Une Eglise qui n'est au service que de 20% des baptisés ? - France Catholique
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La justice de Dieu
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Une Eglise qui n’est au service que de 20% des baptisés ?

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Dimanche, 23 Septembre 2012

À la fin de l’Année des Prêtres (2009/2010), le Pape Benoît XVI déclarait :

« Le prêtre n’est pas simplement le détenteur d’une charge, comme celles dont toute société a besoin afin qu’en son sein certaines fonctions puissent être remplies. Il fait en revanche quelque chose qu’aucun être humain ne peut faire de lui-même : il prononce au nom du Christ la parole de l’absolution de nos péchés et il transforme ainsi, à partir de Dieu, la situation de notre existence…. En tant que prêtres, nous voulons être des personnes qui, en communion avec sa tendresse pour les hommes, prenons soin d’eux, leur permettons d’expérimenter concrètement cette tendresse de Dieu. »

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Il n’avait pas seulement à l’esprit des hommes et des femmes en particulier, et certainement pas en particulier ceux qui prennent rendez-vous ou qui viennent à la Messe.

L’Histoire montre que depuis des années des dizaines de millions de Catholiques Américains sont oubliés ou ne bénéficient pas du service qui leur est dû : ce sont les familles qui ne vont pas à la Messe, les politiciens qui ont une théologie erronée, les divorcés qui ne sont pas recatéchisés, les communautés religieuses égarées, les universités qui ont renié leurs origines catholiques, l’activisme idéologique au sein du personnel de la Conférence des Évêques Catholiques Américains, les diocèses qui utilisent des manuels et des cours qui ne sont pas orthodoxes. La liste est honteuse… et longue. C’est ce qui se passe depuis au moins soixante ans, et en dehors d’initiatives individuelles de la part du clergé, ce désordre s’est amplifié sans beaucoup de réactions, ni d’ailleurs d’actions responsables.

La taille de l’Église catholique en Amérique fait qu’il existe en son sein toute une vie intra-institutionnelle qui consiste à aller à la pêche aux promotions ; le réseau d’anciens, le réseau gay, le style de vie bourgeois, et les conflits qui en résultent, tout cela consomme énormément de temps qui pourrait être consacré à l’ouverture à toute l’humanité de ce pays. On se détourne souvent de l’essentiel quand la bureaucratie est de grande taille, mais dans l’Église, ce phénomène freine le dynamisme spirituel d’une institution cléricale.

Sa vraie nature est sainte ! Une institution cléricale est fondée sur le fait que :

 » À l’égard du milieu qui lui est confié, le prêtre, avec le Seigneur, devrait pouvoir dire : « Je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent ».

« Connaître », au sens des Saintes Écritures, n’est jamais seulement un savoir extérieur, comme on connaît le numéro de téléphone d’une personne.

« Connaître » signifie être intérieurement proche de l’autre. L’aimer. Nous devrions chercher à « connaître » les hommes de la part de Dieu et en vue de Dieu ; nous devrions chercher à cheminer avec eux sur la voie de l’amitié avec Dieu. » (Benoît XVI).

C’est là que le schéma de pensée séculier, inspiré par la vie en entreprise, échoue.

Où se trouve donc ce noyau d’être humains qui possède cette connaissance et est totalement engagé au service des autres ? De telles personnes existent, à n’en pas douter, mais pourquoi la majorité du clergé ou des laïcs formés ne recherche-t-elle pas les pauvres, ne contacte pas les hommes politiques, ne va pas à la rencontre de chaque famille qui ne va jamais à l’église, ne propose pas une formation aux personnes divorcées, ne transforme pas les institutions religieuses qui sont devenues de simples agents de la culture, ne réorganise pas les universités catholiques selon les principes de « Ex Corde Ecclesiae », ne réforme pas les processus à l’intérieur de la Conférence des Évêques ?

Où sont les déclarations officielles dans chaque diocèse sur les graves questions du jour, les révisions des programmes de catéchèse qui examinent effectivement un à un les manuels et les cours ? Et bien d’autres choses. Puisque nous sommes tous responsables de tous les baptisés – et de la transmission de la Bonne Nouvelle à toutes les nations – ces questions ne sont pas anodines.

Grosso modo, le clergé Américain – religieux et diocésain – est au service de 20% des baptisés. Quand cela est-il devenu acceptable ? Et, directement en lien avec la question précédente, comment se fait-il qu’on ait si peur d’interpeller les gens sur leur compréhension du catholicisme ? On s’est résigné définitivement à ne pas être au service de la majorité des baptisés, plus jamais.

Cette passivité est due en partie au fait qu’il est généralement admis que l’Église en Amérique est une institution parmi d’autres dans cette nation, et qu’elle devrait s’aligner sur les autres institutions et fonctionner de la même manière. Ceci est une erreur d’interprétation concernant la nature des institutions de la société en général et de l’Église catholique américaine en tant qu’institution en particulier.

Il est vrai que l’Église est techniquement une institution, mais elle est différente de toutes celles qui l’entourent. De ce fait, comme le demandait le Pape Benoît XVI lors de sa rencontre des représentants de l’Église évangélique :


« L’absence de Dieu dans notre société se fait plus pesante, l’histoire de sa Révélation, dont nous parle l’Écriture, semble reléguée dans un passé qui s’éloigne toujours davantage. Faut-il peut-être céder à la pression de la sécularisation, devenir modernes moyennant une édulcoration de la foi ? »

Céder dilue la foi et la présence effective et quotidienne de l’Église dans la société. Et, contrairement à ce qu’on pourrait espérer, cela ne maintient pas davantage de gens dans le bercail. Pourquoi aller à l’église pour entendre ce que dit déjà tout le monde dans la société ? qui donc va interpeller les hommes d’affaires, et les politiques et les jeunes et leurs familles ? Qui établira un lien personnel avec ceux qui ne sont pas catéchisés ou avec les pauvres ?

Les mots de conclusion du Pape Benoît XVI dans son allocution étaient les suivants :

[Seigneur], aide-nous, prêtres, afin que nous puissions être auprès des personnes qui nous sont confiées et qui sont dans ces nuits obscures. Afin que nous puissions leur montrer Ta lumière. »

Il y a vraiment beaucoup de gens qui nous ont été confiés. Nous aurons à répondre de la manière dont nous aurons été à leur service.

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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/picking-the-low-hanging-fruit.html


Vitrail : « Je suis le Bon Berger » (Alfred Handel, église St Jean-Baptiste, Nouvelle-Galles du Sud)

Bevil Bramwell, prêtre Oblat de Marie Immaculée, enseigne la théologie à la Catholic Distance University. Il est titulaire d’un doctorat de l’Université de Boston et travaille dans le domaine de l’ecclésiologie.

  1. NDT : Traductions en français des textes de Benoît XVI extraites du site du Vatican.