Au terme de cette campagne électorale américaine que nous avons suivie, d’une façon à la fois proche et éloignée, comment ne pas avouer une certaine perplexité ? Proches nous l’avons été parce que nos moyens d’information n’ont pas manqué de nous faire suivre les différentes phases de la campagne, en nous offrant même le spectacle immédiat de ses scènes les plus significatives. Éloignés nous le sommes néanmoins restés, à moins d’entrer pleinement dans cette culture spécifique à l’échelle d’un espace considérable. Tout de même, il nous reste difficile de comprendre l’univers intérieur d’un mormon, et si l’évangélisme américain nous est devenu plus familier, il n’est pas évident pour nous d’imaginer les affres de conscience avec lesquelles doit composer l’électorat de cette grande puissance.
Et que dire du président Obama ? Nous percevons certes en quoi il a pu conquérir le parti démocrate, mais nous mesurons aussi le chemin parcouru depuis son élection, il y a quatre ans. Je me souviens, pour ma part, avoir été presque effrayé par les espoirs démesurés que l’on plaçait sur une seule personne, si charismatique soit-elle. Il ne pouvait y avoir rapidement que des désillusions. Elles sont venues très vite, d’autant que le déclin de l’Amérique, lié à une crise mondiale, ne permettait pas de larges possibilités de manœuvre. Et puis on s’est aperçu que le symbole très fort que constituait l’arrivée à la Maison-Blanche du premier président de couleur noire avait ses limites. Barack Obama était plus représentatif d’une sorte de gentry cultivée et aisée que de l’ensemble de la communauté afro-américaine. La condition de cette dernière n’a guère évolué au cours de ce premier mandat. De même, la vie est toujours aussi dure pour cette partie de la population dépouillée de ses logements par un système bancaire implacable.
Obama privé d’une bonne part de son patrimoine symbolique n’en demeure pas moins le représentant d’une moitié d’Amérique face à une autre sensible à un langage plus libéral en économie et rebelle aux thématiques dites progressistes. Le jeu est simplement plus égal qu’il y a quatre ans, et il faudra, quelque soit le résultat, que les deux camps négocient âprement les conditions de la conduite de la puissance américaine dans un contexte toujours aussi conflictuel.