Alors que commence le grand débat de l’assemblée nationale sur le mariage homosexuel, on peut se demander si tout n’a pas été dit, si chaque camp n’a pas déjà formulé ce qu’il avait à dire. Ces journées que l’on prévoit intenses ne seront-elles pas simplement l’occasion d’une réaffirmation de ce qu’on a entendu depuis plusieurs mois et qui sera asséné en pure perte, dès lors que les arguments des uns sont incommunicables aux autres, et réciproquement. Eh bien, je ne le crois pas du tout ! Je suis, en effet, persuadé que la grande discussion qui s’est engagée ne l’a pas été en vain, parce qu’elle a fait prendre conscience à des millions de Français et de Françaises de la signification d’une cause dont ils percevaient confusément l’importance sans l’avoir vraiment explicitée et approfondie.
Je pourrais donner mon propre exemple, afin de me mieux faire comprendre. Ma vie intellectuelle a été intensément marquée par les interrogations mises en valeur par la révolution culturelle de mai 1968. Toutes les discussions d’aujourd’hui étaient en formation ou en premier état de marche autour de la thématique d’un Marcuse expliquant que la véritable question de civilisation n’était pas celle des structures économiques, mais celle de la fonction d’éros au cœur de toutes les structures sociales. À l’époque, ceux qu’on appelait les « désirants », les philosophes d’un désir révolutionnaire, expliquaient qu’il fallait de toute urgence dynamiter la structure familiale parce qu’elle était le dispositif même de l’aliénation la plus fondamentale. Cette thématique me passionnait d’autant plus que, grâce à mon ami Maurice Clavel, j’avais ressenti la dimension spirituelle de cette remise en cause, en pariant qu’elle nous obligerait à méditer plus frontalement les réponses que nous inspirait le message chrétien.
Lorsque les choses prirent un nouveau cours, après la tragédie du SIDA et avec l’obsession de la condition homosexuelle, je fus de nouveau provoqué à réfléchir à l’éclairage tout particulier que ce même message avait donné à l’engagement du mariage. Ce fut l’occasion de nombreuses lectures pour comprendre tout le développement qui nous avait amenés à la dissociation contemporaine du mariage. Je devais en faire un livre qui n’a pas mis fin à mes propres recherches. Mes chers amis, je suis absolument sûr qu’il y a une formidable grâce à saisir dans le débat actuel. Celle qui nous mettra à même de mieux pénétrer le mystère de notre condition homme/femme. C’est là un combat qui ne sera jamais perdu. Haut les cœurs !