui ait sévi, Franz-Olivier Giesbert, sur le siège du Point, ose écrire, manifestant sa profonde ignorance de qui est le Pape : « Benoît XVI aura au moins réussi sa sortie. En démissionnant, ce pape conservateur a paradoxalement révolutionné l’Église et fait sauter le tabou de l’infaillibilité pontificale. Respect. »
Je ne lui reproche pas son ignorance ni ne le juge, mais je m’étonne qu’il puisse s’exprimer aussi doctoralement sur un sujet qui lui échappe ! Il est vrai que le métier qu’il exerce n’est pas commode à vivre quand il faut coûte que coûte sortir comme à la chaîne les « papiers » qu’attendent de lire les abonnés…
Qui donc ici est « conservateur » ? Et quel sens a ce mot sous sa plume ? Il ferait bien de dégorger au plus vite – et dans le plus prochain ruisseau – le fatras de lieux communs et de vieux mensonges qui ont été colportés, par lui et bien d’autres, sur Benoît XVI… L’anticatholicisme de la plupart des « clients » du Point , pour la plupart des « bobos » imbus de snobisme, ne peut qu’orienter les inspirations, plutôt que la vérité. Oui, c’est également un lieu commun…
Combien de journalistes se sont crus supérieurs au vieux théologien élevé sur le siège qui fut celui de Pierre ? Et l’ont jugé avec une condescendance et un mépris aussi lourds que la meule de pierre qu’ils auraient dû recevoir en cadeau pour en entourer eux-mêmes leur cou et monter vingt fois, ainsi décorés, les marches qui font s’élever les pèlerins de Pigalle jusqu’au haut du Sacré-Cœur.
Franz-Olivier Giesberg en était, de ces bonshommes qui devraient plutôt aller gueuletonner que de commenter, disséquer, vider de toute signification ce qu’ils ne comprennent pas. On les a vus à Ratisbonne, à Berlin ou à Ouagadougou jeter leur venin alors qu’ils étaient complètement à côté du sujet… Pauvres gens ! Ils ont beau s’être donné pour mission capitale de « former l’opinion publique », nous ne sommes ni tout à fait idiots ni tout à fait incultes au point de ne savoir pas lire.
Dans le Point donc, écrivant de sa plume de théologien novice, le voici qui donne sa leçon : pour lui, si le Pape « réussit sa sortie » c’est donc qu’il avait raté son entrée, confondant sans doute le rôle du Pape avec celui d’une cocotte de cabaret, encore que je ne suis pas éloigné de penser que les cocottes de cabaret ne témoignent pas d’autant de mépris ou d’incompréhension à l’égard d’un Pape, quel qu’il soit.
Mais la phrase qui suit est si éloquente que j’en demeure figé de honte pour lui : « … ce pape conservateur a paradoxalement révolutionné l’Église et fait sauter le tabou de l’infaillibilité pontificale. Respect. » (Curieux « respect »…) L’infaillibilité dont il parle serait plutôt la sienne, des plus sujette à caution… Celle du Pape ne concerne pas le cas d’espèce soumis à notre appréciation : elle n’entre en jeu, si je puis dire, que lorsqu’il devient nécessaire ou utile de définir la doctrine chrétienne reçue des apôtres en ce qui concerne la foi et les mœurs. C’est ce qui est précisé dans Lumen Gentium, n° 25 : « Cette infaillibilité, dont le divin Rédempteur a voulu pourvoir son Église pour définir la doctrine concernant la foi et les mœurs, s’étend aussi loin que le dépôt lui-même de la Révélation divine à conserver saintement et à exposer fidèlement. De cette infaillibilité le Pontife romain, chef du Collège des évêques, jouit du fait même de sa charge quand, en tant que pasteur et docteur suprême de tous les fidèles et chargé de confirmer ses frères dans la foi (Cf Luc 23,32) il proclame un point de doctrine touchant la foi et les mœurs ».
La foi et les mœurs ! Par exemple la conception immaculée de la Vierge Marie… Par exemple définir ce qui est bon par rapport à ce qui est mauvais dans l’usage de notre corps, notamment en matière de sexualité : il est probable qu’ici la divergence entre notre foi et le monde d’aujourd’hui, intimement persuadé qu’il est moderne alors qu’il est simplement pervers, préférant les conseils du Tentateur à ceux de Dieu.
L’infaillibilité pontificale a été proclamée le 16 juillet 1870 par les Pères conciliaires réunis à Rome : ce fut donc au cours de Vatican II… Seul Pie XII, en 1950, y eut recours pour proclamer le dogme de l’Assomption de la Vierge Marie, Mère toujours vierge de Jésus, le Christ. On voit que, sur le plan de la foi, les Papes n’ont pas abusé de cette infaillibilité depuis qu’elle a été reconnue. Reste évidemment les mœurs : les gourous médiatiques la veulent pour eux et sans concurrence…
Autrefois, quand M. Giesberg donnait ses papiers au Figaro, je ne dédaignais pas de le lire. Il me semble que les succès de façade, les honneurs et la gloire ont fait leur triste besogne et à ce responsable de presse il lui arrive donc d’écrire n’importe quoi, comme en ce paragraphe cité. Alors une question se pose : comment désormais le lire en le prenant au sérieux ?