Joseph, père modèle - France Catholique
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La justice de Dieu
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Joseph, père modèle

Note du rédacteur en chef : La période de Noël nous fait souvenir d'un groupe de personnages qui environnent le Sauveur. Hier, c'était le premier martyr, Etienne, un indice de la rapidité avec laquelle le Christianisme a dû faire face à une violente opposition. Dans l'article de ce jour, le professeur Smith évoque un autre grand homme, souvent négligé - dont la grandeur, dans un sens, découle de son empressement à agir selon la volonté de Dieu et d'être satsfait de rester dans l'ombre. C'est une leçon pour nous, et pas seulement pour le temps de Noël. Robert Royal
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Un personnage dont nous entendons beaucoup parler en ce moment est Joseph, l’époux de Marie. Mes étudiants sont tour à tour impressionnés, étonnés, troublés par cet homme singulier : impressionnés qu’il refuse de répudier Marie et de l’exposer ainsi à la honte, étonnés qu’il puisse vivre avec une femme comme épouse sans pour autant avoir de relations sexuelles avec elle (et même, pour certains d’entre eux, cela semble plus difficile à croire que la conception virginale elle-même) ; et troublés en ce qui concerne la façon dont Joseph peut être considéré comme le « père » de Jésus.

Théologiquement, la question n’est pas sans importance. De fait, parce que Jésus est appelé « fils de David », et que selon les généalogies de Matthieu comme de Luc, c’est par Joseph que la généalogie de Jésus remonte à David. « Comment cela peut-il être ? » se demandent mes étudiants, alors qu’il n’est pas le vrai père de Jésus. Je leur rétorque alors : « donnez-moi la définition d’un vrai père ». Et à partir de là, la conversation commence à devenir vraiment intéressante.

La première chose à comprendre à propos de la paternité de Joseph est que, contrairement aux autres cas où un homme qui n’a pas eu de relation sexuelle avec sa fiancée la retrouve enceinte, dans le cas de Joseph, il n’y a pas un autre père « biologique » qui s’interpose dans la relation entre lui et son fils, aucun humain ayant un lien de filiation avec Jésus que lui, Joseph, n’aurait pas. Dieu mis à part, il n’y a pas « d’autre homme ».

Mais bien sûr, nous devons prendre Dieu en considération, n’est-ce pas ? Qui donne réellement la vie ? Comme le dit Saint Augustin dans les Confessions (paraphrasant 1 Cor 3:6) : nous semons, mais c’est Dieu qui donne la croissance. Nous faisons notre part. Mais soyons clairs : le miracle de la vie ne se produit pas sans l’intervention de Dieu. Nous sommes simplement « co-créateurs » avec Lui, et pas simplement au moment de la conception, mais également à tout moment par la suite.

L’histoire de Joseph nous rappelle que la paternité humaine est en réalité seulement une « participation » à la paternité de Dieu. Nous ne créons pas la nouvelle vie. Nous sommes seulement les intendants – les gardiens, pour ainsi dire – du don céleste qui est fondamentalement d’abord et avant tout l’enfant de Dieu. Nous sommes responsables devant Dieu des soins à apporter à cette vie précieuse, mais l’enfant qui nous est donné est finalement destiné à servir la volonté de Dieu et non la nôtre.

Et c’est de cette manière tout spécialement que Joseph est le modèle du père. Il comprend, comme nous le devrions nous-mêmes, que son rôle n’est pas de créer un fils et de le modeler à sa propre image. Non, ce fils (comme tout fils) était le don de Dieu et le fils de Dieu, et la tâche de Joseph était de prendre soin du fils de Dieu de manière désintéressée, jusqu’au moment où l’enfant jouerait le rôle que Dieu voulait pour lui.

Pensez à la sérénité avec laquelle Joseph entend son fils dire : « Ne savez-vous pas que je dois être aux affaires de mon Père ? » Et cela dans une culture où l’on attendait qu’un fils reprenne avec fierté et piété filiale la profession de son père.

Marie fut forcée de supporter la même croix plus tard, quand elle chercha à voir son fils et reçut cette réponse : « qui est ma mère, qui sont mes frères ? ceux qui font la volonté de mon Père du ciel. »

En cette période, on nous raconte souvent de pieuses histoires sur la Sainte Famille qui sonnent comme des histoires mormones. Joseph est dépeint comme le père parfait, n’élevant jamais la voix, ne ressentant jamais le moindre soupçon de frustration vis-à-vis de son fils, travailleur, propre, industrieux, se privant et épargnant pour l’éducation de son fils. Le père idéal d’une famille de banlieue idéale des années 50.

Ces choses sont peut-être vraies. Nous n’en savons rien. Les Ecritures ne nous en disent rien. Mon inquiétude à propos de telles histoires est qu’elles peuvent projeter sur la Sainte Famille nos idées de ce que doit être une famille parfaite et la transformer en une idole trompeuse. Toutes les familles doivent-elles ressembler à ces descriptions de la Sainte Famille ? Ce n’est pas si évident pour moi.

Les saints sont rarement aussi tranquilles et effacés que les dépeignent les hagiographies hollywoodiennes. La plupart des saints ont présenté toute la gamme des émotions et des traits de caractère intéressants. Aucun d’eux n’était de pur et blanc albâtre ni n’avait l’allure soignée des gravures de la Bible Standard Révisée des années 50 avec laquelle j’ai grandi. Jean-Baptiste, en particulier, n’était pas le genre de type avec qui vous seriez tenté de prendre le thé.

Si vous voulez être un père comme Zeus, un porteur de foudre terrifiant régnant en maître sur femme, enfants et diverses maîtresses, vous cherchez une autre religion. Si vous voulez être un père à l’image de notre Père du ciel, alors vous voulez être comme Joseph.

Quelle qu’ait été sa personnalité – rigoureuse et sévère ou douce et d’une patience angélique – Saint Joseph s’est montré le père modèle en acceptant le fils de Dieu de manière altruiste et en l’éduquant à faire la volonté de son Père du ciel. Marie a dit : « qu’il me soit fait selon la volonté de Dieu. »

Mais Joseph aussi , à sa façon, dit la même chose par ses actes. « Non pas ma volonté, Seigneur, mais que ta volonté soit faite. Non pas mon fils modelé à mon image pour me faire honneur. Laisse moi plutôt recevoir ton fils pour l’aider à se conformer à ton image afin de faire ta volonté et de te rendre honneur. »

Il y a mille façons d’être père, mais toutes se résument à cela : être co-créateur avec Dieu. Saint Joseph n’a pas produit un clone biologique : il a élevé, fait grandir, le fils de Dieu. Et c’est pour cela que nous pouvons le considérer comme un vrai père – certainement le père modèle avec lequel nous pouvons tous essayer de rivaliser.


Illustration : Saint Joseph par Guido Remi vers 1630

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http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/joseph-model-father.html