6 septembre – Certains jours vient le découragement, la fatigue d’entendre toujours les mêmes reproches adressés à l’Église, notre mère comme l’ont affirmé tant de saints qu’elle a portés à travers l’histoire, le corps même du Christ ressuscité : je ne sais plus lequel de ces saints avait osé répondre d’avance à nos intellectuels branchés, théologiens, politiques progressistes qui cherchent depuis toujours à « réorienter » ce « vaisseau » vers des horizons seulement humains : « l’Église n’a besoin que de saints pour rester vivante, active, fidèle »… D’où notamment saint François d’Assise et saint Dominique au douzième siècle…
Un débat presque surréaliste agite à nouveau le petit monde des cathos autoproclamés « de progrès » ou progressistes, expressions qui jettent aux poubelles de l’histoire 80% des catholiques, pour eux enfermés dans des convictions obtuses, des pratiques obscures, des agenouillements d’un autre âge doublés de dévotions limitées à quelques gesticulations de grenouilles de bénitier… de bigots séniles… d’infirmes des neurones, en somme de traditionalistes ! Et la Tradition est par eux considérée, semble-t-il, comme un obstacle à supprimer.
Leur problème tel qu’il est soulevé aujourd’hui est de savoir s’il faut quitter cette Église qui, à leurs yeux, ne les suit pas, ne leur obéit pas, ne les écoute pas, du moins pas assez, dans les recommandations qu’ils émettent et proclament être la seule issue pour elle de ne pas sombrer au fond d’un océan d’indifférence…
Ils parlent des « immenses mutations civilisationnelles » qu’ils voient comme le futur tombeau de cette « institution » si difficile à « réformer », alors qu’évidemment ils savent ce qu’elle doit faire mieux qu’autrefois les papes Pie XII, Jean XXIII, Paul VI, Jean-Paul II, que Benoît XVI aujourd’hui, ce pape de la Providence : ce qu’elle ne peut que faire si elle veut survivre… Bien entendu, la papauté n’est plus dans le coup, le Magistère qu’un troupeau de vieillards incapables de se situer dans cet immense bouleversement qui secoue le monde et donc l’Église et menace, croient-ils, de la faire chavirer… Nous serions vainqueurs de ces dangers, paraît-il, rien qu’en mariant les prêtres, en ordonnant les femmes, en supprimant les passages de l’évangile qui proclament l’union indestructible de la femme et de l’homme1, en acceptant le « mariage » des semblables, l’aide au suicide pour les vieux et la légitimité des avortements lors des conceptions à risque ! S’y ajoute qu’il faudrait, pour que les « semblables » soient tout à fait à l’aise dans leur « différence », proclamer leur pratique sexuelle comme normale puisque existant depuis toujours. Bientôt, ne devrons-nous pas ajouter à cette liste la nécessité de baptiser la théorie du gender ?…
Par bonheur, l’Église tient fermement le cap, quoique dans notre pays l’effondrement de l’enseignement de la foi ait causé des ravages depuis les années soixante.
Faut-il, questionnent les attardés de ces années-là, continuer de s’opposer au Vatican quoiqu’il soit sourd, ou bien le quitter pour provoquer un séisme au sein de l’Église ? Débattre de ce qu’il convient de lui dire, monter à l’assaut de la forteresse ? Leur but affirmé est de « contre-agir » à rebours de ce qui se fait et se dit à Rome.
Lire là-dessus ce que dit Louis-Marie Lamotte sur le site Contre débat. Il faut songer, à titre d’exemple, au désarroi de ce chrétien d’une paroisse proche de Beaubourg à Paris, effrayé d’apprendre que 80% des cathos ont voté à droite et pas pour François Hollande. Il a raison de s’interroger si pour lui la foi consiste à voter à gauche ! Voilà un homme qui me paraît confondre le temporel et l’éternel. Le Christ est descendu pour nous donner les clefs de notre salut éternel, non pour nous embrigader comme soutiers chez un disciple de Jules Ferry, ce politique qui voulait effacer Dieu de notre horizon.
Ce qui m’a le plus interloqué, quoique je sache cela depuis les années soixante, c’est l’aplomb avec lequel ces progressistes très engagés dans leur progressisme affirment qu’il faut rester dans l’Église « afin de la changer de l’intérieur » !
Quel manque de courage ! Mais aussi quel culot ! Quelle indécence de la pensée ! Quelle prétention en outre ! L’honnêteté ici n’a pas de position de rechange : si l’on considère que l’institution ecclésiale ne correspond pas à ses convictions, on se doit de la quitter ! Point ! De changer de boutique, puisqu’ils parlent de l’Église comme on parlerait d’un parti, d’une association, d’une secte aussi bien. Je ne reconnais pas l’enseignement de l’Évangile dans leur attitude. Le Christ révèle le Père infiniment Père, l’Esprit Saint, son esprit éternel d’amour infiniment amour comme Il l’est du Père : cela d’abord et avant tout ; la foi en ce Père source de tout amour ; la foi en l’action bienheureuse de cet Esprit ; la foi en la très sainte Trinité, Dieu unique en trois Personnes ! La foi en cette révélation qui depuis deux mille ans nous tient debout, nous éblouit, nous fait vivre chaque matin nouveau ! Cette foi qui inspire l’amour sans faille, dont l’amour du prochain est le révélateur, non le seul but existentiel : il est une confirmation nécessaire, sans laquelle nous dit saint Jean nous serions des menteurs, non l’absolu de l’Amour que nous avons à recevoir, à vivre, à transmettre.
