J’avais envie de donner aussi mon point de vue sur l’affaire Depardieu, en essayant de prendre mes distances par rapport à la polémique elle-même. Est-il coupable ? A-t-il raison de se révolter ? Mais je m’aperçois que c’est très difficile, parce que la polémique semble être devenue le sel de la vie quotidienne, avec notre système perfectionné de communication, où la vitesse de la répartie est devenue la règle même des échanges. Je le constate sur les différents sites de discussion, notamment ceux des journaux sur lesquels il m’arrive de jeter un œil. Mais souvent je suis vite découragé, me demandant à quoi peut bien servir ce rythme de ping-pong, où il s’agit d’avoir le dernier mot et surtout de sortir la plus belle rosserie possible, qui, d’ailleurs, loin de désarmer l’adversaire le fera lui-même rebondir dans l’invective et la fureur.
Je sais bien que, fort heureusement, d’autres virtuoses tentent d’échapper à ce piège infernal par la qualité de l’argument, la pertinence du trait, voire la profondeur de l’interpellation. Plusieurs tweets bien ajustés m’ont fait réfléchir hier, notamment à propos de la vulgarité de certains slogans affichés dans la manifestation pro-mariage gay, dont un particulièrement ignoble que l’on avait osé faire brandir par un pauvre gosse, au milieu des rires gras. Il y a eu aussi l’intervention vraiment malheureuse de Pierre Bergé qui justifiait l’instrumentalisation des corps féminins pour la procréation assistée en l’assimilant au labeur des ouvriers d’usine (« Louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l’usine, quelle différence ? ») Oui, ce genre de propos réclame bien la réplique cinglante, non pas pour blesser l’interlocuteur, mais pour montrer qu’il s’est égaré sur des chemins plus que périlleux.
C’est un des défis de notre époque. Les sujets les plus graves sont exposés sur la place publique. Ils risquent d’être maltraités sur ce forum en passe de devenir celui des pires incivilités. Alors, bravo à ceux qui relèvent le débat ! Et quant à Depardieu que j’ai abandonné en chemin, surtout qu’on ne le démolisse pas trop, qu’on n’oublie pas ses titres de gloire. -Non, cher Gérard, vous êtes trop mêlé à notre imaginaire national pour nous lâcher ainsi ! Si le sourire vient adoucir l’invective, on pourrait peut-être, comme disait Malraux, monter d’un cran1.
Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 18 décembre 2012.