« Inspiration » et école libre - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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« Inspiration » et école libre

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Combien l’époque est troublante et troublée ! Me voilà transformé en « croisé » alors que dans quelques mois j’atteindrai les trois-quarts de siècle ! Mais cela ne me perturbe en rien : il me semble être plus jeune que jamais. D’esprit non de corps…

Je reviens à la notion d’« inspiré » dont parle saint Jean : car une nouvelle source d’indignation a percé ma calotte crânienne depuis que le Ministre de la prétendue Éducation nationale a envoyé un courrier à ses recteurs d’académie, leur ordonnant « la plus grande vigilance » envers tous les établissements scolaires, notamment en ce qui concerne les établissements privés sous-contrat, accusés du pire des péchés, l’homophobie : en effet, le ministre considère qu’« en adressant une lettre aux chefs d’établissement, le secrétaire de l’enseignement catholique a commis une faute » ayant quant à lui précisé qu’il ne lui semblait pas convenable « d’importer dans l’école le débat sur le mariage pour tous » ! Mais ne s’agit-il pas d’un projet de loi d’une grande importance dont les conséquences concernent toutes les parents ? Or, le meilleur moyen, ce me semble, de les joindre passe par le canal de leurs enfants. Je n’oublie pas que l’enseignement catholique sous contrat rassemble quelques deux millions d’élèves, des maternelles aux… terminales et même « prépas »…

Cela à quelques jours de la grande manifestation du 13 janvier : sans aucun doute afin d’essayer d’influencer les parents catholiques qu’il estime si clairement atteint de ce fameux virus de la détestation de son prochain.

Mais le Ministre, qui refuse à l’enseignement catholique d’initier avec les parents et les jeunes le débat qui s’’est pourtant déjà imposé sur la grande question du jour, commet quant à lui une faute des plus graves pour laquelle je n’hésite pas un seul instant à user de la notion de péché : car dans sa foulée il ajoute, et c’est fabuleux : « Je ne veux pas raviver la guerre scolaire1 et je suis très respectueux du caractère propre de l’enseignement catholique2. Mais, en retour, cet enseignement, qui est sous contrat3 avec l’État, doit respecter le principe de neutralité et de liberté de conscience de chacun. Il est du devoir de l’Etat d’être garant du respect de ces principes. N’oublions jamais que nous avons affaire à des adolescents et que les tentatives de suicide sont cinq fois plus fréquentes chez les jeunes qui se découvrent homosexuels4 que chez les autres. »

Je crois n’avoir jamais tenu en mains un tel chef-d’œuvre d’hypocrisie. Que signifie par exemple le mot « neutralité ? Est-ce que les catholiques – qui sont dans l’Histoire les créateurs résolus de l’enseignement en France comme en bien d’autres nations – auraient consenti un tel effort pour seulement enseigner la « neutralité » ? Que signifie ce mot d’ailleurs ? « Je m’abstiens… je ne m’engage pas… je ne conclue pas… je reste en arrière… je laisse les autres décider de tout… » Ainsi Balzac écrit : « … David gardait la plus nuisible des neutralités en matière politique et religieuse… » (Illusions perdues).

Entre amis d’opinions différentes, il est possible de rester discrets sur ces différences et de chercher plutôt ce qui unit et dope l’amitié : en matière d’éducation, la neutralité n’existe pas. Vouloir interdire aux cathos d’intervenir, à quelque niveau que ce soit, dans le débat du mariage pour tous, même en prenant la voix de Rabinagrobis (« Approchez, approchez, je suis sourd, les ans en sont la cause… », La Fontaine), ce n’est pas s’abstenir, laisser libre du choix, c’est leur imposer une attitude de soumis (gros sous à la clef), c’est vouloir empêcher que se produise ce que l’on ne désire pas, fut-ce en piétinant la liberté. Fut-ce sous de fallacieux prétextes. Les catholiques n’appartiennent pas à la race des lâches, Messieurs du Ministère de l’Inéducation.