Qu’ils aillent au Grand Orient, on y recrute à tour de bras afin de faire un peu plus sérieux – 50.000 adhérents, tout de même, c’est maigrelet, non ?, quand on a l’intention de virer l’Église de notre univers ! Vouloir qu’elle se plie aux exigences du temps qui passe et trépasse ; qu’elle épouse les visions de modes qui s’éteignent les unes après les autres ; qu’elle se mette à discuter avec Karl Marx, Jules Ferry, Lénine, Mao et les autres, eh bien non ! Qu’elle s’acoquine avec les négateurs de la transcendance pour mieux nourrir, disent-ils, les affamés ! Alors que les peuples les plus riches que la terre ait jamais portés, anciennement chrétiens, n’ont pas encore compris qu’ils se devaient de les prendre vraiment en charge : sans omettre cependant et d’abord de saluer le Sauveur en sortant du lit comme au long de nos journées, le louer en nous approchant de ces pauvres dont il est dit qu’ils seront toujours avec nous, pauvres en leur corps, pauvres en leur esprit, pauvres en leur âme ? Mieux soigner, croient-ils, les blessures des corps mortels, les fêlures des esprits abandonnés aux démons de la mort, les angoisses des âmes ? Ont-ils oublié qu’il n’y a pas pire malheur en ce monde que d’être privée de l’infini ? Que d’être enfermées pour toujours dans les étroits logis d’un univers qui n’a d’autre horizon que celui de sa fin ? Non, ce n’est pas perdre son temps que d’invoquer d’abord notre Créateur, notre soutien, notre Sauveur et notre Dieu. Comment aimer, c’est-à-dire se donner à fond, sans nous abandonner entre les mains de Celui qui nous fait vivre, Celui qui réjouit notre âme et nous permet d’aller vers ceux qui sont le plus difficile à aimer, nos ennemis ?
(Se donner à fond : en accomplissant pour ces inconnus ce que l’on sait le mieux faire…)
Non, notre Église n’a pas été fondée par le Crucifié ressuscité pour que se ferme à jamais le ciel qui alors fut ouvert au-dessus de Lui afin que nous L’écoutions, Le servions : nous avons à Le suivre, nous avons à être et rester invinciblement et à jamais de ses amis et donc de ses témoins ! Ce n’est qu’à cette condition, nous proclamer de ses fidèles qu’on ne devrait pas pouvoir faire taire, que l’amour des plus pauvres parmi nous doit se concevoir, de ces pauvres qui manquent, non seulement de pain, mais surtout de foi, d’espérance et d’amour. De vision céleste jusque dans les bouges de la misère matérielle, jusque dans les prisons de la pensée, jusque dans les infâmes dortoirs de l’indifférence, les abîmes de la haine.
Le monde ne sera pas sauvé par ce progressisme encore imbibé de marxisme, cette attention généreuse mais invalide parce que muette du divin, parce qu’orientée seulement vers les désastres qu’il faut certes réparer mais jamais au prix de l’apostasie, fut-elle inconsciente : il sera sauvé par la fidélité inconditionnelle au Christ, vrai Dieu et vrai homme. La Charité n’aurait aucun sens si elle se pratiquait sans avouer sa source : elle deviendrait porteuse de mort puisqu’elle oserait soutenir la vie défaillante sans elle-même être soutenue par la grâce du Tout Puissant d’amour, seule source de tout vie.
Roi !
11 septembre – Invocation au départ de la prière du matin sur Magnificat : « Le Seigneur Jésus Christ est roi, adorons-Le ! »
Oui, roi ! Mais quel roi inattendu ! S’il est roi de gloire, il est également roi des douleur ; roi d’infini puissance, mais de la puissance même de l’amour dont il est fait par là même serviteur souffrant ; roi d’infini beauté, mais aussi roi d’épouvante, à la chair lacérée, mordue par le fer ; roi d’une autorité infinie mise au service de cet amour qui le guide sans cesse sur nos pas, où que nous soyons tombés, afin de nous atteindre et de nous transpercer par sa douceur et son pardon.
Il a, j’en ai l’intime conviction, confiance en l’homme, qu’il ne cesse d’accompagner, de loin, de près, silencieux, ému, attentif, ou bien catastrophé, ne pouvant agir que selon la réponse, oui ou non, que chacun donne, reprend, discute… Une confiance si souvent trahie ! Dédaignée sinon méprisée.
Il est à la porte qui sépare notre temps, notre espace de ce qui les contient, l’éternité, comme ce Père qu’Il décrivait posté tout au haut de la colline pour déceler de loin le retour du prodigue ! Car Lui seul peut l’ouvrir, étant Lui-même cette porte unique, étant Lui-même Celui-là seul, en son corps construit pierre à pierre par chacun de ceux qui Le reconnaissent, Le suivent, L’aiment, qui ne saurait « passer » alors qu’ici bas tout passe : « Tout passera sauf ma Parole » !