Ils en appellent à toutes les forces de gauche. On établira forcément des comparaisons avec la grande manifestation pour tous du 13 janvier 2013. Puis ce sera la phase proprement parlementaire qui s’annonce d’ores et déjà problématique. En effet, s’il existe une majorité de gauche pour voter en faveur du projet Taubira, il y a aussi surenchère de la part d’un groupe de pression important pour aller très au-delà des propositions du garde des Sceaux. Notamment à propos de l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA). Il ne faudrait pas oublier non plus qu’au-delà du processus législatif qui se déroulera dans un climat particulièrement orageux, le chef de l’exécutif, qui a été à l’origine de tout, devra, d’une façon ou d’une autre, signifier sa détermination.
Le précédent de 1984 (qui concernait l’avenir de l’enseignement libre) n’est pas allégué à tort. Il y avait à ce moment-là analogie de situation, avec un problème de conscience qui divisait profondément le pays. Il y avait aussi une majorité parlementaire acquise à la loi Savary, au demeurant durcie par les militants les plus engagés de la laïcité de combat. La loi fut même votée à l’Assemblée nationale. Mais le président Mitterrand interrompit la procédure, en retirant la loi. Ce qui provoqua la démission du Premier ministre, Pierre Mauroy. Durant toute cette affaire, c’est à une véritable crise de conscience que le chef de l’État avait été confronté, tiraillé entre des convictions contraires. En prenant une décision qui allait à l’encontre de sa propre majorité, il se situait, en dehors d’un réel calcul stratégique, dans une logique d’arbitrage inspirée par le souci de la nation tout entière et de son bien commun. Trente ans après, son successeur, François Hollande, devra aussi se déterminer dans les mêmes termes, afin de dénouer une crise morale d’autant plus sérieuse qu’elle est liée à des enjeux qui dépassent les lois écrites.