J’en viens à une décision de Monsieur Peillon qui ne peut que soulever l’étonnement le plus profond : faire que la pratique sexuelle entre « semblables » soit expliquée aux enfants et « bonifiée » : je ne dis pas aux adolescents, compris naturellement dans le lot, non, il s’agit d’envoyer des « missi-dominici » jusque dans les classes primaires. Encore heureux que les maternelles soient exclues ! La dame porte-parole du gouvernement s’est précipitée afin de porter aussitôt la bonne parole homosexuelle dans ces collèges et ces écoles. L’hypocrisie d’un côté, le culot et l’indignité de l’autre.

Le cardinal Vingt-Trois a dû ressentir comme un haut-le-cœur en lisant ces propos du « message » de Monsieur le Ministre Peillon, et c’est pourquoi il a usé d’une expression très forte : « police de la pensée ». Merci, Éminence, d’autant plus qu’elle ne m’était pas venue à l’esprit.

Volonté d’idéologiser la société, de l’unifier sous la houlette de ces obsédés. Volonté d’endoctriner même l’Église, de l’obliger à céder, d’abandonner sa mission ! L’impensable se produit aujourd’hui. « Quiconque scandalisera l’un de ces enfants, il serait préférable pour lui qu’une de ces meules de pierre soit attachée à son cou avant d’être jeté à la mer ! » : c’est le plus doux et le plus humble des hommes qui osa cette expression si violente, tellement l’épouvantaient la seule idée, le seul soupçon que l’on puisse faire entrer dans l’enfer du sexe l’un de ces tout petits que Dieu confie à la garde des parents. Il dit : « Cela vaudrait mieux », ce qui signifie seulement que la chose en elle-même est absolument répréhensible, insupportable et à condamner résolument.

Jamais les chrétiens ne baisseront la garde, soyez en certains, Monsieur Peillon. Jamais, fût-ce pendant des siècles. Jamais ils n’accepteront que l’on cherche à persuader leurs enfants, petits et arrières-petits enfants, arrières doté de l’exposant que l’on voudra, sept, neuf ou même douze zéros, que leur être dépend de la satanique théorie dite du gendeure, de la bonté ou même, horrifique expression, de la « beauté » de la sexualité entre semblables, rien de moins que la pédérastie !

On pourra faire ce que l’on voudra, jamais ils n’accepteront qu’on les accuse de cette étrangeté nommée homophobie – vient d’être sur l’Araignée inventée le vocable d’homopholie – car ils aiment d’un amour salvifique les être atteints de cette faiblesse consternante de la chair comme d’ailleurs ils aiment tous ceux qui se dressent contre eux en priant pour eux et en restant vigilants au respect dû aux personnes : en effet, le jeune ou le vieil homme atteint d’une telle tourmentante obsession, de telles pulsions réputées peut-être trop aisément comme irrésistibles, ne se résume pas à elles. Sa dignité est d’une autre nature, transcendante à ces misères.

Des voix se sont élevées, peu favorables au gouvernement (très peu en somme alignées sur les positions de Messieurs Hollande et Peillons) : j’ai déjà citée celle du Cardinal de Paris, je n’oublie pas celle du Cardinal archevêque Primat des Gaules – « N’ajoutons pas des souffrances dans la société à celles déjà existantes. D’immenses souffrances nous attendent si ce projet passe ! » – ni celles d’un très grand nombre de nos évêques ! L’Église de France se lève à la grande joie de la forte majorité des catholiques de ce pays jusqu’ici si hésitant. Mais j’entends également d’autres voix, qui ne viennent pas de l’Église mais, par exemple, celle du Grand Rabbin de France Gilles Bernheim. Interrogé par La Croix, il a répondu notamment : « Dans le domaine public, les deux termes qui dominent le discours contemporain sont l’autonomie et les droits, qui s’accordent avec l’esprit du marché en privilégiant le choix et en écartant l’hypothèse selon laquelle il existerait des fondements objectifs permettant d’effectuer un choix plutôt qu’un autre. Il nous est ainsi devenu très difficile de réfléchir collectivement à ce que devront être nos orientations, les plus décisives pourtant qui se soient jamais présentées à l’humanité, qu’elles concernent l’environnement, la politique, l’économie, l’idée même de famille ou de mariage, la vie et la mort. […]

