Une clé pour la serrure (suite) - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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Une clé pour la serrure (suite)

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Le sixième jour, Dieu créa les êtres vivants selon leur espèce, bestiaux, bestioles, et il en fut ainsi. Et Il vit que c’était bon. Mais le travail de la journée n’était pas terminé. Car Dieu dit alors: « Faisons l’homme à notre image, comme à notre ressemblance, et qu’il domine les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toutes les bêtes sauvages, et toutes les bestioles qui rampent sur la terre.» Ainsi fut fait, il les créa homme et femme. Puis Dieu les bénit et leur dit de croître et multiplier, d’emplir et dominer la terre.

Dans son récent ragoût de science et d’épate, « On Human Nature » (De la Nature de l’homme), Steven Pinker, autoproclamé « brillant », peine à se retirer avant de commettre une gaffe monumentale. Il prétend que le récit de la création de l’homme dans la Genèse insiste sur une totale séparation entre l’homme et le monde animal. Pinker vise à replier notre conception de l’homme dans celle du monde animal, ainsi que l’ont fait les théosophistes de par le monde qui prétendent libérer l’homme des chaînes matérielles.

Son interprétation de la Genèse, s’il a seulement pris la peine d’y prêter attention en la lisant, est une totale aberration. L’homme passe une journée avec le bétail et les bêtes sauvages. L’homme reçoit aussi la bénédiction de Dieu avec des mots qui rappellent la bénédiction des poissons et des oiseaux: « croissez et multipliez ». D’évidence, l’homme fait partie de cette création matérielle. Pour Adam, donner un nom aux animaux — avec Dieu, chipons la pensée joyeuse de Raïssa Maritain [théologienne, 1883-1960, épouse de Jacques Maritain] qui attend de voir les noms donnés par Adam — suggère une relation intime avec eux. Car donner un nom, dans l’ancien temps, n’était jamais considéré comme un acte arbitraire. Selon le dicton du moyen âge, Nomina sunt consequentia rerum, les noms ont une influence sur ce qu’ils désignent. Donnant un nom aux animaux, Adam sent la nature propre à chacun, et revêt son intuition d’un langage propre à l’homme. Il partage l’Eden avec les animaux.

Cependant, la Genèse affirme aussi qu’il existe une distinction entre l’homme et les animaux. Immense différence; plus grande, d’une certaine façon, que la diférence entre le monde physique et le néant. Car l’homme, bien que faisant partie du monde matériel, est plus grand que ce monde dont il participe, car lui, et non pas le monde, peut non seulement « faire jaillir » toutes sortes de choses par son imagination et son intellect, il peut aussi postuler des mondes préalablement inexistants.

Il est fait à l’image et à la ressemblance de Dieu. Ceci signifie pour l’auteur sacré [de le Genèse] qu’il y a chez l’homme une capacité créative bénie par Dieu lui-même; quand Adam nomme les animaux, il complète la bénédiction que Dieu leur a donnée.

Il ne faut pas pour autant considérer Dieu en termes anthropomorphiques — rien de tel dans la Genèse, hors le besoin d’employer ici ou là une métaphore, à moins que l’auteur se réfugie dans le silence. Celà signifie qu’il faut considérer l’homme en termes théomorphiques: il est à l’image de Dieu. Il sait; il régente; et il est fait pour aimer. Adam explose de joie quand Dieu achève la création de l’homme avec la complémentarité des sexes: « voici maintenant l’os de mes os, la chair de ma chair!»

Cette présentation de l’homme est déconcertante. On ne la trouve pas chez les voisins des Hébreux dans le bassin méditerranéen. L’auteur mythologique grec Hésiode semble voir l’homme jaillir spontanément de la terre féconde. La relation de l’homme avec les dieux est ambiguë et compliquée. Ce n’est pas Zeus qui donne le feu à l’homme, mais le titan rebelle Prométhée. Zeus met parfois à l’épreuve la soumission et le respect de l’homme pour la loi, mais il n’éprouve pas d’amour pour lui, ni n’en attend d’amour.

Sophocle chantera la gloire de l’homme dont l’intelligence prend la mesure des cieux et dont l’habileté maîtrise les mers; mais il affirmera aussi notre pitoyable faiblesse, redisant l’amère constatation de Solon: « nul ne pourra dire d’un homme qu’il connaît le bonheur avant sa mort.»

Dans le mythe babylonien Enuma Elish, l’homme est fait du sang de Kingu, génie du mal associé à la déesse de la mer Tiamat, dont les membres désarticulés servirent à constituer le monde physique. Ce n’est pas une création, mais un remodelage. Marduk, seigneur de guerre homologue de Zeus, qui dirige tout, est le dieu tutélaire de Babylone, et son impérieuse domination sur les autres dieux est l’image de la règle impériale de Babylone sur ses sujets. Quant à l’homme, il n’est là que pour se substituer aux dieux mineurs dans le service fastidieux des temples dédiés aux dieux majeurs. L’homme est fait pour travailler, c’est un être inférieur, si ce n’est un esclave.

Mais alors, quelle est la tâche dévolue à cette créature toute particulière? La joyeuse et rénovatrice fonction d’adoration. Ainsi est orientée toute la création. Car, le septième jour, Dieu se reposa, bénit et sanctifia ce jour.

Si l’homme est au sommet de la création, créé à l’image de Dieu, alors, le Sabbat est une bénédiction toute particulière pour l’homme. Si la création de l’univers se résume ainsi à la création de cet être doué de raison, capable de « dominer » toutes choses, alors, la création de cet être, l’homme, le destine à se tourner vers l’authentique vie divine.

C’est bien ce qui place l’homme au-dessus des animaux. Même un laïcard doit avouer que le travail s’humanise en se libérant. Les animaux font le nécessaire pour survivre, l’homme en fait autant, mais l’homme en fera éclater la beauté, apportant à son travail la lumière de la contemplation. Il est tel que décrit par la Genèse en termes mythiques et par l’Église en termes théologiques: une âme placée dans un corps. Il est poussière, poussière en vérité merveilleuse.

Anthony Esolen

Illustration:

Le Paradis (Jardin des bonheurs terrestres). – Hieronimus Bosch, vers 1500.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/the-key-that-fits-the-lock-part-two.html

Début de cet article :

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/the-key-that-fits-the-lock.html

Traduction : http://www.france-catholique.fr/Une-cle-pour-la-serrure.htm