Hier, pour le passage à la nouvelle année, j’indiquais en somme qu’il était très difficile de se dire optimiste. Le progressisme historique, s’il est encore invoqué parfois, n’offre plus cette charge idéologique qui lui conférait une sorte d’invincibilité. C’est vrai qu’il y en a qui ne marchaient pas du tout dans ce système. Bernanos, le premier, qui décrétait tout bonnement qu’un optimiste était un imbécile joyeux et que que ceux qui se voulaient aux avant-garde du temps en étaient la triste arrière-garde. Nous n’en sommes vraiment plus là. Il suffit d’ouvrir le journal pour s’en persuader. La gauche broie du noir titrait récemment Le Figaro, pour signifier le pessimisme de l’équipe au pouvoir face à une situation économique vraiment mauvaise et la conjoncture très difficile de la nouvelle année.
Il faut penser que les choses ne sont pas prêtes de s’améliorer parce que la crise mondiale est très loin d’avoir produit tous ses effets, et surtout parce que le levier du politique semble avoir perdu son efficacité d’antan. Une philosophe politique, Myriam Revault d’Allonnes vient de publier un ouvrage au titre significatif : La crise sans fin (Seuil). « L’homme habite aujourd’hui un monde incertain qui a vu s’évanouir tour à tour l’idée des temps nouveaux, la croyance au progrès et l’esprit de conquête. » Dans ces conditions, la crise serait devenue notre situation permanente, concernant aussi bien la finance que l’éducation, la culture que le couple ou l’environnement. Du coup, c’est le mot même de crise qui se trouve bousculé. Pour les Grecs, la crise est aussi le moment du jugement, celui où à partir d’une situation qui se défait, se laisse préjuger une solution, une porte de sortie.
Si la solution miracle n’est plus là, il faut renoncer aux utopies totalisantes d’hier. Peut-être les vertus surnaturelles chrétiennes redeviennent-elles alors d’actualité. Lorsque les idéologies perdent leur prestige et leur efficacité, foi, espérance et charité sont là pour indiquer une autre direction, où l’on peut espérer contre toute espérance. C’est Mounier qui écrivait, à un moment où on croyait encore aux idéologies : « Il y a une seule histoire, celle de l’humanité en marche vers le Royaume de Dieu. Histoire sainte par excellence. »