» Un comportement, auparavant marginalisé, ne veut plus être toléré mais légitimé, ce qui est bien différent. D’où de nouveaux manuels scolaires qui n’incitent pas seulement l’enfant à respecter les homosexuels comme personnes, mais aussi à reconnaître le bien-fondé de leur comportement. L’exigence de légitimation générale semble traduire a fortiori une permissivité générale, donc le retrait de tout jugement. Dès lors, la supposée légitimation n’en est plus une, sur fond d’indifférence des options ; c’est, plutôt, toute l’ancienne légitimité du mariage en tant qu’institution reconnue par la société comme bon » qui disparaît.

Divers syndicats d’enseignants se sont manifestés : ainsi la FEP-CFDT, dont l’avis nous égratigne en laissant penser que nous ne serions qu’une secte : oublions ! Ce syndicat donc estime que le courrier du Ministre ne crée pas les conditions du débat, mais « risque plus de servir de caution à certaines opérations partisanes et sectaires qu’à ouvrir des débats éclairés5 ». Le SUNDEP6 va encore plus loin et peut-être plus consternant quand il craint, parlant de « pression religieuse » que « ce type d’initiative ne soit porteur d’exclusion des personnels et des enfants qui ne rentrent pas dans la représentation de la ‘’normalité’’ définie par l’Église catholique » : précisons que cette Église a la charge de cette définition en ce qui concerne les écoles dont elle est tutrice, non l’État… En revanche, pour Luc Viehé, du SPELC7, autre syndicat d’enseignants, cette lettre était nécessaire pour répondre à des « demandes de parents d’élèves ». Toutefois il oublie de préciser le nombre de ces parents…

Ce que l’on attendait s’est produit samedi dernier : François Hollande, président normal avait-il dit de tous les Français, a apporté son soutien au ministre de l’Éducation dite nationale. Il a donc, lui aussi, appelé les recteurs à « la plus grande vigilance » concernant le débat sur le mariage homosexuel dans les établissements catholiques, afin qu’il n’alimente pas l’homophobie. « Nous devons faire en sorte que toutes les sensibilités soient respectées, que toutes les religions puissent être pratiquées mais en même temps il y une règle qui s’appelle la vie commune et il y a un principe qui s’appelle la neutralité de l’État et notamment dans les établissements d’enseignement sous contrat comme dans les établissements du service public ». « La laïcité – refrain connu – est un principe de la République » et les catholiques savent que si, en elle-même, cette laïcité, comprise selon la justice, est une excellente pratique, ils savent également qu’elle a muté en idéologie sectaire – ; « chacun doit y veiller ». Et de conclure : « La laïcité c’est le respect des consciences ». Merci, Monsieur le Président, pour la leçon, assez comique au demeurant : mais il conviendrait que vous donnassiez l’exemple !

Par bonheur, un des sénateurs de la Vendée, Bruno Retailleau, a apporté un important élément d’appréciation dans ce débat que nous n’avons pas à attendre puisqu’il est engagé depuis des semaines : je cite volontiers son communiqué, cela m’évitera de gamberger plus longtemps : « En demandant aux recteurs de contrôler le débat sur le mariage pour tous dans les établissements privés, Vincent Peillon vient de placer l’enseignement catholique sous liberté surveillée. C’est une double faute. Une faute à l’égard des professeurs, auxquels il dénie le droit de penser par eux-mêmes. Et une faute à l’égard des familles, auxquelles il refuse le droit d’une école conforme à leurs convictions. Il jette ainsi la suspicion sur des centaines de milliers de Français, accusés de déviances homophobes sous prétexte qu’ils ne partagent pas sa conception de la famille. Vincent Peillon dévoile ainsi la véritable nature de la morale laïque qu’il veut imposer dans les écoles : une pensée officielle, relayée par les ministres eux-mêmes puisque la porte-parole du gouvernement fait régulièrement la promotion du mariage pour tous dans les classes d’enfants. Vincent Peillon est-il le ministre de l’Éducation nationale ou le ministre de la rééducation d’État ? Quoi qu’il en soit, Vincent Peillon vient de réussir un exploit. Il parvient en effet à coaliser les défenseurs de la liberté de l’enseignement et les Français attachés au mariage entre un homme et une femme. Vincent Peillon additionne 1984 et 2013, et le résultat apparaitra lors de la grande manifestation du 13 janvier prochain. »

