L'Amérique post-chrétienne - France Catholique
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La justice de Dieu
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L’Amérique post-chrétienne

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Quand nous atteindrons le 500e anniversaire de la révolution protestante en 2017, le protestantisme sera-t-il toujours présent aux Etats-Unis ?

L’Amérique n’est plus un pays chrétien depuis longtemps. Prenons-en acte et agissons en conséquence. Le nier ne nous mènera nulle part. Après tout, après la mort, la résurrection est toujours possible.

Quelle est la définition d’un pays chrétien ? La mienne est : un pays où la majorité des citoyens croient, professent le symbole de Nicée ou le Credo tels que transmis depuis l’Église des origines – des gens qui pour le moins essaient de vivre selon les 10 commandements.

Bien sûr, nous sommes tous pêcheurs. Mais la preuve que nous sommes plus païens que l’Europe autrefois chrétienne — ou même, sur ce point, les pays islamiques — est l’amoncellement de plus d’un million d’avortements par an depuis 1973. Nous tuons nos propres citoyens.

L’Amérique « chrétienne » a déjà tué suffisamment de ses enfants à naître pour surpasser facilement le total des victimes des camps d’extermination nazis et pourra bientôt rivaliser avec les listes de morts de l’URSS et de la Chine communiste. Un pays véritablement chrétien recourant au vote démocratique ne pourrait pas supporter de tels massacres sans un changement de régime ou une révolte.

Pour couronner le tout, le nombre de divorces et de naissances illégitimes continue d’augmenter, de moins en moins de couples prennent la peine de se marier, le nombre de gens adonnés à la pornographie monte en flèche. En bref, la révolution sociale des années 60 s’est emparée de la civilisation et a conquis une bonne part de la nation. Selon un récent sondage, le nombre d’Américains déclarant n’avoir aucune croyance religieuse a triplé depuis 1900, et compte à ce jour un sur cinq parmi nos compatriotes.
Quoi qu’il en soit, mon propos n’est pas d’apporter la preuve que l’Amérique n’est plus un pays chrétien mais de réfléchir à comment et pourquoi une telle chose s’est produite.

Nombre des premiers colons sont venus en Amérique pour échapper à la persécution religieuse. A l’exception du Maryland (mon propre État, colonisé par des catholiques), ces premiers immigrants étaient des protestants de différentes obédiences. Ils différaient par le dogme, mais étaient généralement d’accord pour professer et tenter de mener une vie morale basée sur les dix commandements.

Bien qu’accordés par Dieu sur le mont Sinaï, les commandements sont communément admis (même si pas vécus) par des non judéo-chrétiens et des athées qui reconnaissent la loi naturelle écrite dans nos coeurs.
Le temps passant, des sectes protestantes américaines ont surgi si abondamment qu’elles peuvent maintenant se compter par milliers. Malgré cette variété, presque toutes partagent une philosophie morale héritée de la Bible pas très éloignée de la philosophie morale catholique.

L’assouplissement des lois sur le divorce et la propagation de la pilule contraceptive dans les années 60 ont précipité et accentué le recul des dénominations protestantes traditionnelles dominantes sur d’autres fronts moraux, incluant l’avortement, les relations homosexuelles, et plus récemment le mariage homosexuel.

La principale raison est le manque d’autorité dogmatique dans le protestantisme et la confiance au principe du jugement personnel. Laisser les gens se fier à leur propres opinions et sentiments en guise de guide moral est insuffisant à maintenir un pays autrefois chrétien et maintenant de plus en plus païen.

Quelle solution adopter ? L’Amérique peut-elle redevenir chrétienne ? Pour moi, le protestantisme traditionnel est irrémédiablement en chute libre. On ne peut pas compter sur un grand renouveau religieux. L’Amérique a besoin de témoignage, pas d’enthousiasme. Soit les Etats-Unis deviendront majoritairement catholiques, en nombre, en foi, en principes moraux, ou ils périront sous le poids de leur hédonisme effréné et de leur corruption. Ainsi que l’observait Alexis de Tocqueville, l’observateur français du dix-neuvième siècle qui a remarquablement compris les Etats-Unis :

En ce moment plus que dans aucune des époques qui ont précédé, les catholiques romains sont vus comme devant tomber dans l’infidélité et les protestants comme devant se convertir au catholicisme romain. Si vous examinez le catholicisme depuis l’intérieur de ses propres institutions, il semble perdant ; si vous le considérez de l’extérieur, il semble gagnant. Ce n’est pas difficile à expliquer. Les hommes de notre époque sont par nature peu disposés à croire, mais dès qu’il ont quelque religion, ils trouvent immédiatement en eux-mêmes un instinct qui les pousse inconsciemment vers le Catholicisme. Nombre des doctrines et des pratiques du catholicisme romain les stupéfient, mais ils ressentent une secrète admiration pour sa discipline et sa magnifique unité les attire. Si le catholicisme pouvait finalement s’extirper des animosités politiques auxquelles il a donné naissance, je n’ai guère de doute que l’esprit même de l’époque actuelle, qui semble lui être tellement opposé, lui deviendrait favorable au point de reconnaître sa grande et soudaine évolution.

Une des faiblesses les plus communes de l’esprit humain est de tenter de concilier des principes contraires et d’acheter la paix aux dépens de la logique. Partant, il y a toujours eu et il y aura toujours des hommes qui, ayant soumis une partie de leur foi religieuse au principe d’autorité chercheront à en exempter une autre partie et laisseront leur âme vagabonder entre liberté et obéissance. Mais je suis enclin à penser que le nombre de ces penseurs sera moins nombreux en démocratie que dans les autres époques et que notre postérité tendra de plus en plus à se répartir en deux groupes seulement, ceux qui renonceront complètement à la foi chrétienne et les autres, qui retourneront à l’Église de Rome.

J’espère ardemment que mes lecteurs vivront suffisamment pour le voir dans cette vie — ou sinon dans l’autre.


Le père John McCloskey III est historien de l’Église et chercheur à l’institut Foi et Raison de Washington.

Illustration : Alexis de Tocqueville.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/post-christian-america.html