Le débat est récurrent. Il est sans cesse nourri par une actualité tendue, par les convictions blessées des uns et des autres, mais aussi, il faut le souligner, par le souci légitime de favoriser l’unité d’un pays dans l’accord de ses diversités et la mise en évidence de ses éléments communs. Les propositions n’ont pas manqué ces derniers temps, de Vincent Peillon qui veut rétablir l’enseignement d’une morale laïque à Marine Le Pen qui veut proscrire le voile musulman et la kippa juive de l’espace public. Pour le ministre de l’Éducation nationale, il s’agit de revenir aux fondamentaux idéologiques de la IIIe République, ceux de Jules Ferry, en risquant sans doute un aggiornamento dont la complexité rend incertain le projet. Pour la dirigeante du Front national il s’agit de se fonder sur la même assise, celle de la laïcité, mais pour inventer de nouveaux interdits, dont elle-même a convenu qu’ils n’allaient pas de soi.
On avait déjà connu une pareille discussion lorsqu’il s’était agi de faire le partage entre signes religieux discrets et signes ostentatoires. Le cardinal André Vingt-Trois fait remarquer à juste titre qu’il est raisonnable de faire le partage entre « ce qui est l’expression extérieure d’une conviction et ce qui est une expression provocatrice ». C’est tout le fond du débat. La différence constitue-t-elle en soi une menace contre l’unité sociale et la concorde civique ? Ne pourrait-elle pas, au contraire, être une richesse précieuse à tous, une source d’échange, une stimulation au service ? Il est quand même dommage qu’on ne conçoive plus le religieux comme créateur de civilisation mais uniquement comme fauteur de désordre. Certes, c’est l’actualité internationale qui crée un climat détestable et c’est aussi le problème de l’intégration des populations immigrées qui déstabilise les opinions européennes.
Mais ce n’est pas en attisant les oppositions et en multipliant les réactions agressives que l’on trouvera la solution à nos difficultés. La laïcité à la française elle-même doit renoncer à ce qu’il y a de trop idéologique et de crispé dans sa formation généalogique pour devenir ce qu’elle devrait aspirer rester, c’est-à-dire le dispositif législatif capable d’apaiser les esprits, parce qu’elle garantit les libertés fondamentales en assurant la primauté du respect des consciences. On devrait faire en sorte que ce débat permanent débouche vers plus de promesse d’unité, de reconnaissance mutuelle plutôt que de multiplier les signes négatifs qui font obstacle à un consensus national.
Pour aller plus loin :
- INTRUSION DE LA THEORIE DU GENRE A L’ECOLE ET DANS LA SOCIETE
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- L’école du petit père Peillon
- Le Gender pour tous et les droits des parents
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918