Manifestations à Madrid et à Lisbonne. Manifestation à Paris. L’Europe va mal. Certes, la situation n’est pas exactement la même en France qu’en Europe du Sud, mais les fermetures d’usines, les plans sociaux, plus de 3 millions de chômeurs indiquent combien François Hollande et son gouvernement peinent face aux effets de la crise, à la désindustrialisation, à la gestion des comptes publics, aux exigences européennes. S’ajoute à cela ce qu’on appelle les incivilités, l’état critique des quartiers les plus affectés par la violence et les trafics. Il n’est pas possible, en effet, de dissocier le social et l’économique de l’équilibre psychologique et moral de la population. Les choses vont souvent de pair. La récession économique provoque le désœuvrement des jeunes qui n’ont pas d’emploi et dont l’avenir est bouché. Les conséquences, nous les percevons lorsque éclatent des drames comme vendredi soir dans la banlieue de Grenoble.
Quand on évoque ce quartier de la Villeneuve, qui fut déjà en 2010 le théâtre d’un incident violent qui avait provoqué beaucoup d’émotions et même un discours très musclé de Nicolas Sarkozy, je ne puis m’empêcher de songer qu’il y a quelques décennies, on entendait à son propos un tout autre langage. L’agglomération grenobloise était citée comme un exemple d’urbanisation réussie, grâce au dynamisme d’une équipe menée par le maire de l’époque, Hubert Dubedout. Ne parlait-on pas de l’émergence d’une nouvelle société, avec des militants, des responsables, des animateurs qui renouvelaient complètement les cadres sociaux, et dans tous les domaines, notamment celui de la culture. Grenoble était d’ailleurs réputée pour sa maison de la culture, et je me souviens d’avoir rencontré son directeur dans les belles années, auréolées par l’éloquence d’André Malraux, qui parlait de nouvelles cathédrales. Et ce quartier de la Villeneuve, précisément, correspondait au projet avant-gardiste de Dubedout. Nous n’en sommes plus là. L’équilibre du quartier a changé. Il est aujourd’hui à risque. C’est dire l’ampleur du défi actuel, alors qu’on aurait besoin d’une solide armature sociale pour affronter les effets de la crise !