Le Brésil de 2012 dans l’attente des JMJ de 2013 - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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Le Brésil de 2012 dans l’attente des JMJ de 2013

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D’abord ma vive gratitude à Cecilia, philosophe et interprète, à Elizabeth, organisatrice de première force, présidente de l’Anesc (Association pour la doctrine sociale de l’Église) et interprète, Hélène, interprète de la mystique apophatique, le cher Marcus devenu soudain bilingue quasi professionnel, sans oublier les moines bénédictins si accueillants de St-Giraldo et la Communauté Palavra Viva de Curvello, cité du sourire permanent et des questions pertinentes, bref ceux qui ont rendu possible les visites et communicables en brésilien d’interminables discours sur des sujets variés pendant 15 jours de São Paulo à Curvello, via Belo Horizonte.

Long voyage mais dans des conditions matérielles vraiment privilégiées pour atteindre les Indes occidentales. Accueil à São Paulo par Luciano qui me conduit au Monastère saint Giraldo qui est aussi un grand collège catholique et j’ai le privilège d’avoir une cellule à 3 mètres de la chambre qu’occupa Jean Paul II lors de son voyage au Brésil en 1988, une plaque rappelle cet événement mémorable. Fin octobre le temps est alternativement froid et chaud. Je concélèbre la messe avec l’abbé du monastère dom Paulo qui s’aperçoit aussitôt que le portugais n’est pas pour moi une langue de communication. À midi un repas est prévu chez des amis et je rencontre les parents avec deux enfants et leurs amies . Cecilia qui a organisé avec Elizabeth mon séjour à São Paulo, a fait des études de philosophie à Paris et prépare un travail sur Edith Stein. Chrétienne convertie , son mari est médecin, elle témoigne du Christ , disons qu’elle est elle-même un témoin du Christ par sa seule présence. Elle sera une interprète particulièrement compétente avec d’autres car le programme de la première semaine remplit deux pages A4. Le monastère st Giraldo a été fondé dans les années 50 par des bénédictins hongrois qui accueillent dans leur vaste terrain situé en pleine ville, un collège très réputé (primaire et secondaire).Un jeune moine, Afonso qui parle français veut organiser une soirée pour me présenter. Il y a des années que je suis l’hôte de ce monastère et on se contentait d’accueillir le voyageur avec des sourires. Un pas de plus est franchi. Mon premier séjour au Brésil date de 1985, j’avais un assistant brésilien à l’université de Genève et d’années en années nous faisions le tour de cet immense pays .Dans les années 1980 la théologie de la libération était à l’ordre du jour et nous avons organisé en 1998 un colloque sur ce thème qui devait être présidé par l’ancien gouverneur de São Paulo , François Montoro , un ami de Maritain, qui décéda la veille de l’ouverture. Deux jeunes professeurs de l’université de Moscou, orthodoxes pratiquants, témoignèrent de ce qui se passait dans le pays du communisme réel. Les 350 participants, parmi lesquels de nombreux ecclésiastiques influencés par des auteurs occidentaux favorables à la théologie de la libération, reçurent ce jour là un message original venu de Moscou. Les invités orthodoxes découvrirent alors un visage de l’Église catholique qu’ils ne soupçonnaient pas, beaucoup plus convivial que celui de l’Europe occidentale. Même la qualité d’une boisson locale leur parut rivaliser avantageusement avec leur vodka traditionnelle.

Chaque année des sessions sont organisées et une nouvelle communauté brésilienne, Palavra viva prévoit à Curvello, à 150 km de Belo Horizonte, des sessions suivies par près de 200 jeunes .Depuis l’année dernière les universités libres s’ajoutent aux séminaires , notamment celui des légionnaires du Christ avec 150 futurs prêtres confiés par 19 diocèses, pour organiser des cours.

De 1985 à 2012 le Brésil a connu bien des changements dans tous les domaines, notamment en religion et en politique sans oublier la vie économique et sociale .On sait que les communautés protestantes de style pentecôtiste sont très actives et hostiles à l’Église catholique. Leur influence explique notamment le fait que le Brésil qui comptait au début du XXe siècle plus de 90 % de baptisés catholiques n’en n’a plus aujourd’hui que les deux tiers et un pourcentage de pratiquants réguliers de l’ordre de 10%. On peut dire qu’au Brésil la religion est associée aux classes pauvres et le clergé, jusqu’à une date récente, provenait de milieux moins favorisés .La situation est en train de se modifier parce que la pauvreté est en moyenne moins effrayante qu’hier grâce en particulier à la politique de l’ancien syndicaliste Lula et à la conjoncture économique mondiale qui fait du Brésil , huitième puissance économique ,un pays émergent dont les ressources sont très convoitées . De nombreuses nouvelles communautés catholiques recrutant dans les classes moyennes contribuent à diversifier l’origine sociale des séminaristes. Les universités pontificales brésiliennes ont été tributaires des courants idéologiques, mais il y a des ressources qui donneront des fruits moins dépendants des influences étrangères qu’hier. En politique le cas du Brésil est déconcertant, la vie publique de cette grande démocratie n’est pas structurée par des partis bien enracinés et comptant de nombreux parlementaires .Le Brésil donne le spectacle de groupes de pression sans doctrine bien précise, un vaste système de clientélisme que seule l’élection présidentielle mobilise périodiquement.

