Bernard Arnault, l’homme le plus riche de France, fait parler de lui. Même le président de la République, dimanche soir, a commenté les déclarations de l’homme qui veut acquérir la nationalité belge. Les invectives pleuvent. Jean-Luc Mélenchon le traite de parasite. Nathalie Arthaud veut lui confisquer sa fortune. Le journal Libération lui consacre sa première page, en employant une formule qui se veut drôle mais que beaucoup considèrent comme une insulte (ce qui lui vaut une plainte en justice de l’intéressé). C’est donc que les passions sont déchaînées. Elles le sont particulièrement parce qu’il s’agit d’un monsieur très riche accusé d’incivisme. Ne veut-il pas se mettre à l’abri des mesures fiscales préconisées par François Hollande et qu’il considère comme « confiscatoires » ?
Si on prend quelque distance avec les considérations fiscales et si l’on réfléchit à cette réalité de la richesse qui est de toujours, on se référera peut-être à l’Évangile. Et spontanément on retrouvera l’une des plus célèbres paraboles, Celle du mauvais riche et du pauvre Lazare que l’on peut lire en Saint Luc, chapitre 16, verset 19 à 31. À première vue, Jésus est terrible avec l’homme riche et sa dureté de cœur. Cette dureté ne concerne pas en premier lieu la richesse elle-même, elle concerne l’indifférence au pauvre, couvert d’ulcères, qui se trouve à la porte du riche et que celui-ci ignore, retranché dans sa vie de luxe égoïste. Le problème est donc bien circonscrit. La faute réside dans la fermeture du cœur, le mépris de l’autre. C’est même plus que cela. Le pauvre ne semble pas exister pour le riche qui ne le voit même pas.
Bien sûr, il est plus que délicat d’interpréter un tel texte pour l’appliquer à l’actualité. On reproche aujourd’hui au riche de se dérober à son devoir civique, à une urgence de solidarité collective. Mais le milliardaire peut répondre que loin d’être réservé à son seul usage, son capital sert à augmenter la richesse collective en créant des milliers d’emplois, en apportant de substantielles rentrées au Trésor public et en conquérant des parts de marché bien utiles à notre balance commerciale. Tout est dans l’usage qui est fait du capital, et une autre parabole, celle des talents, pourrait aussi illustrer le bien-fondé du bon usage du capital reçu et accumulé. Le débat n’est donc pas clos. Entre l’utilité sociale de la richesse et l’éminente dignité des pauvres à sortir du dénuement, il se prolongera au-delà d’un quinquennat et d’une querelle politique.
Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 11 septembre 2012.