Tous debout donc le 13 afin que les intérêts éducationnels de millions de familles ne soient pas annulés par une loi qui n’a en tête que ceux d’une infime minorité.

Une famille ne se fonde pas sur le mensonge : pas plus une civilisation.

  1. Il se souvient de l’événement cuisant que fut l’épisode de 1984 quand deux millions de Français se levèrent pour crier à pleines voix, dans la capitale où trônait Monsieur Mitterrand : « C’en est assez ! ».
  2. Ce qui signifie très clairement : je vais ici marquer les limites de ce caractère propre… Je le respecte, dit-il, mais je vais l’atténuer ou le combattre…
  3. Ce contrat n’a jamais signifié que les catholiques devaient abandonner leurs convictions. Je sais que trop souvent, du fait même de ce contrat et de l’arme qu’il est devenu dans les mains expertes des responsables de l’État, trop de directeurs des écoles demeurées sous la tutelle première de l’Église ont abusivement gommé bien des spécificités de ce caractère, prétendant que, puisque ces écoles recevaient nombre de non-chrétiens il convenait de ne plus rendre obligatoire l’enseignement de la foi chrétienne, inversant ainsi la charge : c’était aux non-chrétiens de s’adapter à ce caractère, non aux écoles chrétiennes de cesser de l’être. On voit ici la marque de l’anti-Christ, puisque c’est sous une constante pression des rectorats comme des ministres « inspirés » que ces abdications ont eu lieu. Aujourd’hui, il faut absolument reprendre la main, quitte à ce qu’il y ait une certaine évasion d’élèves. L’Église a voulu cette école libérée de la pesanteur des pressions politiques pour que les enfants ne soient pas éloignés du témoignage chrétien réclamé par leurs familles, pas pour servir d’auxiliaire de l’État… : de piétaille aux ordres ! De plus, il faut continuer de réclamer fortement pour nos écoles la justice fiscale, encore très pénalisante pour les familles.
  4. Suggèrerait-on ici que l’enseignement catholique serait responsable de par ses enseignements de ces suicides ? S’il en était ainsi, il faudrait exiger du Ministère qu’il désavoue son ministre. Car s’il y a de nombreux suicides en effet chez ces jeunes-là, il faut savoir que de tels suicides sont plutôt moins nombreux chez les jeunes issus de cet enseignement. D’autre part, accepter ce qui se constate par exemple du côté de la rue Molière ressemble à un suicide moral, un oubli de ce qui constitue une part de la dignité de l’être, c’est-à-dire résister.
  5. J’aimerais que l’on m’expliquât ce que l’on entend par débat : tellement nécessaire nous dit-on mais qui est refusé par ceux-là seuls qui puissent le décider. De plus, ce débat a eu lieu, nourri d’un nombre immense de communications sur l’Araignée, d’articles dans les gros, gras et maigres médias imprimés, et continue à se nourrir de ce flot qui n’est semble-t-il pas prêt à s’arrêter…
  6. SUNDEP : syndicat unitaire national démocratique des personnels de l’enseignement et de la formation privés
  7. SPELC : syndicat professionnel de l’enseignement libre catholique regroupe des enseignants, des salariés des établissements, des chefs d’établissement