Cet après-midi conférence organisée par l’Institut Jacques Maritain du Brésil, thème : Maritain et les gnoses, Nicolas Berdiaev et Teilhard de Chardin. Une cinquantaine de personnes participent à cette rencontre.

Le lendemain célébration de la messe au monastère de la Paix des bénédictines visitées à chaque séjour. Une causerie sur l’année de la foi et surtout une conversation (en anglais) avec une religieuse qui vient me prendre en voiture et donne de précieuses informations sur la spiritualité bénédictine. Un repas chez les 20 séminaristes du diocèse est suivi de témoignages personnels que chacun d’eux donnent sur leur vocation en vue du sacerdoce .Comme il a été question de prière, une heure d’adoration termine cette rencontre dont je garde la meilleur souvenir. Le soir conférence sur la loi naturelle organisée dans l’abbaye st Benoît, centre historique du XVIe siècle de SaoPaulo. Trente personnes dans une grande salle et interprétation parfaite par Cecilia. Questions intéressantes. La suite aura lieu le lendemain.

Déjeuner chez l’évêque du diocèse, Mgr. Dom Luiz, très cordial et fidèle. La sélection des candidats au sacerdoce est devenue beaucoup plus stricte et le clergé a pris un nouveau visage.

Dans le grand journal de SP, Folhia des statistiques donnent une idée de l’insécurité ambiante : 230 policiers tués par année dont 43% à SP qui dispose du tiers des effectifs de police. Les trafics de drogue pourchassés à Rio se replient à SP.

La deuxième partie du cours sur la loi naturelle rassemble une quarantaine de personnes qui posent des questions très pertinentes .Ce que Maritain appelle la « philosophie adéquatement prise » ouvre au philosophe tout un domaine que le théologien ne considère pas, le premier réfléchit sur des problèmes tandis que le second médite sur des mystères, les deux approches sont complémentaires.

Retour en taxi dans cette ville gigantesque qui n’a pas de centre mais ne cesse de s’étendre grâce à de nouvelles lignes de métro où s’engouffrent des foules, la température dépasse 30 degrés, un record en cette saison « hivernale ».Les diocèses qui se partagent le grand São Paulo, multiplient les paroisses pour faire face aux innombrables communautés pentecôtistes et à l’imposante «  Igreja universal ».

Le lendemain visite d’un ami appartenant à l’Emmanuel de Paray le Monial, il évoque l’étonnant désintérêt pour la vie politique au Brésil, notamment chez les catholiques. L’Eglise se montre très prudente, mais le cardinal de São Paulo est intervenu récemment pour dénoncer la corruption électorale. La solution n’est pas de constituer un parti d’inspiration chrétienne, mais plutôt de susciter une opinion favorable aux valeurs du christianisme menacées par la sécularisation dans un pays dont l’économie se renforce.

Conférence prévue dans le grand séminaire où les légionnaires du Christ forment les futurs prêtres de 14 diocèses. C’est pour eux un temps d’épreuve y compris au plan financier. Je parle de la sœur Faustine qui est comparable à un Elie venant préparer le retour du Christ. Humble religieuse au service de la Miséricorde, il faut l’écouter, tel est le thème développé devant plus de 100 séminaristes .Après la conférence, rencontre avec les nouveaux responsables du séminaire qui me font une forte impression. Les paradoxes de ce drame sont vraiment troublants, comment a-t-on pu tromper tant de gens, tant de papes ? L’arbre semblait porter des fruits et continue à le faire puisqu’on ordonne de nouveaux prêtres de cette congrégation à Rome ! Il y a là une leçon pour l’Église universelle : saint Paul ne parle-t-il pas de l’Impie, du mystère d’iniquité ? Valtorta écrit à ce propos dans les Quaderni : Ce sera une personne très en vue, comme un astre. Non pas un astre humain qui brille dans un ciel humain. Mais un astre d’une sphère surnaturelle et qui cédant à la flatterie de l’Ennemi, connaîtra l’orgueil après l’humilité, l’athéisme après la foi, la luxure après la chasteté, la faim de l’or après la pauvreté évangélique, la soif des honneurs après l’effacement.

