Goma est la capitale de la province congolaise du Nord-Kivu, coincée entre le lac Kivu, deux volcans en activité, et la frontière rwandaise où la ville jumelle s’appelle Gisenyi. Il n’y a pas de solution de continuité entre les deux villes, pas plus qu’entre les populations qui y habitent. La ville est un point de passage obligé et est naturellement une ville ouverte. On passe de l’une à l’autre sans problème. Les deux villes et, en vérité, tout le pourtour du lac Kivu forment un même ensemble économique et humain.
Politiquement, l’attribution d’une tutelle internationale sur le Rwanda et le Burundi au profit de la Belgique et, partant, leur rattachement au Congo belge entre 1916 et 1960, ont laissé des traces. La route qui longe le lac entre les deux villes est bordée de belles propriétés en briques, de style flamand, que l’on s’attendrait plutôt à rencontrer du côté d’Ostende, sur la côte belge. Tout ceci pour dire que les deux régions ont toujours vécu en osmose. Le long règne de Mobutu n’a rien changé à cet état de choses, sauf que vers la fin le dictateur affaibli a commencé à jouer avec le feu, comme son commensal rwandais, avec les questions de nationalité et de citoyenneté afin pour tous deux de conserver le pouvoir. On a ainsi réveillé de vieux démons et monté les populations les unes contre les autres. Au Rwanda, on a vu le résultat en 1994. Le génocide et l’afflux de réfugiés ont recouvert le Kivu d’une coulée de lave encore plus dure que celle du volcan, qui a figé les situations infiniment complexes, la région étant un patchwork de groupes très divers. Personne ne s’est sérieusement penché sur le problème, préférant pour les besoins des politiques locaux et de la communauté internationale lointaine le simplifier à l’extrême en classant les uns en « rwandophones » les autres en « Congolais ». Grâce à quoi le président Kabila fait régulièrement ses meilleurs scores électoraux dans la province du Kivu !
Faute d’un état des lieux sincère, le problème perdure. Kabila a commencé par être en position de faiblesse. Il a eu besoin de passer des accords avec le Rwanda. Le dernier en date, le 23 mars 2009, avait assuré un certain partage économique, l’intégration des miliciens dans l’armée, des commandements, etc. La paix était revenue. Avec la réélection en vue, à la faveur d’un scrutin condamné par la communauté internationale, Kabila a rompu les accords, excluant notamment les officiers intégrés dans l’armée nationale. Ce fut le point de départ du mouvement qui s’est dénommé M 23, en référence auxdits accords du 23 mars 2009.
La discussion se poursuit à Kampala entre les présidents ougandais, rwandais et congolais. Les puissances internationales font pression sur le Rwanda en supprimant des crédits de développement, et sur Kinshasa en appelant au respect de la démocratie. Mais comment se fait-il que 1500 hommes à pied sur les routes du Kivu ont fait se débander l’armée nationale congolaise et ont pu entrer pacifiquement dans Goma sous les yeux impassibles de plus de 7 000 Casques bleus de la force des Nations unies, sur 17 000 au total, l’opération la plus coûteuse de l’histoire de l’ONU, bien équipés de chars et autres véhicules et hélicos ?
L’urgence cette fois n’est pas un énième rafistolage ou la réaffirmation de grands principes totalement vains, creux et inopérants en l’espèce comme ceux de souveraineté, d’intégrité territoriale, d’ingérence, d’insurrection ou d’agression. Il faut laisser agir les solidarités naturelles entre les populations locales. L’alternative est connue, elle porte un nom : génocide.
République Démocratique du Congo : la guerre des ressources est de retour
http://www.france-catholique.fr/RDC-la-guerre-des-ressources-est.html
Opération de charme des rebelles du M23 à Goma (photos)
http://observers.france24.com/fr/content/20121123-operation-charme-communication-rebelles-m23-goma-sake-bukavu-jeunesse-rdcongo-kabila
Goma : incompréhension et colère des soldats congolais
http://syfia-grands-lacs.info/index.php?view=articles&action=voir&idArticle=2713