Autrement dit ce sera un homme, pas dans l’ordre politique, mais dans le domaine religieux. Le soir rencontre avec les moines bénédictins très intéressés par la Russie et la Chine. C’est en 1956 que des bénédictins hongrois ont quitté leur pays pour fonder un monastère ici. Aujourd’hui 1er novembre, mais au Brésil c’est le dimanche qui suit cette date que l’on fête les saints, le 2 novembre en revanche est férié et je regrette cette séparation entre l’Église triomphante et l’Église souffrante. Conférence sur l’anthropologie chrétienne pour un groupe d’une quinzaine de consacrées, au total 12 heures de cours en trois séances. Samedi, visite de la nouvelle église du P. Marcelo Rossi : elle vient d’être inaugurée et comprends 6000 places pour le moment, mais hier 50 000 pourront se réunir autour de l’édifice qui ressemble à un stade dominé par une croix de 42 mètres. L’évêque, Mgr Fernando Figueireto, est avec Rossi et comme le je connais depuis plusieurs années il m’invite à ses côtés pour concélébrer devant une immense foule enthousiaste. La messe est suivie d’une procession du Saint Sacrement au milieu des fidèles et une statue de ND m’est confiée ce qui suscite beaucoup de marques de dévotion. Sur les 192 millions de Brésiliens, 65% se disent catholiques (74% en 2000). Plus que les Pentecôtistes, souvent d’origine américaine du nord (12% des Brésiliens), c’est l’indifférence religieuse qui explique le déclin de l’appartenance à l’Église catholique avec environ 10% de pratiquants très réguliers .La théologie de la libération reste un souvenir durable et vaguement mythique aussi bien en politique que sur le plan religieux.

Dimanche séance sur le thème : Mystique et affectivité pour des consacrées qui faisaient partie de Regnum Christi, tiers ordre des légionnaires du Christ. Le lundi matin départ pour Belo Horizonte puis Curvello à 150km où plus de 100 jeunes vont suivre un cours sur l’anthropologie chrétienne (18heures en trois jours !). Je retrouve nombre d’amis mis Alisson le fondateur est actuellement en France où quatre communautés de Palavra Viva se sont vues confiées des paroisses dans 4 diocèses. L’atmosphère est très bonne . Les filles qui prennent en main l’organisation ne laissent rien au hasard et trois jeunes prêtres assurent les offices et donnent des cours. São Paulo monstrueusement agité est loin. À Curvello on se prépare à évangéliser le monde rural en attendant des missions au Brésil, en Europe et un peu partout car les novices ne cessent d’affluer et sont de mieux en mieux formés. Alisson , le fondateur, est un esprit pratique et sa fidélité à Rome est inconditionnelle, les apôtres que le Christ a choisis pour évangéliser le monde , n’étaient ni des théoriciens ni même des mystiques Le catholicisme brésilien brille par sa simplicité au milieu de bien des dangers.

Première journée de 6 heures d’intervention, la boite aux questions se remplit et mon interprète est infatigable et les jeunes avides de vérité. On songe au mot d’Augustin : Gaudium de veritate.

Seconde journée avec variante : répartition en groupes pour étudier la vertu de prudence : « le critère de la prudence c’est l’homme prudent »-On apprend qu’Obama est réélu : sera –il l’homme prudent de la définition aristotélicienne ?

En lisant Lui et moi de Gabrielle Bossis je notais cette parole du Christ : Qui me dira à la fin : « Je voudrais vivre encore à cause de Toi, cependant il m’est doux de mourir pour Toi ».

J’ai vérifié dans la nuit qui a suivi comment on pouvait arriver à 2 heures du matin dans un petit établissement de santé publique à Curvello et la manière dont on prenait en charge un étranger ( un prêtre !) gratuitement et avec beaucoup de compétence, mais il a fallu renoncer à parler des « fins dernières » faute de temps  ! Le retour à São Paulo donne l’occasion de faire deux conférences, une sur la loi naturelle devant une centaine d’étudiants en droit d’une université libre et une autre , présidée par le cardinal Scherer, sur la « dimension eschatologique de l’enseignement social de Benoît XVI . Le cardinal souhaite une intervention auprès de ses séminaristes à l’occasion d’un futur séjour à São Paulo. En fait la situation de l’enseignement supérieur dans l’archidiocèse de São Paulo n’est pas bonne. Une partie du corps professoral est, comme en Europe, marquée par le « complexe anti-romain » et les mesures disciplinaires ne peuvent régler des prises de position qui relèvent de la théologie. Le marxisme a laissé des traces dans la génération actuelle et on continue à ignorer que l’Église a une doctrine sociale qui mérite au moins la lecture, bref le « nihilisme «  européen et notamment français des années 60-70 (Derrida fut invité à Rio par l’université catholique pour expliquer le dé-structuralisme de l’avenir) garde un prestige infortuné. Maritain reste une référence et son œuvre n’est pas oubliée comme souvent en France.

Le séjour va s’achever, le Brésil, si convivial, va accueillir les JMJ en 2013, puisse-t-il en faire un événement de la nouvelle évangélisation, n’est-ce pas le plus grand pays catholique ?